Oprah,  cette fille de domestique devenue « la femme la plus influente du monde »

« Oprah », comme l’appellent les Américains, est même selon certains la femme la plus puissante du monde. Prophétesse médiatique, richissime et admirée, est-elle tout simplement un modèle de réussite ?

Pour mesurer l’incroyable aura de cette femme, animatrice et productrice de télévision et de cinéma, actrice (elle a notamment joué dans La Couleur Pourpre de Spielberg), critique littéraire et éditrice de magazines, le plus simple est de commencer par quelques citations. « Elle est la femme alpha dans ce pays. Elle a plus de crédibilité que le président », dit d’elle l’éditorialiste du New York Times, Maureen Dowd. « Oprah Winfrey a plus d’influence sur la culture que n’importe quel président d’université, politicien, ou chef religieux, excepté peut-être le Pape », selon le magazine Vanity Fair. Pour le polémiste de droite Bill O’Reilly, célèbre pour ses diatribes outrageusement conservatrices sur FoxNews et peu suspect de flagornerie envers une femme noire et démocrate de surcroît, « c’est une femme qui est partie de rien pour devenir la femme la plus puissante, je pense, dans le monde, pas simplement en Amérique. Elle a la crédibilité ; elle a le talent ; et elle a tout accompli par elle-même pour devenir fabuleusement riche et fabuleusement puissante. »

La femme la plus puissante du monde. Comment cette petite fille d’une domestique du Mississippi, dont la grand-mère raconte qu’elle « portait souvent des robes faites de sacs de pomme de terre qui faisaient d’elle la cible des moqueries des autres enfants », en est-elle arrivée là ?

Si l’on peut dire d’une personne qu’elle s’est faite toute seule, c’est bien d’Oprah Winfrey. Il est impossible de résumer sa vie en un seul article, mais voici quelques faits saillants de son parcours.

« Les Gens Parlent »

Son enfance n’a rien de très réjouissant. Elle passe sa prime enfance dans une ferme, élevée à la dure par sa grand-mère. Violée à neuf ans par un ami de sa famille - un fait publiquement révélé dans son talk-show en 1986 -, elle a également donné naissance à 14 ans à un garçon, décédé dans la foulée. Si l’école de la vie ne l’a pas gâtée, elle a rapidement pris le dessus : brillante élève, très appréciée de ses camarades qui l’élisent « fille la plus populaire » du lycée à l’âge de 17 ans, Oprah remporte un concours d’éloquence qui lui vaut une bourse à l’université de l’État du Tennessee. Une radio locale la repère, elle y présente des journaux.

Son entrée dans le monde médiatique est faite, elle ne quittera plus jamais les micros : médias locaux à Nashville, première femme noire présentatrice télé de l’État, puis finalement en 1978, à 24 ans, le début de la gloire. Elle devient co-présentatrice d’un talk-show local, People Are Talking (« Les Gens Parlent »).

Quelques années plus tard, elle file à Chicago où son émission est rebaptisée, en toute modestie, The Oprah Winfrey Show. Elle est d’abord diffusée localement puis, à la rentrée 1986, vu son succès, sur le réseau national. Tout est centré sur sa personnalité, décrite par l’éditorialiste de télévision Howard Rosenberg comme un « menu complet : très sympathique, attendrissante, grande, effrontée, forte, dynamique, risible, aimable, émouvante, tendre, terre à terre, vorace. » Elle subjugue et parvient à créer autour d’elle un très fort sentiment d’attachement. Une véritable communauté de pensée.

« L’Oprahfication » est en marche »

Au milieu des années 1990, Oprah Winfrey délaisse le format « people » en créant un nouveau genre de talk-show, qui va déferler sur le monde. Elle aborde les problèmes sentimentaux, la place des femmes dans la société, la géopolitique, la spiritualité, la méditation, le développement personnel. Elle interviewe des célébrités sur des questions qui les concernent directement, comme le cancer, la philanthropie, les abus sexuels. C’est l’heure de la psychanalyse collective, en direct, avec un talent incomparable pour écouter, sensibiliser, faire preuve d’une empathie réelle et prendre du recul sur les événements de la vie. Time Magazine attribue à Oprah Winfrey la création d’une nouvelle forme de communication dans les médias sous le nom de « rapport talk » (créer un lien) par opposition au « report talk » (donner une information). On parle même de l’« Oprahfication » de la politique !

Pendant 25 ans, Oprah Winfrey écoute les Américains et leur parle d’eux, mieux que quiconque. « En tant que femme, elle a eu une influence sans précédent sur la culture et l’esprit américains, estime la journaliste et auteure Kitty Kelley. Il n’y a eu aucune autre personne au XXe siècle dont les convictions et les valeurs ont eu un impact sur le public américain d’une manière si significative. Elle est probablement la femme la plus puissante dans notre société. Je pense qu’Oprah a influencé chaque personne qu’elle a touchée. »

Ce type de description est habituellement réservé aux prophètes. Ce qu’elle est, dans un sens. Oprah a réalisé des interviews exceptionnelles comme celle avec Michael Jackson en 1993, l’un des événements les plus regardés dans l’histoire de la télévision américaine avec cent millions de téléspectateurs. Elle a co-fondé un réseau de télévision par câble pour femmes, Oxygen ; elle publie des magazines, préside une société de production, a lancé un club de livres. Son soutien à Barack Obama, avant même les primaires démocrates de 2008 a fait, selon les observateurs de la vie politique aux USA, qu’elle a contribué à son élection.

Elle n’a pourtant jamais voulu se lancer en politique. Sans doute pour garder intacte son immense influence ?

 

Source : ouest-france.fr