Nadeen Mateky, une orfèvre du cheveu
Pour sublimer la femme, cette créatrice capillaire d’origine congolaise puise son inspiration dans l’héritage culturel et historique du continent africain. Nadeen Mateky possède un talent précieux, celui de voir au-delà de la femme. Elle sait la métamorphoser en amazone des temps modernes en faisant de sa chevelure une parure digne des reines africaines. Grâce à sa créativité, la jeune femme redonne au cheveu crépu ses lettres de noblesse.
Une passion née avec sa grand-mère
Originaire du Congo, Nadeen a eu une enfance partagée entre la région parisienne et Brazzaville. Si cette période n’a pas été facile pour elle, c’est sur le sol africain que son amour pour le cheveu s’est révélé. De fait, au lieu d’aller jouer avec ses cousins du même âge qu'elle, Nadeen découvre l’art de manier le cheveu afro en coiffant sa grand-mère. « Elle avait des cheveux qui lui tombaient jusqu’aux reins. Elle n’a jamais fait de défrisage. Elle les entretenait avec des soins qu’elle préparait elle-même avec des produits naturels.
Chicottes et nattes de toutes sortes, « elle m’a tout appris », raconte la jeune femme avec reconnaissance. De retour à Paris, elle suit des études en comptabilité, mais sa passion pour la coiffure prend le dessus et le destin s’en mêle. Alors qu’elle coiffe la chanteuse de dancehall Lady Sweety, une maquilleuse la repère et lui demande de l’accompagner sur un shooting. Nadeen a 21 ans. Ce coup de pouce inattendu va lui ouvrir les portes d’un milieu très fermé. La jeune femme ajoute alors le maquillage à ses compétences, et enchaîne les collaborations.
La coiffure pour Nadeen, un art de tous les instants
Trentenaire solaire, Nadeen participe aujourd’hui à des couvertures de magazines, des pubs, des clips et des longs-métrages. Elle revient d’ailleurs du Bénin où elle a travaillé avec le réalisateur Sylvestre Amoussou sur son 3e film L’Orage africain. Elle est également sollicitée pour coiffer et maquiller des stars, françaises et internationales. Le reste du temps, Nadeen se consacre à son art : la création capillaire. Là où certains ne voient dans la coiffure qu’une profession artisanale, la jeune femme l’envisage comme un art à part entière. Et à contempler ses pièces, qui pourraient la contredire ? Le savant montage de mèches, de locks et de tresses, allié à la minutie des détails, donne à ses œuvres un caractère unique.
« Je suis tout le temps en train de réfléchir à de nouvelles créations », confesse-t-elle. « Parfois, j’ai les idées qui fusent et ça me tient éveillée toute la nuit. » Nadeen Mateky présente régulièrement le résultat de ces remue-méninges créatifs lors de défilés. Les derniers en date, baptisés « Queen of Africa », ont eu lieu en avril, place de la République, à Paris, et au Salon Boucles d’Ebène, le 30 mai, au Cent quatre. Artiste complète, Nadeen créé aussi des bijoux et des manchettes en cuir, comme celles que portaient les reines et rois d’Afrique, dont elle pare ses modèles.
Dans son imaginaire, de grandes figures féminines africaines
Nandi, reine du Zululand, Kimpa Vita, prophétesse Kongo, ou encore Ndaté Yalla Mbodj, dernière reine du Walo…, la liste des grandes figures féminines de l’histoire du continent est longue. Parfois oubliées, souvent méconnues, elles habitent l’imaginaire de Nadeen Mateky. Ayant elle-même un caractère bien trempé, il n’est pas étonnant qu’elle éprouve une telle admiration pour ces femmes qui ont lutté contre la traite négrière et opposé une résistance farouche aux puissances coloniales.
Avec ses créations, Nadeen Mateky tisse donc un hommage à la femme noire à travers les siècles. « La femme est une reine », affirme-t-elle avec force. « On est trop souvent sous-estimées. Je veux mettre en valeur l’image d’une femme solide, belle, intelligente, dynamique... royale. » Étroitement lié à ses racines, l’ancrage de sa passion a laissé une empreinte indélébile sur son style. « Quand tu regardes mes coiffes, je m‘inspire des coiffures ancestrales d‘Afrique. On me fait parfois remarquer que telle ou telle création rappelle les coiffes bantu ou peul», confie-t-elle. Elle cite également certaines de ses pièces pouvant évoquer des coiffures traditionnelles du royaume Kongo.
Férue d’histoire de l’art capillaire, Nadeen explique qu’à l’époque, on attachait le crâne des nouveau-nés pour lui donner une forme allongée. Une fois adulte, les femmes portaient donc une coiffe ovale dont la hauteur et les ornements indiquaient le rang social. Le lien entre les coiffures traditionnelles africaines et ses créations n’est pas prémédité. « Je ne me dis pas à l’avance que je vais faire une coiffure bantu, peul ou autre. » Nadeen dessine d’abord ses modèles. Une fois la matière entre les mains, elle laisse libre cours à son inspiration. Le résultat final est presque toujours une surprise. « Je connais ces coiffures traditionnelles mais je ne me dis pas à l’avance que je vais faire une coiffure bantu, peul ou autre ». Nadeen dessine d’abord ses modèles. Une fois la matière entre les mains, elle laisse libre cours à son inspiration. Le résultat final, presque toujours une surprise, révèle une forte sensibilité « contemporaine ».
Faire du cheveu crépu un trésor
Nadeen Matéky sait sublimer tout type de cheveux, mais quand elle évoque le potentiel des cheveux crépus, son regard s’anime. « Ils ont la particularité d’être très malléables. On peut faire tout ce qu’on veut : les lisser, faire des locks, des couleurs, les laisser en afro, les natter, etc. » Elle est personnellement opposée au défrisage et souligne que nos cheveux naturels sont loin d’être ingérables quand on applique les bonnes méthodes de soins. «Nos cheveux sont très beaux.
C’est une richesse, un vrai trésor qu’on a entre les mains. » Quand elle songe au chemin parcouru, Nadeen Matéky mentionne sa rencontre avec « ses reines », comme elle les appelle : « La plus belle des récompenses, c’est de vivre ces moments-là avec des personnes qui croient au projet. C’est de voir le sourire des modèles lorsqu’elles découvrent leur reflet et les entendre dire : je ne me suis jamais sentie aussi belle. Ça n’a pas de prix. »Ses projets pour l’avenir ? Trouver des sponsors pour les mèches de ses coiffes et monter une structure afin de « représenter ses reines ». Nadeen pense aussi à sa fille de 20 mois, sa princesse. Elle jubile à l’idée de « s’éclater sur sa tête », et de lui transmettre un jour son savoir… tout comme l’a fait sa grand-mère avec elle.
Source : afriquelepoint.fr
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