Rania Belkahia, l`initiatrice d`un e-commerce «revisité» pour les Africains
Dans le domaine du e-commerce en Afrique, Rania Belkahia est certainement l’une des figures emblématiques du moment pour sa startup Afrimarket cofondée en 2013. En quatre ans d’existence, l’entreprise s’impose sur une niche quasi jamais pensée : un e-commerce sous la forme d'envoi de biens et services par la diaspora africaine aux proches restés en Afrique. Entretien avec une « championne » portée non seulement par l’ambition et l’optimisme, mais aussi par le travail acharné.
On la reconnaît très vite par sa remarquable chevelure blonde bouclée et son rouge à lèvres qui constituent sa particulière touche de féminité. Mais derrière cette féminité, se cache une travailleuse acharnée et surtout une entrepreneure qui ne se donne point de repos pour faire de son projet un incontournable contributeur au développement de l'Afrique et au mieux-être de ses populations.
L'«évidence» d'une carrière d'entrepreneure
Marocaine de 28 ans et présidente d'Afrimarket, Rania Belkahia est à la base Ingénieur Télécoms diplômée de Telecom ParisTech en 2012. Entrepreneure dans l'âme, elle enchaîne directement avec le programme Entrepreneurs de HEC qu'elle finalise en 2013. Une formation qu'elle entreprend après avoir décelé son idée d'entreprise lors d'une mission en Côte d'Ivoire, réalisée dans le cadre de son stage de fin d'études avec un cabinet du groupe Bolloré. La jeune femme participait au projet de lancement de la fibre optique entre Abidjan et Bouna (une ville au nord-est du pays) et a, en parallèle, découvert la vie des Ivoiriens qui reçoivent de l'argent de leurs proches établis à l'étranger pour se procurer des biens et services. Et faisant fi de toute voix qui aurait pu, d'une manière ou d'une autre, la décourager, la jeune diplômée s'est lancée. « Pour moi, être entrepreneur était une évidence, plutôt qu'un choix. Cela découle certainement de mon rêve d'enfant de devenir inventeur », explique-t-elle amusée. En poussant la réflexion et en observant différentes situations aux côtés du co-fondateur d'Afrimarket, Jérémy Stoss, les deux entrepreneurs se sont rendus compte de l'incertitude omniprésente quant à la qualité des biens souvent acquis par les bénéficiaires de ces transferts d'argent de la diaspora et de la possibilité de leur permettre d'économiser en énergie.
« Ces gens reçoivent de l'argent, mais n'ont aucune garantie qu'ils pourront se procurer de bons produits. Et en général, il leur faut effectuer plusieurs déplacements : récupérer l'argent envoyé, réaliser l'achat d'un bien : congélateur, frigo, salon,... Ce que nous avons proposé, c'est une solution assez innovante qui réponde à tous ces besoins à la fois », explique Belkahia. « D'autre part, poursuit-elle, prenons l'exemple d'Abidjan, une ville de 5 millions d'habitants, avec 4 centres commerciaux seulement, et une classe moyenne émergente importante : cela démontre le besoin d'une solution de e-commerce ! ». En pratique, l'expéditeur résidant généralement en France n'a qu'une seule chose à faire : payer le service entier à Afrimarket qui se charge du reste. Ainsi, différents types de produits sont commandés via la plateforme digitale de l'entreprise et fournis ensuite aux bénéficiaires : électroménager, moutons pour la «tabaski», bœufs pour le ramadan, vêtements, produits alimentaires, ... Il y'en a de tout.
Exercée au «marathon»
Cette activité est un véritable «marathon», puisque Afrimarket, c'est près d'une centaine d'opérations par jour dans cinq pays : la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Cameroun, le Bénin et le Mali où le service est effectif depuis la mi-juillet. Et ça tombe bien ! En dehors de son travail, Belkahia affectionne particulièrement le running, auquel elle consacre autant que possible son temps libre. «Pour moi, l'entrepreneuriat est assimilable au marathon. Il faut fournir un effort soutenu sur une longue distance (période) dans la vraie vie pour pouvoir atteindre ses objectifs, réussir dans ses entreprises ». Pour réussir en tout cas, la jeune femme s'arme de ce qu'elle considère comme ses principales qualités : ambition et optimisme. Son objectif ultime : faire d'Afrimarket «La» référence du «e-commerce revisité» -comme elle-même qualifie son activité- à travers tout le Continent. Jusqu'ici, les affaires vont bon train en Afrique de l'Ouest et la firme prépare sa prochaine implantation au Burkina Faso. Mais celle-ci sera la dernière jusqu'à nouvel ordre. Avec son équipe, Belkahia entend se concentrer d'abord sur ces six pays afin d'en exploiter au maximum le potentiel. « A court terme, nous avons choisi de déployer Afrimarket en Afrique de l'Ouest Francophone exclusivement, et de concentrer nos efforts pour développer l'activité e-commerce et logistique dans les cinq pays dans lesquels nous sommes présents ».
L'e-commerce en Afrique a de l'avenir
Convaincue du potentiel de développement du marché du e-commerce en Afrique et des différentes possibilités qui s'offrent à ceux qui investissent dans ce secteur, Rania Belkahia reste confiante quant à l'avenir. «La part du e-commerce en Afrique représente moins de 1% du marché du retail, alors qu'en Europe, on est autour de 10%, tandis qu'aux Etats-Unis, ce pourcentage avoisine les 15%. On voit donc qu'il y a encore une belle marge de progression potentielle pour les marchés africains et nous sommes heureux d'y contribuer». Selon l'expertise qu'elle a développée au bout de quatre ans aux commandes d'Afrimarket, la jeune entrepreneure est convaincue que les clefs de succès d'un e-commerçant se résument à trois principaux facteurs : large gamme de produits, qualité des produits et qualité du service de livraison. Pour elle, les idées reçues selon lesquelles les Africains seraient preneurs des produits de faible qualité devraient être balayées de l'esprit de tout acteur économique souhaitant investir sur le Continent.
«Le consommateur africain est plus que jamais demandeur des produits de qualité. C'est un fait», assure-t-elle, estimant qu'il s'agit là, de l'un des facteurs clés du succès d'Afrimarket. A côté, elle a -avec son équipe- complété l'offre de la startup en introduisant la chaîne logistique à ses services. «Au début, nous l'avions externalisée. Mais rapidement, nous avons fait le choix stratégique d'intégrer toute la chaîne logistique à notre activité», explique-t-elle, ajoutant que cela va de la digitalisation de l'offre des marchands à la livraison «jusqu'au dernier kilomètre», en passant par la récupération des produits, leur photographie dans les studios de l'entreprise, leur stockage dans les entrepôts de l'entreprise, ainsi que l'approvisionnement. «Notre spécificité aujourd'hui, c'est de livrer tout, partout», lance la jeune patronne, soulignant que les services de livraison d'Afrimarket opèrent aussi bien dans les capitales que dans les zones reculées à l'intérieur des pays où l'entreprise est active, comme dans la région du fleuve Sénégal, à Tambacounda, à titre d'exemple. «Ce n'est pas facile, mais c'est un vrai choix stratégique que nous avons fait, et nous surmontons les contraintes opérationnelles ».
«Se donner les moyens de son ambition»
En tant que femme africaine -une identité qu'elle revendique d'ailleurs- Rania Belkahia se dit aujourd'hui «fière» de contribuer au développement du Continent via son entreprise. En décembre dernier, son travail a été couronné par le prix de la jeune entreprise africaine de l'année, décernée à Paris par Pierre Gattaz, le patron des patrons français. Et à toutes ces femmes, qui comme elle, aimeraient se lancer tôt dans le monde de l'entrepreneuriat, celle qui a démarré son entreprise juste après son diplôme d'ingénieur à seulement 24 ans, confie : «C'est possible ! Il faut se donner les moyens de son ambition, investir au maximum, avec tout ce que cela demande, dans le projet et se lancer». «Avec Afrimarket, nous avons commencé avec une page blanche au départ, comme tout le monde. Mais quatre ans après, nous en sommes là aujourd'hui. C'est à force de travail ! Il faut trouver une idée qui réponde à un besoin (c'est très important !) avec une taille de marché conséquente et se battre pour trouver les financements nécessaires, si besoin, et continuer de bousculer le marché pour avancer».
Source: latribune.fr
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