Une première au Maroc : des femmes concourent pour devenir notaires de droit musulman
Des centaines de femmes se pressent devant la faculté des lettres de Rabat pour un concours inédit : pour la première fois au Maroc, le métier de notaire de droit musulman s'ouvre aux femmes, une initiative rare qui a suscité une vague de réactions dans le royaume.
« Je n’ai jamais imaginé un jour devenir adoule », notaire de droit musulman, confie Ilham, 25 ans, venue de Meknès (centre) pour le premier concours du genre, organisé dimanche dans sept villes du royaume.
Les adouls sont des notaires de droit musulman habilités à rédiger des actes légaux, par exemple de mariage ou d’héritage. Il existe également des notaires de droit civil.
La décision d’ouvrir cette fonction aux femmes, quasi-inédite dans le monde musulman, a été prise fin janvier par le roi Mohammed VI, « commandeur des croyants » dans son pays. Elle faisait suite à un avis favorable du Conseil supérieur des oulémas, une institution officielle chargée d’appuyer la politique religieuse musulmane du royaume.
« Quand la décision a été prise, je me suis dit que c’était une opportunité, vu que j’ai suivi des études de droit », confie Ilham, veste noire sobre et fines lunettes.
« C’est une mesure juste qui témoigne d’une évolution en matière d’égalité hommes-femmes », se félicite Sara, un élégant voile beige couvrant la tête, elle aussi venue de Meknès pour ce concours devenu mixte pour la première fois.
Si elles peuvent exercer tous les métiers juridiques, les femmes marocaines n’avaient jusqu’ici pas le droit de devenir adoule, l’islam considérant le témoignage de la femme comme valant la moitié de celui de l’homme, selon une interprétation courante des textes. Or le témoignage est l’essence même du métier.
L’ouverture de la profession attire dimanche des milliers de femmes dans plusieurs villes, représentant 40% des quelque 19.000 candidats, pour 800 postes en jeu, selon des chiffres officiels.
« La sélection sera basée sur le mérite, il n’y aura pas de discrimination positive en faveur des femmes », souligne à l’AFP un responsable du ministère de la Justice, qui chapeaute le concours.
« Réticences »
L’initiative a été saluée par les milieux libéraux, mais a provoqué des remous dans la sphère salafiste, un courant fondamentaliste qui rejette la violence armée.
« C’est contraire à la charia », la loi islamique, avait affirmé à l’AFP Hassan El Kettani, figure de proue du courant salafiste au Maroc, à l’annonce de la décision en janvier.
Ce prédicateur y voyait une « tentative de laïciser les dernières lois en vigueur issues de la charia ».
Bouchaïb El Fadlaoui, président de l’Instance nationale des adouls, assure qu’il y a eu au départ « une certaine hésitation » chez les 3.000 adouls marocains, mais que « la décision royale basée sur une fatwa officielle a fini par convaincre les réticents ».
« Les femmes adoules pourraient rencontrer des difficultés et faire face à des réserves », soutient de son côté Bouchra, 32 ans.
« L’évolution de la société a ouvert la voie à la jurisprudence, c’est ce qui nous permet aujourd’hui d’exercer cette fonction », explique cette diplômée en droit privé qui aspire à être parmi les premières femmes adoules du pays.
« Il y aura naturellement des réserves au départ, mais les gens verront assez vite que les femmes travaillent avec sérieux, ça va dissiper les réserves », sourit Ilham, qui se dit « confiante » de décrocher une des 800 places en jeu.
Le Maroc, qui se veut le chantre d’un islam modéré, a remanié en profondeur son champ religieux. Dans ce pays de 35 millions d’habitants où modernité et conservatisme religieux se côtoient et où l’islam est religion d’Etat, la question de la séparation des champs religieux et politique fait souvent débat.
L’égalité en matière d’héritage provoque ainsi de vifs débats au Maroc, où la femme n’a droit qu’à la moitié de ce qu’hérite l’homme conformément au texte du Coran.
« Si le Conseil est allé contre le fiqh (doctrine islamique) au sujet des femmes adoules, il peut aussi le faire (…) sur d’autres affaires », estime l’ex-prêcheur Abdelwahab Rafiki, aujourd’hui chercheur en islam et fervent défenseur de l’égalité dans l’héritage.
Source : jeuneafrique.com
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