La dot chez les anciens bêti du Cameroun : voici comment cela se déroule
S’il est un mouvement que l’on peut dire à coup sûr qu’on ne pourrait manquer au Cameroun depuis quelques années, ce serait celui du retour aux sources.
Celui-ci peut se manifester de diverses manières notamment par la réappropriation des mœurs, rites et symboles culturels de notre passé. Cependant il nous semble que cette réappropriation est en fait la plupart du temps une simple réaffirmation de la pensée dominante sur les mœurs, les rites ou les symboles concernés. C’est notamment le cas de la dot dont la plupart des fondements supposés par l’orthodoxie se trouvent quais systématiquement adoubés par ce retour vers passé. A titre d’exemple, nous pouvons prendre l’opinion bien fixée selon laquelle la dot aurait toujours été symbolique.
Le présent billet vous propose de revoir ensemble les fondements de la dot au Cameroun grâce à un retour au source « rigoureux » c’est-à-dire en s’appuyant sur des travaux « scientifiques » réalisés grâce à des témoignages des personnes nés avant la colonisation. En effet, il nous a semblé que l’un des écueils actuels du retour au source de cette coutume est qu’il repose pour la plupart des gens sur des témoignages limités à leur connaissance et nés bien après la colonisation (1884). Cette méthode n’est donc pas significative à l’échelle d’un peuple mais en plus au vu de l’impact rapide et brutal de la colonisation sur la pensée africaine, il apparaît plus fiable si l’on veut comprendre les fondements de la dot de s’appuyer sur des témoignages au plus près de l’avant colonisation.
Celui-ci sera divisé en cinq parties dont les 4 premières traiteront des peuples anciens bêti, duala(douala), baka(pygmées), grassfields et la dernière sera une synthèse. Ce traitement différencié par peuple et non du Cameroun en tant qu’entité unique est avant tout historique. Certains l’auront peut-être oublié mais vu que l’on remonte avant 1884, le Cameroun en tant que tel n’existe pas. Il s’agit en fait d’une multitude d’aires culturelles et donc de peuples différents ne serait-ce que par leur langue. Il est donc nécessaire de partir de leurs particularités afin peut-être de dégager des généralités.
Dans chaque partie, nous présenterons succinctement leur mode de vie du peuple en question car la culture est avant tout « le produit d’une conscience ou de la conscience d’un peuple » ( Jean-Gobert Tanoh – Être africain ).
L’appellation bêti ne désigne pas à proprement parler un groupement ethnique mais beaucoup plus linguistique, géographique et de caste du fait que les anciens bêti ont intégré à ce terme générique en plus d’eux-mêmes, tous les hommes libres (pas d’esclaves) avec qui ils parlaient une langue commune ou qu’ils considéraient comme leurs égaux. Ils seraient les descendants du peuple bati venant de la région de l’Adamaoua et qui par déplacement successif serait arrivé à au Sud de la Sanaga. L’évolution de l’appellation bati vers bêti serait dû due à leur acculturation sur place par les peuples qu’ils eurent soumis car il ne comptait que très peu de femmes en leur rang.
Les hommes pratiquent le travail du fer, le travail du bois, la chasse, la guerre et enfin le défrichage de nouvelles terres. Le travail de la terre après défrichage est quant à lui réservé aux femmes tout comme la pêche et de la cuisine. C’est donc une société essentiellement agricole et reposant sur le travail des femmes même si les hommes rapportaient de la viande lors de la chasse. Ceux-ci vivent à l’intérieur des mvog que l’on pourrait traduire par famille mais qu’il serait plus judicieux de traduire par segment lignager. Le mvog accueillant à la fois un homme, ses femmes, ses enfants, ses frères/sœurs (non mariés) mais également des « clients » et des esclaves.
Lorsqu’un homme veut épouser une femme, deux solutions s’offrent à lui : la dot (animaux pour l’élevage/sacrifice, coupe-coupe, fer de lance …) et l’échange tête à tête (entre le mvog de l’époux et l’épouse). S’il s’agit d’un cadet non marié c’est au chef du mvog de lui trouver une femme. En revanche, s’il s’agit d’un homme déjà établi c’est à lui-même en tant que chef de son propre mvog que la charge incombe. Pour ce faire, il peut échanger ses propres filles ou s’appuyer sur le travail de ses femmes et enfants pour fournir la dot.
Ces filles étaient en général mariées dès leur puberté (ce qui était reconnaissable par leur percement de leur cloison nasale) mais il pouvait aussi arriver qu’elle soit promise dès sa naissance ou lorsque sa mère était enceinte (chose qui s’est accélérée pendant la traite négrière). C’est donc le père qui le plus souvent mariait sa fille sans son consentement. Néanmoins si elles traversaient la puberté sans s’être marié, elle bénéficiait d’un mariage « consenti » conclusion de l’ebongon (flirt). En revanche, les hommes eux se mariaient plus tard que les femmes (25 – 30 ans).
Pour comprendre le fondement de la dot chez les bétis, nous allons nous intéresser à la situation des « clients » décrit plus haut. Qui sont-ils ? Il s’agit en fait d’hommes libres travaillant pour le chef du mvog avec comme objectif d’être récompensé plus tard par une de ses filles ce qui lui permettait de s’établir (avoir son propre mvog). De plus, celui-ci bénéficiait de la « location » d’une ses femmes pendant son séjour c’est-à-dire de la possibilité d’avoir avec elle des relations sexuelles. Que peut-on tirer de cette situation ?
Premièrement le client ne possédant pas de biens, ce qu’il donne au titre de dot c’est en fait sa force de travail. Sa dot est donc payée uniquement en service auprès chef du mvog. La dot a donc son équivalent en capacité de travail pour une période donné (le client n’est pas un esclave). Deuxièmement le chef du mvog « loue » ses femmes à ces clients alors même que la coutume permet déjà un roulement de ses femmes dans sa case (dormir avec lui). Pourquoi le permet-il alors ? Certainement pas pour contenter un peu ses clients (ce sont des hommes libres) mais aussi et surtout car celui-ci se faisant travaille pour lui. En effet, la paternité ne lui sera pas reconnue et les enfants adultérins seront rattachés au chef du mvog.
On en conclut donc que la dot serait l’équivalent d’une capacité de travail physique (pour le présent) mais aussi d’une perte de la reconnaissance de paternité (pour le futur). Regardons maintenant du côté de la dot classique (ne concernant pas les clients) avec cette conclusion à l’esprit. Lorsqu’une fille va en mariage, le mvog qui perd la fille reçoit une dot. Or d’après ce que nous avons dit plus haut, il devrait perdre aussi instantanément une force travail et dans le futur une possibilité de filiation sur les enfants. Est-ce donc le cas ?
Oui car de fait la fille quitte le clan de son père pour celui de son mari c’est donc une force vice de travail qui est perdu. Il en est de même pour les futurs enfants nés de cette union qui seront rattachés au mvog du mari et non du père (les enfants nés sans qu’il y ait eu dot appartenant automatiquement au mvog du père de la fille).
La dot représenterait donc ici l’achat du droit de travail sur la femme et du droit de filiation sur les enfants. Grâce à cela, l’époux bénéficie de la force travail des enfants mais également de la dot de ses filles.
Source : Autre presse
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