Pourquoi certaines personnes n`arrivent pas à présenter des excuses ?
La bonne question.- Si la formule est naturelle pour certains, d'autres refusent de la prononcer ou en sont incapables. Si l'affaire complique inévitablement les relations, elle s'explique. Précisions.
Nous passons nos journées à demander aux autres qu’ils nous excusent ; à grand renfort de «pardon», d’«excusez-moi», lancés mécaniquement pour un retard au bureau ou après avoir bousculé quelqu’un. De la bienséance en somme. Mais quand il s’agit de prononcer la formule après avoir commis une faute, le chemin se révèle escarpé, voire carrément impraticable pour certain(e)s. Sauf que le problème est de taille car les excuses sont bénéfiques. Dans un article rédigé pour la revue Cerveau & Psycho, l'enseignant-chercheur en psychologie sociale Nicolas Guéguen, parle même de «lubrifiant social». Avant de blâmer les frileux du mea culpa, tentons de les comprendre. Car pour s’excuser, encore faut-il pouvoir le faire.
Un aveu impossible
En passant en revue tout son entourage, une première catégorie se dégage. Celle à qui l’on a justement du mal à trouver des excuses, celle ayant consciemment une haute estime d’elle-même. «Ils veulent conserver leur dignité et ne s’abaissent pas à dire qu’ils ont tort. Pour eux c’est l’autre “qui a commencé”, alors il n’est pas question qu’ils demandent pardon ou présentent des excuses», avance Nicole Fabre, psychanalyste et auteure des Paradoxes du pardon (1). N’oublions pas non plus que s’excuser exige que le fautif reconnaisse être en tort, et voilà que l’affaire se corse. «Consciemment ou inconsciemment, ils ont une trop belle image d’eux à sauver. L’aveu de faiblesse est impossible, s’excuser reviendrait à dire “je montre des manques”», complète la psychanalyste. Sous des airs présomptueux pourrait alors se cacher un être fragile, dont l’estime de soi mériterait d’être revue à la hausse.
Si reconnaître un tort équivaut à assumer d’avoir flanché, cela demande aussi et sans surprise de faire preuve d’empathie. «Quand on s’excuse, on identifie son interlocuteur dans sa différence. Le reconnaître dans son altérité, c’est reconnaître qu’on lui a fait du tort», précise le psychologue clinicien Samuel Dock.
Se retrouver inférieur à l’autre
Certains l’assurent : “je ne m’abaisserai pas à faire des excuses”. La formule ne ment pas. La tâche peut effectivement être compliquée à mettre en œuvre parce qu’elle demande de revoir sa position vis à vis de l’autre. Il se trouve que contrairement à ce que l’on pourrait penser, les rapports entre individus sont rarement égalitaires. «On adopte toujours une position face à l’autre : haute ou basse», informe Dominique Picard (2), professeure de universités et psycho-sociologue. Le rapport au savoir met le professeur dans une position haute, et l’étudiant dans une position basse par exemple. «Quand on fait des excuses à quelqu’un, on se positionne en fautif, on se met en position basse, on reconnaît quelque part que l’autre est supérieur à nous. Et cela peut être difficile lorsque l’on se considère - objectivement ou non - en position haute», précise Dominique Picard. N’est-il pas compliqué voire inconcevable pour certains parents de s’excuser... auprès de leur enfant ?
Sachez aussi que d’autres ne s’excusent pas pour une raison simple : ils en sont proprement incapables. Blocage. Plus précisément un «empêchement intérieur», selon le docteur en psychologie et psychanalyste Moussa Nabati (2). En cause ? La culpabilité ressentie, présente en chacun de nous mais avec qui tout le monde n’entretient pas de rapport sains et pacifiés. Quand cette dernière est présente et mesurée, le fautif l’éprouve et peut demander pardon sans que cela ne ruine son image, sans que cela ne le pulvérise. Chez d’autres, dans la perfection, elle est trop intense. «Ils font un blocage, s’en éloignent et sont dans le déni. C’est un mécanisme de défense», poursuit Moussa Nabati.
Sans leur trouver de justification, la psychanalyste Nicole Fabre observe tout de même que la société ne nous aide pas à reconnaître la culpabilité : «il y a une cinquantaine d’années, on a cherché à balayer celle souvent issue des milieux chrétiens et que l’on pourrait qualifier de “fausse culpabilité”. Mais à trop le faire, on a aussi balancé celle qui est indispensable à ressentir pour pouvoir présenter des excuses à quelqu’un», avance-t-elle.
Ne pas attendre les excuses
Parfois, inutile d’aller chercher bien loin. S'excuser est on on ne peut plus subjectif, et tout est finalement une question de point de vue. Celui de qui nous attendons un mea culpa «peut tout simplement considérer qu’il n’a pas de raison de s’excuser car de son côté il n’y a aucun problème», rappelle la psycho-sociologue Dominique Picard.
Ceci étant dit, les plus frileux peuvent-ils se réconcilier avec la formule tant attendue ? «À mon sens, le changement ne peut venir que de l’intérieur, en apprenant à positiver la culpabilité, à s’aimer plus», estime le psychanalyste Moussa Nabati. Si les fâchés des excuses ne peuvent changer leurs traits de caractère, la psychanalyste Nicole Fabre estime qu’ils peuvent cependant prendre conscience de ce qui pose souci. «On peut se dire que l’on a toujours fonctionné comme ça mais que l’on a tort. Ceux qui ne veulent pas changer finiront par s'isoler, se faire rejeter».
Celui qui attend les excuses peut-il lui faire comprendre ? Oui, sans être dans la lutte, avertit Moussa Nabati, «au risque d’aggraver les traits et que l’autre ait encore plus tendance à se positionner en victime». L’enjeu pourrait aussi être d’arrêter d’espérer la formule magique. Le psychologue clinicien Samuel Dock le rappelle : «nous avons peut-être le langage qui fait défaut à l’autre. On peut alors en discuter avec lui, lui dire “j’ai besoin d’entendre les mots”. Parfois il faut du temps. À défaut d’écouter, la personne peut entendre, et finir par accepter». Après avoir saisi que la personne en face n'a pas les ressources nécessaires pour s'excuser, il s'agirait aussi d'avoir l'oreille plus fine. Nicole Fabre conclut : «parfois les mots ne passent pas mais les actes oui. Et celui qui blesse finit tout de même par réparer».
Source: madame.lefigaro.fr
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