Cesária Évora, la diva aux pieds nus comme rarement vue
Dans un documentaire truffé d’images d’archives personnelles et inédites, la réalisatrice portugaise Ana Sofia Fonseca brosse le portrait intime de celle qui a inscrit le Cap-Vert sur la carte du monde.
La scène se passe dans un studio de répétition. À l’écran, les pieds nus de Cesária Évora s’affichent en gros plan, tandis qu’on l’entend rire hors champ et se moquer de leur apparence avec son manager. C’est ainsi que s’ouvrent les premières images, conservées sur de vieilles cassettes VHS, du documentaire d’Ana Sofia Fonseca. Ces pieds dépourvus de chaussures rappellent l’extrême pauvreté dans laquelle la native de Mindelo, une ville située sur l’île de São Vicente marquée par la colonisation portugaise, a vécu quasiment toute sa vie. Ils symbolisent aussi la liberté de celle qui défendit la morna de son pays natal jusqu’à fouler les scènes du monde entier… sans souliers.
Grâce à des images d’archives privées récoltées au terme d’une longue quête (cinq ans), auprès des plus proches collaborateurs de l’artiste, comme son manager José Da Silva, ses musiciens, amis et sa famille, la réalisatrice portugaise et journaliste de formation, brosse le portrait sensible d’une femme ayant connu le succès sur le tard. « Cesária était noire, pauvre, âgée quand l’industrie s’est intéressée à elle, et elle était une femme qui ne correspondait pas aux critères de beauté plébiscités par les magazines. Elle a subi plein de discriminations, même quand elle a connu le succès, rappelle-t-elle. Malgré cela, elle a conquis le monde. Son histoire est inspirante et montre qu’une vie peut changer d’un moment à l’autre. » Préserver la mémoire de la diva aux pieds nus « pour que son histoire atteigne la nouvelle génération », tel est le pari de ce documentaire qui offre de précieux moments dans l’intimité et l’intériorité de Cesária.
Filmer son intériorité
Des bobines la montrent plus jeune, loin de la scène et des studios, entourée de sa famille et de ses proches, comme sa petite-fille Jannete Évora, ou son majordome Pior, qu’elle considérait comme son fils. Deux personnages que l’on retrouve en commentaire et qui font partie intégrante de ce film vocal. Un fil rouge qui permet de mieux comprendre la complexité d’une femme pleine d’ambivalences, capable d’embrasser la vie en organisant des dîners en compagnie des siens, comme de se couper du monde pendant 10 ans. Dépendance à l’alcool et à la cigarette, dépression… La réalisatrice ne passe pas sous silence les fragilités de l’artiste, sans tomber dans l’écueil sensationnaliste ou misérabiliste. « C’était important de comprendre la femme pour mieux comprendre la voix. Tout cela la constitue et la rend spéciale. Mais sa vulnérabilité ne la définit pas. Il ne faut pas oublier que c’est une femme libre et forte, qui a réussi à arrêter de consommer quand elle l’a décidé. » LIRE PLUS SUR JEUNEAFRIQUE
Image d'illustration
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