Korka Diaw : sur les traces d`une réussite bâtie sur terre

Elle est loin de se faire  remarquer à l’intérieur de son stand à la FIARA 2017, Korka  Diaw continue de faire de la terre son siège, ou mieux encore sa vie, le meilleur moyen de se dissimuler au milieu des femmes qui composent son G.I.E Malal Yero Gueye. Qui aurait pu deviner cette modestie en allant à sa rencontre surtout en plein travail ? On l’entend plus de par son silence, sa seule prétention, c’est sa simplicité. Une touche d’humilité qui n’enlève en rien sa détermination à bâtir aujourd’hui son empire du riz qui porte le nom de Korka Rice. Une marque qui s’impose de plus en  plus comme un label en matière de production et de vente de riz au Sénégal. Tout le contraire de son initiatrice, plus calme que diserte, artisane à la tâche qui a mis ses mains à la terre afin de ne pas les tendre pour vivre.

Un chemin épineux, une femme de poigne

« J’ai commencé mes activités commerciales à l’âge de 18 ans parce que je ne voulais dépendre de personne. Et pour réussir cela, une seule alternative s’imposait : le travail. », martèle Korka Diaw d’une voix qui la plonge dans ses origines  toucouleurs où elle a été bercée depuis son enfance. Ses boucles d’oreilles en or qu’elle porte, populaire chez cette ethnie,  ne font que confirmer cette thèse.

Native de Richard Toll le 10 octobre 1958, elle fait ses humanités dans cette contrée située dans le département de Dagana, dans la région de Saint Louis. Son éducation, à la charge d’un gendarme en occurrence son grand père Yoro Malal Gueye qui servait à Richard Toll. Mais Korka abandonne l’école en classe de CM2, se rappelle-t-elle avec un petit sourire vissé aux lèvres. « La pauvreté n’est pas à la base de mon engagement, mais mon autonomie », Korka trouve la phrase juste qui explique ses raisons qui l’ont poussée à se séparer prématurément des bancs. Avait-elle si tôt compris le  fourmillement de ses mains vers l’entreprenariat ? Korka se lance dans la vente de crème glacée, la rue devient sa sphère de travail. Elle squatte les alentours des écoles pour offrir aux élèves  son seul produit à l’époque. « C’était difficile au début, mais j’étais certain que j’allais m’en sortir, je croyais à cette ambition ». Korka ne se démarque jamais de son arme, le travail. Elle change simplement de fusil d’épaule, à plusieurs reprises. De la préparation des mets pour les vendre dans les écoles, au commerce de friperies, en passant par le tissage des habits mis à prix. Bref, une femme à plusieurs mains dans le commerce.

Mais peu de temps après, Korka découvre son trésor caché qu’elle cherchait depuis longtemps et qui n’était pas loin de ses pieds. Il fallait juste jeter un regard en bas, sur sa  terre natale, propice à la culture du riz. Elle arme les femmes (27 au total) pour cette nouvelle conquête. Nous sommes en 1991, naquit ainsi son G.I.E Malal Yero Gueye, du nom de son grand père. Le début d’une aventure fulgurante d’une poignée de femmes qui ont réussi à percer les barrières et les pesanteurs sociales pour s’imposer et surtout imposer leur marque dans la filiale du riz.

Korka Rice, la révolution par les femmes

« Nous avions commencé par des cotisations mensuelles de 50F chacune, et chaque mois nous faisions des prêts de 2500f avec un intérêt de 250f ». Trois années durant, la bande à Korka Diaw emploie cette méthode d’organisation financière parce que « nous n’avions pas accès au crédit », répond-t-elle. L’initiative de créer une G.I.E va naitre de cette contrainte d’accéder au financement par les banques. Le groupe des 27 commence par un emprunt de terre d’un demi hectare pour y pratiquer la culture du riz, mais qui n’était que vivrière. L’appétit venant en cultivant surtout du riz, elles vont emblaver ensuite 30 hectares de terre grâce à leur combat contre les autorités locales pour accéder à la terre. Le courage n’est pas étranger à ces femmes, « il nous arrivait  à passer

la nuit dans les champs » renchérit Korka Diaw. Aujourd’hui, ce G.I.E cultive 150 hectares de terres et 30 hectares pour le maraîchage : le temps s’est mis au beau.  Korka Rice ne peut qu’en profiter. Ce  nom qui porte la marque de son riz et qui lui a été proposé par ses partenaires américains. Hors la production du riz, ce G.I.E participe aussi à la promotion de l’emploi dans cette zone. Quarante-huit (48) emplois directs et une vingtaine d’emplois indirects sont générés par ces femmes à Richard Toll.

Aujourd’hui à 59 ans, cette mère de cinq enfants et présidente des Réseaux des Femmes Agricultrices du Nord, REFAN, n’est pas encore à l’âge de rendre les armes.  Son nouveau challenge, la labellisation du riz local par une politique du consommer local. « Nous fêtons notre indépendance en ce mois d’avril, mais moi, l’indépendance que je vais le plus célébrer sera celle du riz au Sénégal » ironise Korka Diaw avec un ton ferme. Alors,  l’autosuffisance en riz 2017 est loin d’être un poisson d’avril pour elle. Pour cela, Korka Diaw ne fait pas fi de ses connaissances agronomes : «  En 1980, nous avions 10.000 hectares avec un rendement de 4,5 tonnes. L’année passée, nous avions 45.000 hectares en contre saison et cette année nous sommes à environ 50.000 hectares en contre saison également. Si on évalue un rendement de 7 tonnes par hectare que l’on ajoute avec les productions hivernales qui peuvent être évaluées à 40.000 tonnes, je suis sure et certaine que l’on arrivera à l’autosuffisance en riz, et jusqu’au 31 décembre à minuit, moi je continuerai à y croire »

A ceux qui la méconnaissent jusqu’à ce moment, impossible n’est pas Korka Diaw !

DISTINCTIONS

2008 : 6e rang du Grand prix du chef de l’État pour la promotion des Femmes

2011 : Meilleur groupement féminin du département de Dagana dans le secteur agricole

2012 : Médaille de l’excellence sur l’agriculture et du meilleur groupement féminin du département de Dagana

2015 : Top 10 des femmes références au Sénégal

 

Source : senagriculture.com