Ouganda : une femme contre des vaches, la dot alimente les violences conjugales
Pour pouvoir l’épouser, le fiancé de Rose Akurut a, comme il est d’usage en Ouganda, payé à la famille de sa promise une forte dot : bétail et argent liquide. Une coutume devenue un tribut ruineux qui transforme les femmes en bien et favorise la violence conjugale.
Six mois après leur mariage, le mari de Rose Akurut a commencé à la battre régulièrement, au point de provoquer des saignements d’oreilles et des séquelles irréversibles. Tout en la frappant, il hurlait « Mes vaches! », raconte-t-elle.
« Je pensais alors qu’il fallait que je supporte ça, parce qu’après tout la dot avait été payée. Mais cela a atteint un niveau que je ne pouvais plus endurer », se souvient la jeune femme de 26 ans, qui a finalement fui chez ses parents, avec ses trois filles et ses deux fils, dans la région de Bukedea, à environ 250 km à l’est de Kampala.
La mère de Rose, Anna Amiti, 50 ans, l’admet: si elle s’est réjouie des fiançailles de sa fille, c’est notamment en raison de la dot. « J’étais très heureuse. J’allais en tirer avantage, des vaches allaient arriver », explique-t-elle.
Les parents de Rose Akurut ont réclamé au fiancé six vaches, quatre chèvres et 400.000 shillings ougandais (environ 120 euros) pour la main de leur fille.
« Nous lui avons dit montre-nous que tu es capable de prendre soin d’elle », se justifie le père de Rose, John Okodel, 66 ans, qui se rappelle avoir donné neuf vaches pour obtenir la main d’Anna.
Après négociation, la dot de Rose a été ramenée à six vaches, quatre chèvres et 200.000 shillings. Une vache vaut des centaines de dollars et une chèvre plusieurs dizaines, une petite fortune dans un pays où le salaire mensuel moyen dans les zones rurales est d’environ 60 euros.
Coutume ancrée
Ouganda: une femme contre des vaches, la dot alimente les violences conjugales. En Ouganda, comme dans beaucoup de pays africains, la coutume est fortement ancrée, et même obligatoire dans certains communautés. Son montant varie en fonction des groupes, mais aussi de facteurs tels que le statut social du futur époux ou la « valeur » attachée à la promise, selon qu’elle est vierge ou non notamment.
La validité du mariage est souvent conditionnée au paiement de la dot et dans certaines communautés, le divorce est impossible si elle n’est pas restituée.
Ces dernières années, cette tradition a transformé le mariage en « commerce », contraignant au mariage des fillettes de 14 ans, « piégeant » les femmes dans des relations violentes et plongeant les hommes dans des difficultés financières, selon Mifumi, une organisation locale de défense des femmes.
« Les gens font du mariage un commerce, privent leurs enfants d’école et arrangent des mariages précoces parce qu’ils en retirent quelque chose », estime Dina Atim, une responsable de Mifumi. Dans l’autre sens, la dot encourage les maris à considérer leur épouse comme un bien et « contribue à la violence » domestique, poursuit-elle.
Selon une étude commandée par Mifumi, 84% des Ougandais établissent un lien direct entre violence conjugale et dot.
L’organisation a été en contact avec plusieurs femmes, considérées par leur mari « comme leur propriété au nom de la coutume » et ne pouvant échapper à un mariage violent car incapables de rembourser la dot, selon Dina Atim.
De nombreuses victimes ont trop peur pour se plaindre aux autorités et quand elles le font, il est rare que des mesures soient prises, poursuit-elle.
La justice saisie
En 2007, Mifumi a contesté en justice la constitutionnalité de cette pratique, réclamant qu’elle ne puisse être une condition à la validité du mariage et que son remboursement ne soit pas une condition au divorce.
En 2010, la Cour constitutionnelle a rejeté les arguments de Mifumi. « Il est vrai que la dot joue, dans certains cas, un rôle dans les violences domestiques et dans le fait que les femmes soient traitées de façon inférieure, mais cela ne justifie pas que la Cour prononce une interdiction globale de la pratique », ont estimé les juges.
Mifumi a fait appel de cet arrêt devant la Cour suprême et attend sa décision.
Lentement, les mentalités évoluent. En juin, le département de Butaleja, dans l’est du pays, a adopté une règlementation réprimant le fait d’exiger le paiement et le remboursement d’une dot.
En 2008, le département de Tororo avait remplacé une ancienne réglementation prévoyant le paiement d’une dot par une autre stipulant que seuls des « cadeaux » peuvent être offerts sur une base volontaire, interdisant leur restitution en cas de divorce.
Mais la dot reste profondément « ancrée culturellement », admet Dina Atim.
Assise avec ses enfants, devant la hutte de ses parents, Rose Akurut continue de se sentir coupable. « Je suis doublement un fardeau », dit-elle. Ses parents ont, de mauvaise grâce, remboursé ce qu’ils pouvaient de la dot et doivent désormais subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants.
Source : AFP
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