Rosine Mbakam : '' Le Cameroun a besoin d’un souffle nouveau au niveau de la pensée''

La réalisatrice camerounaise signe « Mambar Pierrette », l’histoire d’une couturière et mère de famille isolée dans un quartier sensible de Douala. Un très beau film, présenté à la Quinzaine des cinéastes à Cannes, sur la condition des femmes précaires dans une société camerounaise en crise.

Autrice de deux documentaires acclamés par la critique, Les Deux Visages d’une femme Bamiléké (2016), et Chez jolie coiffure (2018), Rosine Mbakam pose une nouvelle fois sa caméra sur un personnage féminin dans un premier long-métrage de fiction, Mambar Pierrette. Cette pépite naturaliste raconte l’histoire de Pierrette, une couturière qui vit dans un quartier difficile de Douala. Mère de trois enfants, qu’elle élève seule, elle peine à joindre les deux bouts en pleine période de rentrée scolaire, sans jamais se laisser abattre.

En suivant la trajectoire de cette femme courage et celle de ses clients aux conditions de vie tout aussi précaires, la cinéaste rend compte des défaillances de la société camerounaise et d’un système économique sévèrement frappé par la crise anglophone.

Les femmes occupent une place importante dans votre œuvre. Qu’avez-vous envie de raconter de leurs conditions de vie dans la société camerounaise ?

J’avais juste envie de raconter d’autres histoires, des histoires que j’avais très peu vues à la télévision quand j’étais plus jeune. Celles que je vivais dans ma famille, à travers les membres de ma famille, qui étaient des héros du quotidien. On ne voit pas souvent cette image-là de l’Afrique ou du Cameroun. Je désirais montrer cette force-là, qui m’a portée tous les jours mais qui n’existait pas en images au cinéma ni à la télévision.

Vous posez votre caméra à Douala, dans un quartier difficile et violent inspiré de votre enfance passée à Mvog-Ada, Yaoundé. En vingt ans, les choses ont-elles changé ?

C’est un quartier chaud de Yaoundé. Ça l’était encore plus quand j’étais petite, dans les années 1990. Malgré la violence, il y avait beaucoup d’artistes qui y vivaient et qui y vivent toujours, dans des conditions difficiles. C’est ce qui fait la particularité de ce quartier-là. Il y a une délinquance sévère qui est le signe d’une précarité, mais qui ne lui est pas spécifique. Elle reflète la précarité générale dans laquelle est plongé le pays. Les gens s’autogèrent complètement. Même s’il n’y a pas de travail, ils font en sorte d’en trouver, ils en créent par eux-mêmes, et cela passe souvent par la délinquance.....lire la suite sur jeuneafrique