Brenda Akele Jorde: entre l’Allemagne et l’Afrique, un double aller-retour

Avec The Homes We Carry, la jeune réalisatrice Brenda Akele Jorde raconte de manière très personnelle l'histoire d'une Germano-Africaine en quête d'identité. Mais c’est aussi le récit du père, l'un des 17 000 travailleurs sous contrat en RDA qui, après la chute du Mur de Berlin et la dissolution de l'État est-allemand, ont dû soudainement retourner au Mozambique. Ce documentaire, présenté au Festival international du film des femmes de Créteil, nous touche à double titre, car toutes les questions relatives à la couleur de peau, à la nationalité et au rôle des genres se posent au moins à double titre. Entretien.

RFI : The Homes We Carry raconte au moins deux histoires : d'une part la quête d'identité de Sarah, une Germano-Africaine. D’autre part, vous montrez le destin de son père, Eulidio, l’un des 17 000 travailleurs contractuels en RDA, venu du Mozambique et forcé à retourner dans son pays. Comment êtes-vous arrivée à ces thèmes ?

Brenda Akele Jorde : En fait, l'histoire des travailleurs sous contrat en RDA est venue vers moi, par l'intermédiaire de David, le coréalisateur et caméraman du projet. Il est allemand et a vécu un an au Mozambique. Là-bas, tôt ou tard, tu rencontres d'anciens travailleurs sous contrat, surtout dans la capitale Maputo. Quand ils t'entendent parler allemand, ils t'interpellent souvent. Là-bas, chaque mercredi, il y a aussi une manifestation d’anciens travailleurs qui réclament jusqu’à aujourd’hui une partie de leurs salaires. C'est comme ça que David a découvert l'histoire. C’est lui qui avait aussi rencontré Sarah au Mozambique, lors d'un cours de langue. David et moi, nous nous sommes rencontrés à l'université de cinéma. Et comme je suis aussi Germano-Africaine, comme Sarah, et que je cherchais une histoire, nous nous sommes rencontrés.

Après la chute du Mur de Berlin, de nombreuses victimes des injustices de la RDA ont été indemnisées. Pourquoi cela n'a-t-il pas été le cas pour ces travailleurs sous contrat originaires du Mozambique, aujourd’hui également appelés « madgermanes » ?

Les « madgermanes », c'est un cas particulier. Le contrat entre le Mozambique et la RDA prévoyait que les Mozambicains recevraient leur argent sur un compte d’épargne. Mais, revenus au Mozambique, ils ont découvert que le gouvernement mozambicain, très corrompu, leur avait versé qu'une toute petite partie. Il y a beaucoup de cas différents, mais personne n'a reçu son salaire complet. Le Mozambique était un pays très pauvre et ce contrat avec la RDA était voué à l'échec dès le départ, parce que le Mozambique avait beaucoup de dettes envers la RDA. Et les travailleurs sous contrat, sans le savoir, ont en quelque sorte honoré ces dettes. Le Mozambique n'a probablement jamais eu l'intention de verser réellement cet argent. Lire plus sur rfi.fr