Aïssa Maïga dans Escale fatale : «J`aimerais que les regards gagnent en humanité»
L’héroïne de Il a déjà tes yeux joue le rôle d’une réfugiée nigériane dans cette série irlandaise en six épisodes. À découvrir dès jeudi 23 janvier à 20 h 55 sur Arte.
Dans Escale Fatale , Aïssa Maïga incarne une réfugiée nigériane qui a perdu son mari après un naufrage. Elle vit, avec ses deux enfants, dans un centre pour demandeurs d’asile en Irlande. Le cadavre d’une adolescente est retrouvé à proximité. L’enquête, qui s’ouvre, met à jour trafics et réseaux de prostitution. Cette série originale, en 6X52 minutes, offre un bouleversant portrait de femme, sur fond de polar et d’état des lieux de la société irlandaise.
La comédienne compte plus d’une trentaine de films et une vingtaine de fictions télévisées à son actif, dont Il a déjà tes yeux , dont on découvrira bientôt la suite adaptée en série sur France 2. Elle est aussi à l’origine d’un livre-manifeste Noire n’est pas mon métier, paru au Seuil en 2018, avec les témoignages de Sara Martins (Meurtre au paradis ) ou Sonia Rolland (Tropiques Criminels ). Elle travaille également à un documentaire sur le sujet pour Canal+, tourné notamment aux États-Unis et au Brésil. Après un film britannique pour Netflix, Le Garçon qui dompta le vent, et cette Escale fatale en Irlande, à 45 ans, Aïssa Maïga se plaît à rêver d’une carrière internationale.
Comment vous êtes-vous retrouvée dans ces productions anglo-saxonnes?
Pour Le Garçon qui dompta le vent, j’ai envoyé une selftape, mais je n’y croyais pas du tout! Je viens du Mali et je suis française. Pourquoi ne pas prendre une Africaine ou une anglo-saxonne pour jouer une femme du Malawi, un pays anglophone? Mais j’ai fait mon travail comme une bonne élève et le casting était vraiment international. Grâce à mon agent américaine et à la responsable du casting irlandaise, qui connaissait mon travail, on m’a ensuite proposé le rôle d’Abeni dans Escale fatale. À nouveau, j’ai été étonnée car le personnage vient du Nigeria, un pays anglophone. Mais je n’ai même pas passé d’essai, cette série était vraiment un cadeau!
Qu’est-ce qui vous a plu?
C’est le portrait d’une femme africaine qui a choisi de quitter son pays pour migrer. Abeni est un personnage très riche. Elle a d’abord une armure, de la distance, elle cherche à se protéger et surtout protéger ses enfants, c’est une louve. Elle livre ses secrets petit à petit, cela crée une connivence avec le public. Et c’est un portrait de la société irlandaise, un miroir inversé de la France car l’Irlande est un pays d’émigration, qui ne connaît l’immigration que depuis très peu de temps. Il est intéressant de voir comment les artistes s’en saisissent quasiment en temps réel, avec une grande acuité, sans recul historique. C’est aussi très bien écrit, car très documenté, et vibrant émotionnellement.
Comment vous êtes-vous préparée?
J’ai travaillé avec un coach basé à New York, habitué à faire des films avec des afro-américains qui jouent des Africains. Puis avec la mère des acteurs qui jouent mes fils. Elle est du Nigeria, nous avons eu un coup de cœur mutuel. Elle m’a accompagnée. Elle n’a pas le même parcours mais un point de vue de l’intérieur. Cela m’a aidée à construire le personnage. Au-delà de l’accent, chaque scène était prétexte à discuter. Et plus on rentre dans le détail des témoignages de survivants, rescapés, plus en tant qu’actrice notre devoir devient d’être un passeur au-delà du rôle. On veut que ça résonne, que ça touche les consciences, les cœurs des spectateurs. Pour que leur regard sur l’autre change et gagne en humanité.
«Les séries sont est train de modifier le regard sur les femmes de plus de 50 ans, les minorités, qu’elles soient ethniques ou sexuelles»
Aïssa Maïga
Consacrez-vous beaucoup de temps à développer votre carrière à l’international?
Je le fais seulement par intermittence. Je travaille mon anglais et il faut surtout savoir adopter les accents, anglo-saxons comme africains. Il n’y a pas de coach en France. C’est une technique très élaborée de phonétique, rééducation auditive, une musique, un autre type de mémoire…
Près de deux ans après la parution de Noire n’est pas mon métier, les choses ont-elles évolué?
Nous sentons qu’il s’agit d’un moment charnière. Après une décennie et demie de prise de parole dans l’espace public à propos des minorités visibles, puis de discrimination positive, puis de minorités à l’écran, on réalise que l’on a remporté une victoire symbolique. Il y a, lentement, des changements de pratique. Et une opportunité extraordinaire à travers le marché mondial, notamment grâce aux séries: il est train de modifier le regard sur les femmes de plus de 50 ans, les minorités, qu’elles soient ethniques ou sexuelles. Des espaces nouveaux de narration se créent. Ce que l’on a réclamé à cor et à cri est en train de s’incarner à travers la mutation du marché. On a tendu des perches à notre milieu professionnel qui étaient en réaction, en résistance, et, aujourd’hui, il se rend compte que, s’il veut rester de plain-pied dans la modernité, être compétitif, que ses histoires continuent à voyager, il est obligé de nous inclure.
Source: tvmag.lefigaro.fr
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