Affaire Cécile Kyenge Kashetu : silence coupable côté congolais

Aucune déclaration de la part de la kyrielle d'organisations de défense des droits de l'homme et de mouvements féminins. En principe, ce dossier devrait susciter une marche de dignité nationale. Une vraie bombe lancée au visage de tous les Congolais. Pourtant, à Kinshasa comme dans toutes les provinces de la RD Congo, aucune manifestation pour traduire un sentiment de révolte face aux injures proférées contre cette native de Kambove près de Likasi au Katanga. Car, même si elle s'est naturalisée Italienne, Cécile Kyenge Kashetu est bel et bien née au Congo-Kinshasa en 1964 avant de s'installer, 19 ans plus tard, en Italie. Mais, voilà que 30 ans après son arrivée dans ce pays, elle est traitée officiellement de " singe ", de " Orang-outan ". Plus qu'un élan raciste, c'est une injure faite à toute une nation, à tout un pays, la République démocratique du Congo et à l'Afrique. Surtout lorsque c'est le vice-président du Sénat italien Roberto Calderoli, qui l'a comparée à un singe, suivi par la suite de l'attaque d'un député européen, un autre sujet italien, en l'occurrence Matteo Salvini.

L'euro député Matteo Salvini associe Cécile Kyenge Kashetu à un fait divers sanglant où un clandestin ghanéen est en cause, juste après que la deuxième personnalité du Sénat italien, Roberto Calderoli, et donc pas n'importe qui dans ce pays, ait comparé la Rd-congolaise d'origine à un " orang-outan ". Nommée ministre de l'Intégration au sein du Gouvernement italien, Cécile Kyenge Kashetu a, dès sa prise de fonction, fait l'objet de nombreux commentaires racistes, xénophobes ou sexistes. Le député européen de la Ligue du Nord Mario Borghezio, pour sa part, insinue qu'elle devait son entrée au Gouvernement à des relations sexuelles avec un membre du Parti démocrate. Ce qui a même poussé le Gouvernement italien à ouvrir une enquête sur la diffusion de ces propos.

Une insulte à la RDC

Mais, pourquoi cette levée des boucliers face à une Italienne ? Si elle avait la peau blanche, aurait-on assisté à cette scène où elle est vite comparée à un " orang-outan " ? Apparemment, c'est d'abord parce qu'elle est noire et donc Rd-congolaise d'origine. De ce point de vue, c'est une insulte faite à toute une nation, la nation congolaise. Surtout lorsqu'on ajoute qu'elle est bonne pour être ministre dans son pays, la RDC. Et lorsque ce sont des officiels qui mènent la barque dans cette campagne, on comprend que l'on peut parler de l'insulte de l'Italie à la RDC au grand dam des principes de naturalisation. Et quand on attribue son ascension à des relations sexuelles, c'est à peine si on ne la qualifie pas de prostituée dans un pays où des soirées des officiels passent pour des faits divers.

On se souviendra de tous les épisodes du feuilleton Berlusconi, à l'époque président du Conseil, avec des soirées qui, logiquement, auraient poussé les mêmes autorités qui s'acharnent aujourd'hui sur Cécile Kyenge Kashetu à ne pas opter pour la langue de bois. Quel scandale ne nous a-t-on pas présenté ? Mais, ces officiels s'étaient-ils donné la moindre peine de commenter ce qui pouvait même inspirer les cinéastes et leur permettre de remporter le titre au festival de Venise ? Il est déplorable que le pays de Jules César se réduise au racisme, à la xénophobie en 2013 ! Si ce qui est réservé à Cécile Kyenge, avait été réalisé en Afrique et contre des sujets européens, à quelle campagne n'aurait-on pas assisté aujourd'hui sur fond de prises de position diplomatiques.

De l'université sacré-coeur au gouvernement.

Pourtant, Cécile Kyenge n'est pas une immigrée en Italie. Arrivée à partir de 1983, elle a passé une lauréat de médecine et chirurgie à l'université catholique du Sacré-Cœur. Elle s'est, par la suite, spécialisée en ophtalmologie à l'université de Modène et de Reggio d'Emilie et devient ophtalmologue. Aux élections municipales de juin 2004, elle est élue à Modène sous les couleurs de Démocrates de gauche (DS) alors que la coalition de l'Olivier remporte le scrutin. Cinq ans plus tard, elle est élue au conseil provincial de la province de Modène, l'alliance de gauche conservant la majorité. A l'occasion des élections générales anticipées des 24 et 25 février 2013, elle remporte un siège à la chambre des députés en Emilie-Romagne.

Et le 27 avril 2013, elle est nommée ministre de l'Intégration du Gouvernement de grande coalition d'Enrico Letta. Elle prête serment devant le président de la république Giorgio Napolitano et le président du Conseil Enrico Letta, le lendemain au Palais du Quirinal. Elle devient ainsi la première ministre d'origine africaine à entrer dans l'Exécutif italien. Mariée à Domenico, un ingénieur de nationalité italienne depuis 1994, Cécile Kyenge Kashetu vit à Castelfranco Emilia et est mère de deux filles adolescentes, Giulia et Maïsha.

Une marche de dignité nationale

Chose curieuse, en RDC, on n'observe aucune action visant à redorer l'image de Cécile Kyenge Kashetu. La kyrielle d’organisation de défense de droits de l’homme et de structures féminines ne se manifesent pas. Alors qu'en principe, les différentes insultes devraient pousser les Congolais, pour ne pas simplement parler des Congolaises, à un sursaut d'orgueil parce que si toute une ministre, bien que naturalisée Italienne, est traitée de la sorte à cause de ses origines, quand est-il des autres compatriotes vivant en Italie ? Peut-être que pour le vice-président du Sénat et les deux députés européens, ce n'est qu'une bande de "orang-outan " encombrant inutilement les rues de l'Italie. Si aucune initiative n'est prise aujourd'hui pour faire entendre la voix des Congolais, il faudra s’attendre au pire plus tard. Car, l'affaire Cécile Kyenge Kashetu constitue un fâcheux précédent.

Source : Starducongo.com