Une femme va-t-elle succéder à Ban ki Moon à la tête des Nations-Unies?

«Ban Ki Moon?  Plus Secrétaire que Général! Aujourd’hui encore, la blague reste un grand classique des Nations Unies, à New York comme à Genève », glousse un haut gradé de l’Onu. Il rappelle que le Sud-Coréen avait été nommé en 2006 SGNU (Secrétaire général des Nations Unies), sur la forte pression de George Bush. L’Américain avait exigé un profil falot, tant il avait été horripilé par les critiques acerbes que le Ghanéen Kofi Annan avait adressées à la diplomatie va-t’en guerre de Washington.

La Maison Blanche avait alors fait son choix, conformément à la tradition. Car depuis la création des Nations Unies, il y a 70 ans, la sélection se faisait sans aucune transparence, à huis clos, entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Etats-Unis, Russie, Royaume-Uni, France, Chine). « Une procédure à mi-chemin entre le gentlemen’s agreement et les discussions de marchands de tapis », commente un ambassadeur européen. 

Il y a dix ans, il y eut une véritable bronca contre ce système de nomination. Un collectif d’ONG « un pour 7 milliards », mena campagne, soutenu par un grand nombre de diplomates, pour une « nomination transparente » du SGNU. Avec un certain succès: pour la première fois depuis sept décennies, les 193 membres de l’Assemblée générale sont en train de faire passer des entretiens d’embauche. Ils auditionnent les candidats à la succession de Ban Ki Moon, qui sont huit en lice- 4 hommes et 4 femmes-. 

Un grand oral de 2 heures pour les candidats 

Depuis le mardi 12 avril, ils passent à New York un grand oral de deux heures chacun. Des auditions au cours desquelles ils exposent leur conception du rôle de SG et leurs objectifs, et répondent aux questions des délégués. Un membre du Secrétariat général à New-York détaille: « Chaque candidat a deux heures pour se vendre et répondre aux questions. Celles-ci émanent d'abord des délégués de la salle puis de la société civile, via des vidéos. Nous avons recueilli un millier de questions venues de 70 pays, que nous avons ramassées en une trentaine ». L’ensemble est retransmis en direct à la télévision.

Qui sont les candidats? Il y a d’abord les trois mieux placés: la directrice actuelle de l'Unesco, la Bulgare à poigne Irina Bokova ; l'ancienne première ministre de Nouvelle-Zélande –elle l’a été à trois reprises- Helen Clark, qui dirige aujourd’hui le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) -mais dont Paris se demande si elle parle vraiment le français, langue officielle et de travail de l’Institution…-, et l'ancien Haut-commissaire de l'ONU aux Réfugiés, le Portugais António Guterres. Puis il y en a cinq autres, moins « têtes d’affiche »: l'ex-président slovène Danilo Türk, ainsi que quatre responsables ou ex responsables des affaires étrangères de la région des Balkans: Vesna Pusic de Croatie, Natalia Gherman de Moldavie, Srgjan Kerim de Macédoine et Igor Luksic du Monténégro, le plus jeune de tous, 39 ans, qui a ouvert le bal mardi, et était visiblement très impressionné et stressé par l’exercice.

Le profil du favori à la succession 

Le profil du favori à la succession de Ban Ki Moon pourrait être celui d’une  femme, -il n’y a jamais eu de patronne à la Maison de verre-, et plutôt venue d’Europe de l’Est, une zone du monde qui n’a jamais eu de SG. Moscou y tiendrait beaucoup…

Un diplomate européen n’exclut pas « des surprises ; des noms qui sortent du chapeau au dernier moment ». Le collectif d’ONG « un pour 7 milliards » a listé quelques outsiders, une douzaine, parmi lesquels l’ancien président de la Commission européenne Manuel Barroso ou Angela Merkel. Même si elle a toujours repoussé officiellement l’idée, la chancelière –élevée en RDA- a été souvent évoquée dans la presse américaine comme possible futur prix Nobel de la paix ou SG des Nations Unies…

De toute façon, le dernier mot reviendra aux membres permanents du Conseil de sécurité. Au siège des Nations Unies on explique : « Dès juillet, ils se réuniront pour une série de votes à bulletins secrets, puis soumettront leur choix à l'Assemblée générale qui donnera son aval en septembre ». Un diplomate français assure, goguenard : « nous sommes totalement transparents sur le fait qu’aucun d’entre nous ne révèlera sa préférence publiquement ». Le 9è secrétaire général des nations unies entrera en fonction le 1er janvier 2017.

  

Source : challenges.fr