Agnès Adjaho, une femme de lettres au Vatican
Figure du milieu de l’édition francophone en Afrique de l’Ouest, catholique engagée, elle est la nouvelle ambassadrice du Bénin près le Saint-Siège. Elle a remis ses lettres de créances au pape avant Noël.
Pendant longtemps, elle a été, jusqu’en 2010, l’emblématique directrice de la librairie Notre-Dame, juste derrière la cathédrale de Cotonou. Six jours par semaine, elle a accueilli avec patience des milliers de lecteurs venus dénicher un ouvrage. La vaste boutique avec ses rayonnages répartis sur trois niveaux appartient désormais à sa vie d’avant.
« Tout ce qui engage la vie de la cité et l’avenir des hommes nous concerne. »
Cet automne, Agnès Adjaho, 67 ans, a emménagé Via Giosuè Carducci, à Rome, à l’ambassade du Bénin près le Saint-Siège. Fini les hauts murs de cette librairie religieuse qu’elle avait entièrement transformée, à la demande de l’archevêque de Cotonou. La voici maintenant représentante de son pays auprès du pape.
« C’est un service public que mon pays me demande, dans un endroit qui a pour moi à la fois une dimension temporelle, mais aussi un grand sens spirituel, auquel je suis extrêmement sensible », explique-t-elle, de sa voix douce et grave. Catholique pratiquante, proche de Mgr Isidore de Souza, archevêque de Cotonou jusqu’à sa mort en 1999, elle n’hésite pas à parler de sa foi. « C’est la foi qui a permis à ma vie de prendre une dimension politique, dit-elle. Tout ce qui engage la vie de la cité et l’avenir des hommes nous concerne. Le règne de Dieu n’est pas seulement là-haut, mais ici et maintenant. » Un principe visible à travers les engagements pris tout au long de sa vie.
Au Vatican et au Bénin, elle oeuvre pour le développement
Lors de ses années en France, après des études de géographie à la faculté de Nanterre, elle milite dans des associations pour la coopération, travaille au sein du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD). On l’appelle au Vatican dès 1977, et jusqu’en 1984, pour devenir membre du Conseil pontifical pour les laïcs. Puis, entre 1996 et 2008, forte de son expérience au Mouvement international d’apostolat des enfants (Midade) et devenue mère de trois enfants, elle rejoint le même dicastère, et devient consultrice au Conseil pontifical de la culture (2004-2008). À la même période, elle œuvre également au développement des magazines Planète Jeunes et Planète Enfants, édités par Bayard Afrique. Au Bénin, outre ses activités de libraire, elle est l’une des premières à travailler au sein du service diocésain de développement. Aujourd’hui, elle suit encore de très près les activités du centre Songhaï, l’une des premières fermes développant l’agroécologie en Afrique de l’Ouest, fondée par un dominicain, dont elle est administratrice.
« Ma foi a toujours eu une dimension politique »
Aimant à se définir comme une femme « en dehors du sérail », elle connaît en réalité très bien les sphères politiques béninoises. D’abord grâce à l’itinéraire de son mari, décédé en 2009, qui fut tour à tour ministre de l’intérieur et ambassadeur du Bénin en France. « La vie avec un ministre de l’intérieur est une expérience hors du commun… C’est à cette époque que j’ai affiné ma perception de la vie politique », souligne-t-elle. Ensuite, parce qu’elle fut toute sa vie engagée dans le champ politique. « Je n’ai jamais été encartée, mais ma foi a toujours eu une dimension politique qui a mis en mouvement tout le reste. » Un parcours vécu « dans la cité » à travers l’univers du livre. « J’ai fait de la politique dans les rayons de la librairie. Lorsque vous mettez à la portée des gens des ouvrages auxquels ils n’ont pas pensé, mais qui peuvent faire avancer le débat, c’est une façon de faire de la politique. »
Une femme rigoureuse et exigeante
Présidente de l’Association internationale des libraires francophones pendant quatre ans, elle crée la « Caravane du livre et de la lecture », qui permet de faire parvenir des livres jusque dans les zones les plus reculées du Bénin. Pendant ces années, elle écume les foires du livre aux quatre coins du monde, elle dirige notamment Afrilivres, qui regroupe des éditeurs africains. Signe de sa reconnaissance, elle est invitée spéciale du ministre de la culture sénégalais à la Foire internationale du livre et du matériel didactique de Dakar, en novembre 2015. Certains de ses proches la décrivent comme une femme à poigne. Une formule qu’elle abhorre. « Je n’aime pas cette image. Je suis exigeante, j’aime que l’on aille au fond des choses. J’ai la réputation d’être rigoureuse, et j’attends le meilleur de mes équipes. J’attends qu’elles donnent, comme moi, le meilleur d’elles-mêmes. Je les pousse plus loin que là où elles pensaient aller. »
Son inspiration : Mgr de Souza
Lorsqu’elle rentre à Cotonou en 1982, après ses premières expériences professionnelles en France, Agnès Adjaho rencontre celui qui sera, entre 1990 et 1999, archevêque de Cotonou, Mgr Isidore de Souza. Tous deux travaillent au sein du service diocésain de développement et mettent en place des infrastructures et des formations dans toute la région, pour les femmes et les enfants. « Nous étions catholiques et révolutionnaires marxistes ! », sourit-elle aujourd’hui. Il lui confiera, en 1986, la librairie Notre-Dame.
Source : la-croix.com
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