Togo : comment les « Nana Benz » ont-elles inspiré les jeunes filles diplômées à s’adonner au commerce du pagne

A l’évocation de la femme togolaise, la première image qui trottine dans la tête est celle qu’on a ou qui renvoie aux «Nana Benz», ces puissantes commerçantes togolaises des années 1970-1980 spécialisées dans la vente de pagnes et qui détenaient une grande partie de l’économie togolaise. Ces femmes influençaient toute l’Afrique de l’Ouest voire au-delà de par leurs activités qui leur procuraient à chacune d’elle une certaine richesse.

Les «Nanas-benz» étaient donc des femmes qui détenaient le monopole de la distribution et de la commercialisation du wax hollandais à Lomé et dans la sous-région. Avec le commerce de tissus, elles ont fait les beaux jours de l’économie togolaise dans les années 70 et 80.

Mais à partir de l’année 1990, marquée par la longue crise sociopolitique du Togo, l’influence des «Nana Benz» s’était estompée pour le fait que l’environnement sociopolitique ne favorisait plus le développement de leur activité, bien qu’elles continuent de vendre du pagne au Grand Marché de Lomé, le Togo étant quelque peu isolé par la plupart des pays.

La difficile relève

Outre la situation sociopolitique du Togo, les «Nana-Benz» n’avaient pas su très tôt assuré la relève. Ainsi, la succession à la tête de leurs empires commerciaux n’avait pas été un succès pour plusieurs d’entre elles. Toutefois, la réalité était qu’elles ont inspiré plusieurs de leurs filles qui les aidaient dans la distribution et d’autres Togolaises qui les côtoyaient dans la vente de ces tissus pagnes.

Ainsi, à partir des années 1995 jusqu’en 2000, une deuxième génération de «Nana-Benz» a pris la relève est constituée pour la majorité des filles des grandes et puissantes dames qui ont trôné pendant longtemps sur l’économie togolaise et roulant leurs «Mercedes-Benz» qui ont fini par leur coller le nom historique de «Nana-Benz». Les «Nana-Benz», c’était également des corbeilles remplies de plusieurs millions. Donc, il est impossible de laisser passer un commerce si juteux et de ne pas pousser sa fille dans le circuit ou de ne pas prendre la relève de « maman ».

Alors, la nouvelle génération de femmes, celle de Rose Creppy, Présidente de l’Association professionnelle des revendeuses de pagnes du Togo (APRT) et de toutes celles qui officient encore sur place dans les encablures du Marché d’Adawlato va occuper le marché et relancer le secteur. Même si les contingences des années 2000 n’ont pas permis de développer un empire comme celui des «Nana-Benz» des années 1970-1980.

Se basant sur les erreurs de leurs «mères», celles qui ont repris le commerce ont développé le secteur avec une nouvelle vision et ont prouvé le sens de managers. Elles étaient pour la plupart d’intellectuelles et ont intégré les contraintes liées à la réussite de leurs affaires.

Même si elles ne se font plus appeler «Nana-benz» depuis plusieurs années du fait que la Mercedes est devenue une voiture banale.

Si les «Nanas-benz » s’approvisionnaient directement auprès du groupe hollandais Vlisco, les nouvelles «Nana », nom qui est resté jusqu’à ce jour, ne souhaitent plus rester sur place et préfèrent se rendre en Asie pour s’y approvisionner directement.

Leur 3e génération

Si la 2e génération des «Nana-Benz» a su maintenir une activité qui a fondé la richesse de plusieurs familles du sud-Togo jusqu’à ce jour, les petites filles des premières «Nana-Benz» commencent par s’investir dans le secteur. Avec leurs diplômes de gestion, d’entreprenariat et autres décrochés dans les Universités publiques et privées du Togo, la sérieuse problématique de l’emploi des jeunes et l’épineuse question de l’inadéquation entre les formations et les offres d’emploi ont amené plusieurs jeunes filles à s’intéresser à l’activité de leurs grand-mères ou de leurs mères.

C’est l’exemple de Essiwa Ekoue qui ne s’est pas posé beaucoup de questions avant de reprendre le commerce de vente de pagnes haut de gamme en wax hollandais de sa grand-mère, géré entretemps par sa mère. Alors qu’elle est nantie d’une licence en sociologie de développement, elle officie désormais à la boutique familiale au Marché d’Adawlato et n’envisage pas la quitter pour rien au monde. L’idée est faire mieux que les prédécesseurs et réussir sa vie.

Cette ambition a malheureusement été atteinte par les graves incendies enregistrés dans le marché en janvier 2013 et qui ont ravagé la plupart des marchandises et des fonds du commerce, même si l’essentiel était dans les Banques.

Près de 2000 personnes ont été directement touchées par ces incendies et l’assistance du gouvernement n’a rien pu faire. Les dispositions prises pour permettre à ces femmes battantes de reprendre leurs activités avec la mise en place d’un marché provisoire n’ont pas arrangé la situation. Le marché provisoire d’Agbadahonou ne brille que par la mévente.

La vente du pagne fait face aujourd’hui à la concurrence des contrefaçons de tissus et de pagnes importées de Chine, qui copient les dessins des marques traditionnelles. Ces copies ont inondés le marché et sapent le travail des professionnels togolais. Mais le découragement n’est pas pour la femme togolaise.

Le seul espoir qu’entretiennent ces femmes depuis deux ans est la reconstruction d’un nouveau bâtiment moderne à la place de l’ancien ravagé par les flammes pour entamer un autre cycle des activités des «Nana», nom qui est collé aux femmes qui vendent du pagne au Grand Marché de Lomé. Ce nom a désormais traversé le temps et ne pourra plus disparaître.

Source : oeildafrique.com