Tchonté Mireille Silué, Bloggeuse et Entrepreneur social : “on devrait fournir une éducation de qualité dans les écoles publiques pour éviter les inégalités.”
Tchonté Mireille Silué, fondatrice du Centre Eulis, est une blogueuse passionnée de lecture, d’éducation. Après son master en entrepreneuriat social à Hult International Business School à San Francisco, à 23 ans elle ouvre le Centre Eulis, un espace de lecture pour enfants et un club de lecture pour adultes dans la commune de Yopougon. Mireille Silué nous parle de ses motivations.
De quoi parlez-vous sur votre blog leschroniquesdetchonte.com ?
Mon blog, en général, est plus axé sur le livre et mes lectures. Mais il est important de préciser que j’aborde diverses thématiques notamment celles relatives à mes expériences de voyage, mon parcours au Centre Eulis ou j’apprends énormément de choses en terme d’éducation. Je partage également certaines de mes pensées dont les sujets peuvent porter sur la femme.
Qu’appelle-t-on exactement l'entrepreneuriat social?
L'entrepreneuriat social à la base est le fait de créer une entreprise dans le but de résoudre un problème dans la société. En principe, votre entreprise doit être un porteur de solution à un problème connu dans le quotidien. Autrement dit, il faut qu’elle soit une bonne clé qui résout un problème dans la société. Ce qui veut bien entendu dire qu’on génère du profit certes, mais que c'est un business plus axé sur du social. Aujourd’hui on attribue également l'entrepreneuriat social aux ONG, aux associations. Toutefois, le but, c’est de pouvoir générer du profit tout en résolvant un problème social.
Pourquoi avoir choisi l'entrepreneuriat social?
À la base, J’ai fait un Bachelor Finances. Et pendant les cours de finances je ne percevais pas encore le côté humain lié à la finance parce qu'on ne me parlait que de chiffre, de portfolio et on ne nous parlait pas de l'homme derrière. Lorsque j'étais aux Etats-Unis, j’ai découvert tout ce qu’était l’engagement communautaire, l’importance d’être actif dans sa communauté, de faire des choses pour et avec les autres. C’est également aux Etats-Unis que j’ai découvert l'entrepreneuriat social. Initialement, je voulais faire un boulot à travers lequel j’allais faire de bonnes actions pour le volet religieux. Je me disais que, comme je suis méchante de nature et si je fais ce boulot et que je fais du bien à la communauté, ces actions vont peser un peu dans la balance (rire). Voilà pourquoi, je suis partie faire l'entrepreneuriat social.
A la base, quand j’ai ouvert le centre, c’était une entreprise SARL, aujourd’hui j’ai décidé de fermer et virer en mode ONG mais avec l’idée de générer du profit pour pouvoir organiser nos ateliers éducatifs. Je n’ai pas voulu avoir un mode de fonctionnement en tant que ONG tant bien qu’on reçoive des dons, mais qu’on puisse fonctionner même lorsqu’on n’en reçoit pas. Le but ce n’est pas dépendre uniquement des dons. J’ai voulu l’entrepreneuriat social parce que je me suis dit que si les entreprises ne faisant pas du business juste pour faire du business, on aurait pu résoudre beaucoup de problèmes à la société.
D'où est venu cet engagement ?
C’est difficile à dire. Personnellement, il y’a beaucoup de volet religieux. Parce que justement c’était en mode « il faut que je sois utile aux gens ». Dieu nous demande de faire du bien aux gens de manière générale. Cet engagement est né quand j’étais aux États-Unis parce que ici, tout ce qui est bénévolat n’est pas très développé. Surtout quand j’étais à l’université, à l’époque sur ton CV on te disait que lorsque tu es étudiant, les gens regardent plus ce que tu as fait, en terme de club. Donc c’était ça qui m’avait donné envie d’être active dans les clubs et les communautés. La première activité que j’avais faite, c’était un voyage avec Habitat For Humanity. Nous allions construire des maisons et après nous avons rencontré la dame qui devait en être la bénéficiaire. Elle nous a remerciés et j’ai tellement apprécié la manière dont elle était contente que je m’étais dit « Wahou, si je pouvais créer ce sourire sur d’autres visages et si on va plus on verra aussi l’impact du coté social des parents.
A 23 ans vous avez créé ce centre sur fonds propre. Qu’est ce qui vous a motivé à le faire?
Quand je faisais mon Master Entrepreunariat Social, on avait des cours qui étaient très lucratifs. D’habitude pendant l’année scolaire, le professeur parle et on écoute, on prend des notes et après on fait l’examen. On donne les réponses qu’il a donné et ça s’arrête-là. Mais pendant mon master, c’était vraiment différent. On nous donnait des projets . On partait faire des enquêtes dans la vie. On déterminait un problème et on proposait des solutions devant le professeur et la classe. On était beaucoup plus actif au faite. Et ça me donnait plus envie d’apprendre par rapport au système qu’on avait l’habitude de voir. Et j’ai eu envie d’avoir la même chose ici en Côte d’Ivoire. Quand je suis rentrée, avant d’ouvrir le centre, je voulais avoir de l’expérience dans l’éducation c’est pour cela que je suis allée enseigner dans mon ancienne Université et j’avais mon salaire. Mais je vis chez mes parents donc j’économisais et je me disais que j’allais investir dans quelque chose de social. Pendant cette période là, je lisais Père riche Père pauvre de Robert Kiyosaki et il a dit que quand il était petit, vers l'âge de 9 ans, il a créé une sorte de bibliothèque dans le quartier dans le garage du père de son ami. Je me suis dit mais moi j’adore lire et j’ai plein de livres et si je faisais une bibliothèque. Entre temps, j’avais déjà commencé le bénévolat pour faire la lecture aux enfants. J’organisais des ateliers moi-même avec les enfants aussi. Je savais que les enfants aimaient lire donc je me suis dit qu’il serait bon d’ouvrir pas seulement une bibliothèque mais également un centre ou on pourrait faire d’autres activités pour que les enfants puissent apprendre. C’était vraiment donner envie aux enfants d’apprendre. C’est comme ça que j’ai créé le centre.
Pourquoi n’avez-vous pas demander de l’aide au gouvernement ou à d’autres organisations humanitaires comme le font certains?
Comme je l’ai dit, j’avais mes économies et je voulais inventer dans quelque chose de social.
Lorsque j’ai abordé le sujet avec mon père, Il m’a proposé d’utiliser ici. A la base c’était un hôtel, pendant la crise postélectorale, il a été pillé et fermé. C’était un studio qui servait de débarras pour ranger de tout et n’importe quoi. Il m’a donc dit , tu peux utiliser ce local. C’est comme ça que j’ai commencé à rénover. J’ai carrément dépassé ce que j’avais prévu mais ce n'était pas compliqué parce que ça me tenait à coeur. Mon intention n’était d’investir pour avoir un retour sur mon investissement, non. C'était un essai que je voulais évolutif sur le long terme. Il ne m’est jamais venue à l’idée d’attendre le gouvernement.
Et bien souvent la question qui revient sur les lèvres de mes interlocuteurs à savoir si je ne reçois pas d’aide. Alors pour l’instant, je ne peux pas dire non parce que je n’ai jamais formulé de demande encore moins déposé un projet à la mairie. En revanche, j’ai reçu de l’aide de personnes publiques de bonne volonté, d’organisation nationale et internationale, des personnes à titre personnelle qui viennent parce qu’ils voient l’évolution de nos activités. Moi, c’est mon mode de fonctionnement. Je me dis que si les gens ont envie d’aider, ils vont le faire d’eux-mêmes sans qu’on ait à demander.
Faut-il une qualité, un talent particulier ou un parcours à suivre pour exercer le métier d’entrepreneuriat social?
Il faut juste avoir envie de résoudre un problème dans sa société. Après bien sur, c’est toujours de se former dans divers domaines comme celui de la finance, la gestion, du management. Mais le primordial, c’est la volonté et la détermination et l’envie de changer quelque chose qui doivent primer. En somme, il existe tellement de domaines dans lesquels on peut s’engager et faire l’entrepreneuriat social. Que ce soit dans la santé, l’éducation, ça peut être dans l’agriculture, ça peut être partout.
Vous parlez beaucoup de religion, vos parents sont chrétiens et vous musulmane. Comment l'ont-ils pris?
Il n y a vraiment pas eu de problème. Ça s’est bien passé. Au début, c’était beaucoup plus difficile pour ma mère, mais avec mon père, mes frères et soeurs, c’était bien. Il faut la comprendre, ça peut faire bizarre de voir son enfant prendre une voie différente de la sienne. Je n’étais pas à la maison. J’étais à l’internat à l’université, donc on ne se voyait presque pas.
Après l'université, je suis allée aux Etats-Unis. On a pas eu de grande friction et aujourd’hui il n’y a pas de problème par rapport à cette situation. Elle m’offre les voiles et elle fait la cuisine pour nous pendant les fêtes.
Vous êtes voilée. Il y’a certaines personnes qui pensent que le voile est un signe de soumission. Qu’en pensez vous ?
Oui! C’est un instrument de soumission pour moi, mais soumission à Dieu. Elles ont totalement raison et ça dépend. À qui pensent-elles quand elles le disent. Moi je ne suis pas mariée, mon père n’est pas musulman, moi je le fais pour être soumise à Dieu non à mon époux. Pour moi, c’est une obligation. Je mets le voile plus comme un rappel à moi-même de ma foi musulmane pour que, dans mes gestes au quotidien, parfois quand tu sens que tu es en train de dévier et tu te rappelles que tu es musulmane, il y’a certaines choses que tu ne peux pas faire.
Quelle est la place de l’éducation dans ce monde?
Pour moi, l’éducation est la chose la plus importante. C’est vrai qu’il y’a la santé mais pour qu’un pays, une personne se développe c’est l’éducation. C’est un peu difficile de savoir qui vient en premier. Si tu n’as pas l’éducation tu peux ne pas savoir comment te soigner. Et si tu n’as pas la santé c’est difficile d’avoir l’éducation. Je me rappelle que je suis allée au village une fois et un cousin qui avait rendez-vous à l’hôpital avec sa femme est venu vers moi avec l’ordonnance et m’a demandé de la lire. C’est vraiment la chose la plus basique qui soit.
En principe, l’éducation devrait aider à réduire les inégalités. Parce qu’aujourd’hui, qu’on le veuille ou pas un enfant qui vient d’une famille privilégiée à plus de chance de réussir dans l’éducation qu’un enfant qui vient d’une famille moins privilégiée. Les deux vont aller dans la même école mais ce ne sera pas pareil. L’autre a accès aux cours de renforcement, aux maîtres de maison, plus de livres alors que l’enfant qui vient d’une famille non privilégié, il va peut être dans une école publique ou ils sont nombreux dans les classes. Il n’y a personne qui le soutient pour apprendre. Pour moi on devrait fournir une éducation de qualité même dans les école publique de sorte que cette inégalité en fonction des classes sociales n’existe pas. C’est vraiment le minimum q’on devrait faire à toutes les populations pour donner les mêmes chances aux gens.
Un message à la jeunesse…
Il faut apprendre, lire et si vous n’aimez pas trop lire, il y’a les podcasts. Quand on a internet ce n’est pas forcément pour s’affairer sur Facebook et autres réseaux sociaux. Il faut profiter pour aller sur Youtube, apprendre des choses. Même lire aussi, car il y’a des livres en numérique. Le plus grand conseil que je peux donner, c’est de ne jamais cesser d’apprendre. Ce n’est pas parce que vous allez à l’école que vous allez vous contenter de ce que vous apprenez à l’école. Apprenez...
Mam Dieng
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