"L`homme passionné par son travail n`a pas le sentiment de travailler"
La passion est-elle un plus au travail? Pour notre contributeur Philippe Laurent, elle aide à l'épanouissement dans le milieu professionnel.
La passion est un plus inestimable qui n'est pas indispensable pour être heureux au travail. Elle prend et éprend la personne avec une force irrésistible qui lui fait oublier les contraintes de sa situation. Ni bonne, ni mauvaise, elle est une énergie prodigieuse à canaliser.
Qu'elle soit en amour, au travail ou hors du travail, la passion envahit la personne et la transporte avec intensité jusqu'aux extrémités de ses désirs et de sa volonté. Elle est cette énergie inépuisable qui pousse la personne presque malgré elle à aller toujours plus loin pour assouvir la soif d'aimer, de comprendre, de réaliser. Le passionné est pris et épris par l'objet de sa passion. Il oublie son devoir à la fois parce qu'il est saisi par cette force instinctive qui le pousse hors des contraintes de son environnement et parce qu'il assume avec une certaine facilité la pénibilité de ce qu'il accomplit. Son engagement absolu vers l'objet de sa passion tend à le détourner de ses autres engagements, tellement est forte sa soif permanente de découvrir, de connaitre et d'expérimenter.
Quelle est donc cette passion? Est-elle bonne? Est-elle mauvaise?
Dans une certaine vision moralisante, la passion s'apparente aux passions de l'âme qui rabaissent la personne vers ses instincts les plus bas en affaiblissant sa volonté. L'homme fort la maitrise, l'homme de devoir la mate, l'homme de vertu la domine. Au niveau du travail, la passion retrouve son titre de noblesse car elle enrichit la personne d'un surcroit d'énergie, de volonté et d'intelligence. Ni bonne, ni mauvaise, elle est le signe d'une appétence naturelle qui ne demande qu'à être comblée, nourrie et assouvie.
L'homme passionné par son travail fait ce pour quoi il est fait sans avoir le sentiment de travailler. Il a trouvé sa voie, c'est-à-dire le moyen de son épanouissement personnel. Il fait ce qu'il aime sans se forcer ni se raisonner à aimer ce qu'il fait. Celui qui travaille sans passion accomplit son labeur par obligation, volonté et devoir, alors que le passionné oublie qu'il doit travailler. L'exercice de son activité l'attire comme la pratique d'un jeu, où le plaisir allège le poids des contraintes et arrête le défilement du temps. Libre et hors du temps, il mène sa passion à l'écart des autres, non par mépris mais par la force des choses.
La passion serait-elle indispensable au bonheur de la personne? Serait-elle nécessaire à son épanouissement au travail?
Le penser serait absurde car ce serait moraliser quelque chose qui ne peut se décider. Ce serait aussi oublier la réalité des gens heureux et épanouis au travail sans être des passionnés. La passion est utile comme un plus qui facilite le bonheur et accélère l'épanouissement. Elle se découvre au fil des expériences et des rencontres en s'imposant comme une évidence. Touchant la fibre naturelle de la personne, son talent, elle devient le booster de sa volonté.
Un travail passionnant est un travail qui nous correspond, un travail qui est aligné avec notre talent naturel, avec notre potentiel. C'est celui qui nous offre un champ à explorer, qui nourrit notre soif de connaître, de comprendre, de réaliser ou d'aimer. Qu'il soit manuel, intellectuel, relationnel ou artistique, l'enrichissement personnel que nous en retirons fait passer au second plan la fatigue qu'il génère. Il porte avec lui son lot inévitable de contraintes, mais son intérêt les relativise et leur donne un sens.
Est-ce que la passion se transmet?
Faut-il rencontrer un passionné pour devenir soi-même passionné? Le passionné n'est pas toujours passionnant, ni le passionnant passionné. Le passionnant sait intéresser les autres parce qu'il transmet avec pédagogie l'expérience qu'il a su capitaliser. Le passionné n'a pas toujours les qualités pédagogiques requises pour intéresser les autres et peut parler de son activité avec une obsession qui peut saouler son auditoire. La passion nait subitement, comme un déclic, une découverte, avec une vigueur qui réveille en la personne quelque chose de très instinctif.
Faut-il être passionné pour être heureux au travail?
Etre dans une dynamique de projet et prendre du plaisir dans la relation aux autres sont les deux conditions du bonheur au travail. Le passionné est très acteur pour dynamiser un projet mais peut avoir plus de difficulté dans la relation aux autres. La passion est un plus évident qui n'est ni nécessaire ni suffisant pour être heureux dans son travail. Elle s'exerce d'ailleurs souvent en dehors du travail et quand elle devient travail, les impératifs économiques rendent son exercice plus contraignant.
Découvrir sa passion ne se décide pas. Cela peut se faire soit par la rencontre d'un passionné qui témoigne de son activité, soit par l'expérience directe d'une activité qui comble en nous une aspiration naturelle et instinctive. Si c'est bien une chance de découvrir sa passion, il y a des situations qui permettent cette découverte et que l'on peut rechercher. Rares sont les gens passionnés par leur travail. Plus fréquents sont ceux poussés par l'ambition. Il reste à ceux qui ne sont pas passionnés d'y trouver plus d'intérêt et de travailler avec des gens qui le sont plus qu'eux.
Source : lexpress.fr
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