Peut-on allaiter enceinte ?

Vous allaitez votre enfant et êtes à nouveau enceinte ? Il est tout à fait possible de poursuivre cet allaitement ! Notre spécialiste, Carole Hervé, consultante en lactation IBCLC, répond à vos questions.

Lorsqu'une femme allaite son enfant, qu'il ait six mois, un an ou deux ans, il n'est pas rare qu'elle redevienne enceinte et choisisse de poursuivre cet allaitement jusqu'à la naissance, voire au delà. Vous avez des craintes ? Votre entourage vous en dissuade et vous ne savez quoi répondre et en penser ? Nous avons interviewé pour vous une consultante en lactation IBCLC - International Board Certified Lactation Consultant - une spécialiste donc de l'allaitement maternel et de la lactation humaine. Sereine vous serez, et de plus, vous affûterez vos arguments pour clouer le bec à ceux et celles qui se mettraient en travers de votre route !

Puis-je allaiter enceinte, autrement dit ne suis-je pas obligée de sevrer le "grand" quand un nouveau bébé s'annonce ?

Rassurez-vous, la nature l'a prévu, il est faisable d'allaiter un enfant quand on est enceinte. Il faut savoir cependant que la lactation va baisser naturellement... et que le lait va redevenir progressivement du colostrum à partir de 4 mois de grossesse. Ceci pour pouvoir assurer les besoins du bébé à naître. Le lait sera donc moins abondant, son goût sera différent ce qui ne plaira pas forcément au "grand" ! Côté nutritif, il ne manquera cependant de rien et puisera ailleurs les nutriments qu'il lui manque (son alimentation ayant été diversifiée aux alentours de ses 6 mois). Sachez que 60 % des enfants allaités alors que leur mère est enceinte se sèvrent spontanément. Dans certaines cultures, on dit même que le lait devient "mauvais" car les selles du bébé allaité changent et deviennent plus liquides (le colostrum est diurétique). Non, le lait n'est pas "mauvais" !

Y a-t-il des risques pour le bébé à naître ?

Rassurez-vous, le fait d'allaiter le grand ne va pas priver le bébé à naître d'éléments indispensables à son développement et à sa croissance in utero. Sa nutrition est assurée par le placenta ! Par ailleurs, contrairement à ce qu'on peut entendre ici et là, il n'y a pas plus de risques de faire une fausse couche ou d'accoucher prématurément. Un tel risque n'a jamais été avéré même si allaiter fait sécréter de l'hormone ocytocine, responsable également des contractions de l'accouchement. On n'a jamais empêché une femme enceinte d'avoir des relations sexuelles parce qu'elles entraîneraient des contractions (sauf si problème inhérent à la grossesse) ! Sachez que l'ocytocine est également l'hormone de l'attachement, de l'amour, du bonheur et du bien-être. Chacun d'entre nous en produit tous tous les jours, même en mangeant du chocolat ! Alors, allaitez tranquille votre "grand"...

La future mère ne sera t-elle pas plus fatiguée ?

L'allaitement ne fatigue pas, c'est éventuellement la grossesse qui peut épuiser certaines femmes et le fait de gérer le grand souvent sans aide. Même si l'allaitement pompe de l'énergie, il en faut tout autant pour se lever la nuit, préparer un biberon, etc... Des études ont montré qu'une mère qui allaite dort en moyenne vingt minutes de plus que celle qui donne un biberon. Ne vous privez donc pas d'allaiter !

Quid de la sensibilité des seins ?

En début de grossesse, il y a une sensibilité accrue des mamelons, d'origine hormonale. D'ailleurs, c'est souvent ce "symptôme" qui met la puce à l'oreille des femmes sur une éventuelle grossesse... Il n'y a pas grand chose à faire, si ce n'est essayer de se détendre, de soulager ses seins avec des compresses chaudes (un bon truc : remplir de riz une chaussette, faire chauffer le tout au micro-ondes et l'appliquer sur le mamelon - tester la température avant).

On dit que certaines futures mères sont un peu troublées par le fait d'allaiter leur enfant alors qu'elles abritent un bébé en elles...

C'est une réaction hormonale, les futures mamans peuvent ressentir une certaine ambivalence. Elles adoraient allaiter mais n'en ont soudainement plus trop envie avec parfois une sensation de rejet du "grand". C'est une réaction qui les dépasse, qu'elles ne contrôlent pas et qui peut parfois conduire  à contre-coeur à l'arrêt de l'allaitement.

A la naissance du bébé, allaiter les deux enfants est faisable ?

On appelle cela co-allaitement ou tandem nursing et cela ne nuit pas à l'un ou l'autre des enfants. Le lait devenu du colostrum subvient aux besoins du nouveau-né, il est prioritaire. Le grand s'en contentera (il mange solide par ailleurs) et on l'a vu, si cela ne lui plaît pas, il se sèvrera spontanément ! Les mères voient souvent des avantages à allaiter deux enfants à la fois. Comme le grand "pompe" bien, le colostrum sera produit plus rapidement et en plus grande quantité. Ainsi, si le tout-petit a du mal à téter, le lait coulera plus facilement et l'allaitement sera facilité. C'est bien pratique, avec des jumeaux par exemple ou un nouveau-né malade, un peu faible. En pompant le sein, le "grand" peut également aider à endiguer un engorgement. Que du bon !

 

 

Source : Autre Presse