Clenne Mouangou, des bureaux parisiens de la Défense à l'élevage au Congo
ENTREPRENEUSES EN AFRIQUE. Ancienne cadre dans la banque en France, Clenne Mouangou élève maintenant des cochons dans la campagne congolaise.Â
Elle arrive perchée sur des talons aiguille de douze centimètres, la taille cintrée dans une jupe-crayon blanche, les cheveux nattés en cascade jusqu’aux reins, boucles d’oreille dorées, rouge à lèvre sang, ongles laqués… "Oui, je sais, on me le dit souvent. Je ne ressemble pas une fermière. A chaque fois, je réponds : "Et alors, je ne vais quand même pas venir en rendez-vous avec mes bottes en caoutchouc crottées"". Clenne Mouangou a 37 ans, un physique de top-model et un job que ne laisse pas deviner son allure sophistiquée : elle élève des cochons. Elle passe le plus clair de son temps les pieds dans la boue, entourée de 150 porcs, à Linzolo, un village congolais, à une vingtaine de kilomètres de Brazzaville.
Pendant des années, elle a travaillé dans les bureaux de la Défense et des beaux quartiers parisiens plus raccords avec sa jupe et ses escarpins. Société Générale, BNP, HSBC… Avec son Master 2 en finance, décroché à l’Ecole supérieure de gestion (ESG) de Paris, elle a collectionné les postes dans la banque. "Mais je n’étais pas du tout épanouie, j’avais l’impression de ne pas progresser, je faisais de plus en plus d’allers-retours avec mon pays natal, la République du Congo, que j’ai quitté à l’âge de deux ans, avec mes parents, partis s’installer en banlieue parisienne, à dix minutes d’Enghien-les-Bains".
Exit la banque. Clenne Mouangou ouvre une boutique à Brazzaville, puis deux, puis trois, écoule des vêtements qu’elle achète à Istambul, en Turquie, et à Aubervilliers, en France. "A chaque fois que je partais, on me demandait de ramener du saucisson. Ça a été un déclic. Le cochon, dans mon pays, est un produit rare et cher. J’ai eu envie que le saucisson, le jambon ou le porc fumé, qui s’étalent dans tous les supermarchés de France, ne soient plus du luxe  pour les Congolais". Â
La jeune femme acquiert un terrain d’un hectare, fait bâtir un abris, achète un Toyota 4x4, quatre femelles et un mâle. L’activité de CM Agrobusiness démarre officiellement le 1er janvier 2015. "Au bout d’un an et demi, on avait 200 bêtes. A chaque fois qu’une femelle était en chaleur, je disais à mes employés de la faire accoupler. Cela a l’air évident, mais, dans les campagnes, avoir trop d'animaux est souvent un problème, car l’argent manque pour s’en occuper. Tout ce que j'ai gagné dans mes boutiques y est passé".
Aujourd’hui, CM Agrobusiness emploie huit personnes, "que des habitants de Linzolo, cela a redynamisé le village". Clenne Mouangou aimerait maintenant développer une activité de transformation. Elle a besoin de 200 000 euros, "pour monter une petite unité avec toutes les conditions sanitaires nécessaires", et s’est mise en quête de financements. "Ce n’est pas facile d’être une femme d’affaires en Afrique. Surtout quand on n’y a pas grandi. Souvent, on ne me prend pas au sérieux, on ne me croit pas quand je dis que je suis la responsable de la société."
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