Alimentation : comment consommer du soja sans risques pour la santé

Riche en protéines, en fibres et en acides gras oméga-6 et oméga-3, le soja est une légumineuse de grand intérêt nutritionnel.
Mais pour tirer parti des nutriments de cette plante, il faut limiter les risques pour la santé de certains de ses composés, notamment ceux du aux phytoestrogènes, des analogues d’hormones sexuelles féminines.

Comestible après cuisson

Pour résister à ses prédateurs herbivores, le soja a développé tout un arsenal de composés antinutritionnels (interférant avec l’absorption des nutriments), voire toxiques. Résultat : il n’est du reste que très peu attaqué par les rongeurs lors de son stockage, mais ces molécules ont réduit son intérêt à l’état cru : .
En Chine, où le soja est utilisé depuis au moins 4 000 ans dans les rotations des cultures, pour enrichir les sols en azote, on a cherché à le consommer en s’appuyant sur divers procédés – dont la cuisson et le trempage.

La chaleur de la cuisson détruit ou désactive en effet les inhibiteurs des protéases (qui réduisent la digestibilité des protéines), les hémagglutinines (qui font coaguler le sang), les lipoxygénases (qui oxydent les acides gras polyinsaturés), les saponines (qui altèrent les membranes cellulaires), les tannins (qui freinent l’absorption des minéraux et la digestion des protéines), etc.

Reste deux problèmes : celui des allergènes du soja (comme la glycinine ou la β-conglycinine), et celui des isoflavones – des substances que l’on classe parmi les phytoestrogènes. Le premier n’a pas vraiment de parade. Mais le second peut-être résolu par le trempage et la cuisson prolongée des recettes asiatiques traditionnelles – les isoflavones, solubles dans l’eau, sont ainsi éliminées pour une grande part.
En revanche, les procédés de transformation utilisés par l’industrie agroalimentaire depuis les années 1960, qui réduisent parfois la cuisson à quelques dizaines de secondes sous un jet de vapeur, n’éliminent pas les isoflavones. Or, celles-ci ont une activité biologique.

Des composés qui perturbent la fertilité

L’activité hormonale des isoflavones présentes dans le soja est avérée depuis les années 1940 en Australie. Ainsi des brebis que l’on faisait paître sur des champs de trèfle rouge ou souterrain (riches en isoflavones) développaient un syndrome d’infertilité. Le phénomène était spectaculaire. En l’espace de trois à quatre saisons ssur ces pâtures, la fertilité des animaux s’effondrait. Il fut alors mis fin à un nombre important d’élevages.

Il fallut attendre la fin des années 1950 pour que des études vétérinaires expliquent enfin le syndrome des brebis : les isoflavones perturbent plusieurs mécanismes endocriniens, et notamment la sécrétion de la FSH et de la LH, des hormones de l’hypophyse contrôlant la reproduction.
Dans les années 1990, l’impact chez l’être humain finit par être envisagé. À l’époque, on considèrait les effets du soja sous un angle positif, en imaginant qu’il pourrait limiter la sécrétion d’estradiol et peut-être réduire le risque de cancer du sein. On a alors constaté, sur un petit nombre de jeunes femmes britanniques, que la consommation quotidienne de 60 g de soja (soit 45 mg d’isoflavones pendant un mois) peut allonger le cycle menstruel de 28 à 30 jours en réduisant la production de FSH et LH.

Quelques années plus tard, une étude d’intervention menée avec 40 jeunes étudiantes japonaises aboutit à des conclusions similaires : une consommation quotidienne de 20 à 40 mg d’isoflavones s’est traduite par des cycles menstruels plus irréguliers et plus longs que ceux des femmes occidentales (30 jours versus 28). En ajoutant à leur alimentation du jus de soja contenant 50 mg d’isoflavones, ledit cycle pouvait atteindre 32 jours.
Des travaux à mettre en perspective avec ceux d’une équipe américaine qui avaint noté, dans les années 1970, que 60 % des plantes traditionnellement utilisées en occident pour leurs vertus contraceptives sont riches en isoflavones...Lire la suite theconversation.com