Lutte contre l'excision : au Kenya, Nice Nailantei Leng’ete forme une nouvelle génération de militants
Entretien. Nice Nailantei Leng’ete, 31 ans, fait partie de ces milliers de femmes qui à travers le monde combattent l’excision. Cette militante maasaï kenyane a elle-même échappé à cette mutilation à l’âge de 8 ans. Depuis, à travers un livre et sa fondation, elle a permis à plus de 20 000 Kenyanes et Tanzaniennes d’éviter ce triste sort et de poursuivre leur éducation.
La Journée internationale de la tolérance zéro à l'égard des mutilations génitales féminines (MGF) a été instaurée en 2012 par l’ONU. Chaque année, selon l’ONU, près de 4 millions de jeunes filles dans le monde risquent d’être excisées. Depuis toute petite, Nice Nailantei Leng'ete a compris que seuls le combat de terrain, la rencontre, l'échange pouvaient changer les mentalités et faire bouger les choses.
Terriennes : Dix ans de combat… Pourtant, la pratique archaïque de l’excision perdure. Comment l'expliquer ?
Nice Nailantei Leng’ete : Ce rituel ancestral est ancré dans les traditions culturelles depuis des siècles. On ne peut pas les changer en un jour. En finir avec l’excision nécessite des lois mais aussi de la persévérance, du dialogue et beaucoup d’écoute. Aujourd’hui, au Kenya, des villages maasaï dont le mien ont créé des rites de passages alternatifs : les filles dansent et participent à des concours qui mettent en valeur leur éducation, leurs capacités à prendre la parole en public et améliorent leur confiance.
Les anciens qui pratiquaient l’excision guident les filles tout au long des cérémonies. Les parents participent à des dialogues mère-fille ou père-fils sur les droits reproductifs et encouragent leurs enfants à poursuivre leur scolarité. Les hommes proclament leur soutien à épouser des femmes non excisées.
Il a fallu du temps pour en arriver là… J’avais 8 ans lorsque je me suis enfuie de mon village maasaï pour échapper à l’excision. Ce rite de passage est censé préparer les jeunes filles au mariage. Il les ampute aussi de leur avenir. A mon retour, j’étais très mal vue. Une femme non excisée est une honte pour la communauté. Mais mon grand-père qui m’a élevée m’a autorisée à poursuivre mes études. J’ai ensuite passé des années à convaincre les anciens d’ouvrir le dialogue sur ce sujet. Même si vous savez que leurs pratiques sont mauvaises, il ne faut ni blâmer ni juger les gens mais plutôt tenter de les comprendre. D’autant que la culture maasaï est magnifique à bien des égards. C’est elle qui m’a enseigné le partage et la générosité. J’ai donc proposé de ramener ces valeurs à nos filles. Et, petit à petit, les mentalités ont évolué. Depuis, la constitution orale maasaï a été changée pour mettre fin à l’excision. LIRE PLUS SUR TV5MONDE
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