Aya Cissoko: ``On a été élevés un peu comme des poules à l'air libre``
Elle a déjà eu plusieurs vies… Championne du monde de boxe française et anglaise, écrivaine et bientôt comédienne, Aya Cissoko a l'énergie et la volonté de ceux qui ont un destin hors du commun. Habitée par le fameux "Danbé", cette dignité tirée de ces racines maliennes, Aya, défie la vie. Rencontre.
À l'air libre !
Aya Cissoko naît dans le 12e arrondissement de Paris mais son enfance et les souvenirs qui l'ont forgée se trouvent dans le 20e, dans le quartier de Ménilmontant. D'origine malienne, le père, Segui arrive dans les années 60, avant que sa femme Massiré ne le rejoigne quelques années plus tard. Installés au 22 rue de Tlemcen, la famille vit à six dans un 20m2, mais comme le souligne Aya: "On n'avait rien matériellement mais on était très heureux".
À l'époque, le quartier se compose pour beaucoup de familles immigrées soit d'Afrique noire, soit du Maghreb et il y règne, malgré les difficultés, une convivialité, une solidarité uniques entre les habitants. Les nombreux terrains vagues qui jalonnent les environs, sont les aires de jeux privilégiées d'Aya et de ses frères et sœurs. "On a été élevés un peu comme des poules à l'air libre" nous confie la jeune femme. "À la manière africaine, notre vie était dehors, et la ville notre univers".
Edifice
"Petite, cette église me fascinait. Je me sentais minuscule face à elle. Je passais devant pour aller à l'école et je passais beaucoup de temps à descendre ces marches gigantesques".
L’insouciance vole en éclat la nuit du 27 novembre 1986. Un incendie criminel ravage son immeuble, emportant avec lui le père et la petite soeur d'Aya. Les coups du sort auraient pu s'arrêter là mais l’année suivante, elle perd son frère, Moussa, 5 ans, d’une méningite non diagnostiquée. Une accumulation de drames, qui n'entamera pas la volonté de Massiré, la maman d'Aya, de rester en France. Elle refusera de se plier à l’avis du Conseil des Pères, et ne retournera pas au Mali auprès de la famille de son mari.
Danbé
S’ensuivent des mois d’errance, d’hôpitaux en hébergement chez des proches. Enfin, les survivants sont relogés au 104 de la rue de Ménilmontant, une cité en plein Paris. La délinquance rôde, mais Massiré est là , immuable, et contrôle les mouvements et les fréquentations de ses deux enfants. Femme forte et véritable pilier, pour la mère d'Aya l'échec n'est pas envisageable: "Ma mère me mettait une vraie pression". Elle lui inculquera la dignité en toutes circonstances, "le danbé" en bambara.
Bouffée d'oxygène
Le Parc de Belleville, c'est le parc de mon enfance, de mon quartier. J'y allais très souvent, Sa vue magnifique m'apaise.
Voulant l'éloigner du danger de la rue, Massiré décide d'inscrire Aya à une activité sportive, "La boxe, c'est arrivé par hasard, au début j'ai essayé le tir à l'arc et le hand-ball mais par esprit de contradiction, j'ai choisi la boxe" déclare-t-elle. Têtue, Aya arrivera à ses fins malgré les réticences de sa mère. Sur le ring, elle court, elle frappe, elle peut cogner, se blesser, trouver un exutoire à ses souffrances, et exorciser sa rage. Elle trouvera la résilience grâce à la boxe.
Noble art
Aya enchaîne les victoires. Totalement investie dans le noble art, elle trouve dans ce sport rude le moyen d'échapper un peu à la pression imposée par sa mère, d'extérioriser tout ce qui ne se dit pas. "La boxe m'a sauvée" nous confiera-t-elle. À l’âge de 12 ans seulement, elle remporte le titre de championne de France de boxe française chez les benjamines. Elle obtient les titres de championne de France et du monde de boxe française dans la catégorie des moins de 66 kg en 1999, avant de confirmer son titre de championne de boxe française amateur en 2003. Avide de nouveaux défis, c'est en 2005 qu'elle se tourne vers la boxe anglaise. "Je voulais m'imposer de nouveaux challenges, mais mes débuts en boxe anglaise ont été plutôt difficiles, je me suis heurtée au sexisme ambiant".
Mais comme à son habitude, Aya ne lâche rien. L’essentiel est de ne pas perdre de vue ses objectifs, de ne pas montrer des signes de faiblesses. Elle veut prouver qu'elle peut réussir aussi bien qu'un homme, et elle y parvient. Elle fait aussi une rencontre décisive, lorsque Jean Rauch, entraîneur et créateur du boxing club de Paris XXe, la prend sous son aile. Lorsque nous évoquons ce grand monsieur de la boxe, décédé il y a quelques mois, avec Aya, l'émotion fait vibrer sa voix: "Jean me disait toujours, "il faut réussir en dehors des cordes. Il m'a appris à m’intéresser à autre chose, à m'ouvrir". Jean Rauch la fera grandir humainement mais aussi sportivement en l'emmenant au plus haut niveau de sa catégorie avec pour apogée, cette soirée de novembre 2006, précisément le jour de ses 28 ans, où elle combat pour le titre de championne du monde amateur des poids welters contre l'ukrainienne, Lesja Kozlan.
Elle triomphe mais le sort s'acharne contre la boxeuse lorsqu'elle se rend compte qu'un choc avec l'ukrainienne au 2e round a abouti à une fracture des cervicales. Elle se fait opérer dans la foulée, mais au réveil c'est le choc: elle souffre d'une hémiplégie du côté droit. Commence alors pour Aya de longs mois de rééducation. Elle y met tout son acharnement, et pense dur comme fer pouvoir remonter sur le ring. Mais l'annonce est sans appel et Aya ne boxera plus. Pour elle qui a déjà tant enduré, le coup est dur à encaisser. Comme le déclare la jeune femme: "À chaque fois qu'une épreuve a bouleversé ma vie, elle a toujours été suivie par quelque chose de positif". Et cet arrêt brutal de la boxe va permettra à Aya de prendre une nouvelle direction.
Quiétude
Je ne sais pas si cela est lié à mon histoire, mais j'aime me promener dans les cimetières. Quoi qu'on en dise, il y a de la vie dans les cimetières, une quiétude aussi. La suite de l’article sur paris.fr
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