"La contraception est un droit de la femme": une évidence? Pas à Madagascar

"La contraception est un droit de la femme." Cette phrase peut paraître anodine chez nous, à l’heure où la parole féministe se libère un peu plus chaque jour. Mais les propos d’Odile Hanitriniaina, docteure à Tananarive, revêtent un tout autre sens à Madagascar. Les Malgaches doivent encore se battre pour que la contraception soit acceptée et qu’elle soit en libre accès pour toutes et tous. En 2016, seule une femme sur trois avait recours à un moyen contraceptif. Dans un pays où 41% des femmes entre 20 et 24 sont mariées avant leurs 18 ans.

Une pression sociale décisive

"Parler de contraception, c’est en quelque sorte avouer que l’on a des relations sexuelles hors mariage. Et ça c’est compliqué. Donc on n’en parle tout simplement pas", raconte Koloina, étudiante dans la capitale. Gênée, le regard fuyant, la jeune femme nous confie qu’elle préfère envoyer ses amies mariées à la pharmacie à sa place. C’est ce regard de l’autre, cette peur d’être jugée par son entourage ou son mari qui inquiète le plus les Malgaches. A cela, s’ajoutent les croyances et coutumes du pays.

Pour la docteure Odile Hanitriniaina, il n’y a pas de doute, elles ont évidemment un rôle à jouer dans l’acceptation de la contraception. "Il y a beaucoup d’us et coutumes à Madagascar. Et les personnes qui connaissent mal la contraception lancent des rumeurs qui sont très faciles à capter par la population. On lutte beaucoup contre ça."

Et parmi ces rumeurs, le risque de stérilité arrive en tête. Un malheur pour les Malgaches qui considèrent les enfants comme une bénédiction. Certaines jeunes femmes décident donc de limiter l’usage de contraceptifs, y compris les préservatifs. Même s’ils restent le moyen de contraception le plus répandu dans la capitale (31%), juste devant les injections (28%).

La campagne, délaissée par les structures sanitaires

Dans les zones rurales, le problème est tout autre. Moins que le qu’en dira-t-on, c’est surtout le manque de structures médicales qui conditionne l’accès aux contraceptifs. Plus l’on s’éloigne des villes, plus les dispensaires se font rares. Ce qui participe à expliquer que 60% des accouchements se pratiquent encore à domicile à Madagascar.

"En plus, tu n’es même pas certaine qu’il y ait un médecin sur place. Vaut mieux accoucher à la maison", nous confie Nour, la trentaine. Le dispensaire le plus proche se situe à plus de deux heures de marche de son village. Si elle a préféré accoucher là-bas pour ses deux premiers enfants, Nour a finalement changé d’avis pour les deux suivants au vu des conditions.

Le choix du contraceptif est conditionné par cette situation sanitaire précaire. Les femmes doivent évaluer le moyen le plus adapté pour elles. Ce n’est donc pas étonnant d’observer que ce sont surtout les méthodes dites de longue durée qui ont la cote, telles que l’injection ou l’implant.

Un droit qui doit évoluer

Si le droit à la contraception pour toutes et tous est encore loin d’être absolu à Madagascar, le pays n’a rien à envier ses voisins. En Afrique subsaharienne par exemple, seule une femme sur cinq a eu recours à un moyen de contraception. Pourtant, ce droit doit être considéré comme un levier pour l’émancipation personnelle et professionnelle des femmes. Que ce soit pour programmer une naissance ou empêcher une grossesse, toutes devraient avoir le choix. Ce qui est d’autant plus vrai sur l’île rouge, où 91% de sa population vit sous le seuil national de pauvreté (moins de 2 euros par jour).

Le gouvernement semble toutefois avoir compris l’enjeu. Des politiques publiques ont été mises en place pour améliorer la situation. L’objectif d’ici 2020 : qu’une Malgache sur deux adopte une méthode contraceptive.

 

 

 

 

 

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