Niger: le plaidoyer de Me Hamadou M. Kadidiatou pour la promotion de la Femme…
Après les évènements du 26 juillet 2023, les nouvelles autorités, sous l’égide du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), ont formé un gouvernement de 21 membres dont quatre (4) femmes, avec l’absence notoire du département en charge de la promotion de la femme et de la protection de l’enfant.
La suppression dudit ministère met sans conteste en péril les acquis obtenus de haute lutte, depuis 1987, en matière de promotion de la femme et de protection de l’enfant. C’est en effet en 1987 sous la deuxième République, qu’une femme fut, pour la première fois, nommée à un poste ministériel au Niger, en l’occurrence le poste de secrétaire d’Etat à la santé publique, aux affaires sociales et chargée de la condition féminine, en la personne de Moumouni Aïssata qui occupera par la suite le portefeuille des affaires sociales et de la condition féminine.
L’émergence et le développement des mouvements féminins nigériens s’inscrivent comme partout ailleurs dans la dynamique mondiale de la lutte des femmes pour la transformation de leur condition, l’amélioration de leurs droits et pour l’égalité entre les sexes. Cette bataille a été portée depuis 1959, à la veille de l’indépendance, par l’Union des Femmes du Niger (UFN), la première organisation féminine de masse du pays, laquelle mènera ses activités jusqu’au coup d’Etat militaire du 15 avril 1974. Elle devient, à partir de septembre 1975, l’Association des Femmes du Niger (AFN). Avec les luttes démocratiques des années 90, la participation des femmes à la vie politique était devenue la priorité de la société civile féminine avec pour ambition de remédier à la marginalisation et aux inégalités de toutes sortes dont elles font l’objet dans la société. Aussi, la marche historique du 13 mai 1991 marque-t-elle un tournant dans la lutte des femmes nigériennes pour l’amélioration de leurs conditions d’existence et pour une meilleure inclusion de la femme à travers notamment le renforcement de sa participation politique et de son pouvoir décisionnel.
Par ailleurs, l’Etat du Niger a ratifié la convention relative aux droits de l’enfant, la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant, et adhéré à plusieurs instruments juridiques internationaux visant à prévenir, réprimer et punir la traite des enfants et à éradiquer les pires formes de travail des enfants. C’est dire que la suppression par les nouvelles autorités du ministère en charge de la promotion des femmes et de la protection de l’enfant constitue un grave recul par rapport aux acquis obtenus dans ces domaines et risque de compromettre significativement le bien-être des femmes et des enfants.
Un grave recul…et un risque de compromettre le bien-être des femmes
Ce ministère était en effet chargé de la conception, de la mise en œuvre et du suivi de la politique de l’État en matière de la promotion de la femme et de la protection de l’enfance, et jouait de ce fait un rôle inestimable dans la promotion de l’égalité des sexes et la lutte contre les discriminations envers les femmes au Niger. Grâce aux principes directeurs de la Politique Nationale de Genre et avec l’appui du Documents cadre de la Protection de l’enfant mis en œuvre ou élaboré par ce ministère de tutelle, de nombreuses lois favorables aux femmes et aux enfants ont été adoptées et des initiatives visant à améliorer la participation des femmes dans la sphère politique et économique ainsi que la protection des enfants sont mises en place. La suppression de ce ministère envoie un message clair : les droits des femmes et des enfants ne sont plus une priorité pour le gouvernement, ce qui porte atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant tout en entravant l’empowerment et l’émancipation de la femme nigérienne.
Une menace grave pour la paix et la stabilité sociale
Dans une société où l’égalité des sexes et la protection des droits des enfants sont des priorités absolues, il est évident que la suppression de ce ministère aura des conséquences néfastes sur cette couche vulnérable de la population. La suppression du ministère de la promotion des femmes et de la protection de l’enfant en plus d’être angoissante, est susceptible de constituer une menace grave pour la paix et la stabilité sociale, car le groupe composant les femmes et les enfants représentent à lui seul plus de 65% de la population nigérienne. Il est plus qu’indispensable d’avoir un ministère dédié à cette frange importante de la population qui a besoin d’une protection renforcée notamment en cette période où le Niger est confronté à d’immenses défis politiques, économiques et sécuritaires. En privant à travers cette décision regrettable et incompréhensible les femmes et les enfants d’un organe gouvernemental spécifiquement dédié à la promotion et à la protection de leurs droits, la voix de ces groupes vulnérables (marginalisés) sera réduite au silence, entravant ainsi leur représentation au sein des instances décisionnelles. Cette régression des droits des femmes et des enfants est intolérable et mérite d’être dénoncée et combattue avec la plus grande énergie. Le CNSP investi de la plénitude des pouvoirs législatifs et exécutifs et garant du respect des accords et traités internationaux doit avoir à l’esprit que les droits des femmes et des enfants constituent les piliers fondamentaux d’une société équitable et épanouie. Il est plus qu’urgent, par conséquent, de rétablir ce ministère afin de préserver les avancées réalisées et de poursuivre la progression vers une société de bonheur et d’égalité pour toutes et pour tous.
Me HAMADOU M. KADIDIATOU, avocat à la Cour, présidente Adepe-F/Espoir et Directrice de publication de Epitoge
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