Audrey Chicot, la femme qui rêve d`une industrie aéronautique au Cameroun

A 42 ans, la Directrice Générale de Multi Services et Matériels Industries et Présidente de l’Association interprofessionnelle de la fabrication et de la maintenance industrielle au Cameroun, multiplie des initiatives et montre le chemin à ses compatriotes, chacun dans son domaine, pour arriver à l’émergence souhaitée par son pays.

Voir une personne parler du Cameroun en bien et avec passion dans un contexte de crise où la majorité des subconscients est dominée par des diatribes et récriminations, on n’en trouve pas beaucoup. De surcroît, si celle-ci est une femme, cela relève presque du surréalisme. Pourtant Audrey Chicot est de celles-là.

La Directrice Générale de Multi Services et Matériels Industries (MSMI), entreprise qui fait dans la maintenance et la fabrication industrielle, voit son pays avec grandeur. Loin des avis négatifs des uns et des clichés dénigrants des autres. Elle en parle avec fierté et autorité. Surtout dans son domaine. L’industrie.

Son orgueil est parfois justifié. Son entreprise MSMI a été classée en 2014 après un bunch-marking, 6ème entreprise mondiale sur 988 entreprises de la même taille. Cela ne peut que procurer de la fierté. Et notre amazone de l’industrie a raison d’en avoir. Elle, qui s’efforce au quotidien pour élever son entreprise aux standards internationaux. MSMI est née par un sursaut d’orgueil. Celui de ne pas supporter voir les machines à l’arrêt dans les usines de son pays faute de pièces de rechange ou de nombreuses commandes en matériels de maintenance adressées à l’étranger.

«J’ai trouvé cela anormal et j’ai jugé qu’il fallait faire quelque chose ». Pari gagné. Aussitôt son entreprise lancée qu’elle est submergée de commandes. «Fabrication et maintenance sont liées. Le succès ne pouvait qu’être immédiat », rétorque-t-elle.

Elle parcourt les grands salons et plateformes d’échanges sur la place occidentale et asiatique où se rencontrent tous les grands industriels du monde, toujours dans l’esprit d’y tirer le meilleur pour son pays et l’Afrique. En effet, Audrey Chicot croit aux potentialités du Cameroun. Elle pense que beaucoup de choses peuvent être faites sur place.

« Le Cameroun, contrairement à d’autres pays d’Afrique et aux idées reçues, a des techniciens et praticiens de terrain avec un niveau de compétence avérée pour permettre aux usines de fonctionner et rester plus d’un siècle ».

Elle se bat dans son domaine de compétence à travers son entreprise pour pousser sa patrie vers les cimes et lui permettre de retrouver la place d’antan. Celle d’un pays leader. Avec parfois un optimisme bouleversant pour ses nombreux compatriotes portés en majorité par le désespoir.

« Les camerounais ne croient plus au système. Certes, je les comprends. Nous avons été longtemps floués. Et notre économie a pendant longtemps stagné. Mais, les choses reprennent petit à petit, peut être pas au rythme souhaité par la population.Il faut que nos concitoyens réapprennent à redonner confiance à leur gouvernement qui est entrain d’initier pas mal de choses ».

Que ce soient de l’industrie agro-alimentaire qui se met progressivement en place, les secteurs pétrolier et de l’aluminium dans lesquels elle a choisit d’exercer, elle s’affirme par son dynamisme et son savoir-faire. A ce jour, MSMI est la seule entreprise en Afrique Centrale à faire dans l’entretien des vannes pétrolières.

« Mon souci a toujours été d’implanter au Cameroun ce que j’ai vu ailleurs », affirme Audrey Chicot.

Vœu accompli en 2003, un an après son retour au bercail et au terme d’une formation en maintenance en France. A MSMI, elle forme et informe le futur de la main d’œuvre de l’industrie camerounaise et africaine. Sous l’impulsion du Ministère de l’industrie et des mines, dame Chicot, expérimentée et leader de son secteur, est chargée de fédérer et de sortir tous les corps de métiers de la maintenance industrielle de l’informel.

« Ne fabriquant pas les produits de première nécessité, beaucoup d’industriels en fabrication et maintenance ne trouvent pas l’importance de parler de leurs réalisations ».

Jusqu’alors, elle reste l’unique à communiquer dans le secteur. Une démarche qui n’a pas manqué de susciter l’intérêt de la presse à son égard, compte tenu de son statut de femme dans ce milieu à dominance mâle et de son engagement dans un domaine resté jusque-là l’apanage d’une poignée de personnes.

Présidente de l’Association Interprofessionnelle de la Fabrication et de la maintenance industrielle au Cameroun (Aifmc), elle est également à l’origine de l’entrée en Bourse de Sous-traitance et partenariat (BSTP) des entreprises du secteur. Autant de responsabilités qu’elle s’est arrogée sans que ses confrères hommes ne se sentent aucunement gênés. En réalité, c’est parce que la fille de Yetna patronyme paternel et nom de jeune fille a le profil de l’emploi. Femme de principe et grande gueule, de nature hyperactive, Audrey Chicot n’est pas le genre de responsable à jouer au patron. Un terme qu’elle juge pompeux et n’affectionne d’ailleurs pas. Très proche de ses employés, elle est toujours au four et au moulin pour se rassurer de la bonne marche de telle ou autre chose, si elle n’est pas elle-même entrain de serrer un boulon ou découper une pièce pour lui donner la forme voulue.

« Je travaille même en dormant », ironise-t-elle.

Plusieurs fois courtisée par les politiques flattés par sa verve, Audrey Chicot a toujours décliné l’offre. En réalité, la politique ne l’attire pas. « Je me sens bien là où je suis. J’ai la liberté d’agir et de faire les choix que je veux. En politique vous pouvez avoir toute la volonté du monde et échouer». Seule au bureau, les projets pleins la tête! Seule au bureau, les projets pleins la tête! Cette passionnée de la transformation et de la fabrique estime que l’industrie est un tout. Selon elle, ce secteur d’activité demande imagination, innovation et ingéniosité pour compter parmi les meilleurs de la crème de l’industrie mondiale.

« Ce sont les industriels qui font la force des politiques et non le contraire », clame-t-elle.

Est-ce à dire qu’Audrey Chicot manque d’ambitions. Que non ! Cette militante panafricaine et fervente défenseure de la coopération sud-sud et du transfert de technologie manifesté à toutes les signatures des contrats de partenariat de son entreprise avec ses consœurs étrangères n’est pas sans projets. Elle annonce pour très bientôt de nombreuses réalisations sur les plans national et international pour répondre aux attentes de l’industrie camerounaise. Dans son escarcelle, un domaine de pointe, l’aéronautique. Elle compte s’investir dans ce secteur en prélude à la Coupe d’Afrique des Nations de football en 2019 pour profiter, dit-elle, du hub aérien qui sera mis en place pour la circonstance.

« Si les compagnies n’atterrissent plus chez nous, c’est parce que nous n’avons plus les services de maintenance ».

Une idée qui apparaît comme une utopie et une lubie aux yeux de certains mais à laquelle est fortement accrochée Audrey Chicot, l’affamée révolutionnaire. Va-t-elle pouvoir relever cet autre défi? Sans nul doute car Madame Chicot en a l’habitude.

 

Soucre: info-cameroun.com