Famille recomposée : comment aimer l’enfant de l’autre ?
Suis-je capable d’aimer les enfants de l’homme que j’aime ? Quelle est ma place, celle de son ex-compagne ? Pour relever le défi que représente la famille recomposée, il est essentiel de comprendre les enjeux, de poser des limites. Et de privilégier le dialogue. Nos pistes pour vous aider.
"Entre Sébastien et moi, ce fut le coup de foudre, le vrai ! Je ne me suis pas posé de questions quand il m’a annoncé qu’il avait deux filles de 4 et 6 ans. C’était l’homme de ma vie, on allait vivre ensemble, j’avais assez d’amour pour trois, on allait fonder une adorable nouvelle famille. Dans ma tête, c’était que du bonheur ! Erreur sur toute la ligne ! Malgré tous mes efforts, ça ne fonctionne pas. Les petites ne m’acceptent pas, je n’ai pas d’atomes crochus avec elles, Sébastien est très déçu et je ne suis pas sûre de tenir encore longtemps ! "
Mélanie n’est pas la seule belle-mère à se retrouver en échec face au défi que représente une famille recomposée ...
Choisir un homme, ce n’est pas choisir ses enfants !
Les statistiques sont édifiantes : plus des deux tiers des remariages se terminent par une séparation quand les partenaires ont déjà des enfants ! La cause : les conflits entre beaux-parents et beaux-enfants. Chacun s’embarque dans cette aventure avec un maximum de bonne volonté, d’amour, d’espoir, mais la réussite attendue n’est pas forcément au rendez-vous. Pourquoi un tel taux de fiascos ? A cause des nombreux leurres qui empêchent les protagonistes d’avoir une vision réaliste de ce qui les attend vraiment quand ils s’engagent dans ce modèle de famille. Un des premiers leurres, redoutables, c’est cette croyance généralisée que l’amour, par sa seule puissance, abat toutes les difficultés, renverse tous les obstacles. Ce n’est pas parce qu’on aime follement un homme qu’on va aimer ses enfants ! Au contraire même. Réaliser qu’on doit partager l’homme qu’on aime n’a rien de facile, d’autant plus quand ses enfants vous signifient que vous n’êtes pas la bienvenue. Pas facile non plus d’aimer un enfant issu d’une union précédente qui incarne de façon criante qu’il a existé dans le passé une autre femme, une autre relation qui a compté pour son compagnon. Même pour celles qui ont les meilleures intentions du monde et qui sont prêtes à s’interroger sur ce que cette jalousie réactive de leur histoire personnelle, et pourquoi elles se sentent si menacées par cette ex-compagne qui n’est plus une rivale amoureuse. Notre société considère qu’une femme aime les enfants, les siens bien sûr, et ceux des autres. N’est-il pas normal de ne pas se sentir “maternelle” avec un enfant qui n’est pas le sien ?
" Il est prévisible et logique qu’en tant que belle-mère, vous n’aimiez pas les enfants de votre compagnon comme vous aimeriez les vôtres. Cela ne vous empêche pas d’être attentive, de les traiter avec respect, d’éprouver même une certaine tendresse à leur égard, d’avoir à cœur leur bien-être quand ils sont là et de nouer avec eux une relation pacifiée ", s’interroge le psychiatre Christophe Fauré .
Pour Pauline, belle-mère de Chloé, 4 ans, le problème est plus important, elle n’apprécie pas du tout sa belle-fille : « C’est dur à avouer mais je n’aime pas cette petite fille, je n’ai rien contre elle, mais je n’ai pas de plaisir à m’occuper d’elle, je la trouve capricieuse, casse-pieds, gnangnan, pleurnicheuse et j’attends la fin du week-end avec impatience. Je fais semblant de bien l’aimer car je sais que c’est ce que son père attend de moi. Il veut que tout se passe bien quand sa fille est avec nous, et surtout pas de conflits. Alors je joue le rôle, mais sans conviction réelle. »
" Les belles-mères qui n’aiment pas leurs beaux-enfants se culpabilisent très fortement, d’autant plus que le père attend d’elles qu’elles s’en occupent avec amour. Beaucoup font semblant, mais dire oui alors qu’on pense non, entraîne un fort ressentiment qui mine peu à peu le couple," comme le souligne Christophe Fauré.
Culpabiliser ne sert à rien, vous avez choisi d’aimer cet homme mais pas choisi ses enfants. On ne se force pas à l’amour, il est là, c’est formidable, mais ce n’est pas la fin du monde, si ce n’est pas le cas. On aime rarement ses beaux-enfants dès les premiers instants, on les apprécie avec le temps, cela peut prendre des mois, voire des années. Inutile de se forcer car l’enfant percevra si l’attitude maternelle est feinte. Découvrir la maternité avec l’enfant d’une autre n’a rien d’évident. L’idéal est de s’interroger et de poser les bases avant de les rencontrer, de s’imaginer dans cette configuration, de parler de ses craintes, de ses peurs, de définir les rôles de chacun : quelle place vas-tu prendre auprès de mes enfants ? Qu’as-tu envie de faire ? Et toi, qu’est-ce que tu attends de moi ? On évite bien des futures querelles en posant d’emblée des limites concrètes à ce qu’on accepte de faire et à ce qu’on ne veut absolument pas faire : « Je ne les connais pas, mais je me réserve le droit de faire ci, mais pas ça. Je suis d’accord pour faire les courses, préparer les repas, laver ses vêtements, mais je préfère que tu t’occupes de lui faire prendre son bain, que tu lui lises les histoires du soir pour l’endormir, que tu l’emmènes jouer au parc. Pour l’instant, je ne suis pas à l’aise avec les bisous, les câlins, ce n’est pas un rejet, ça pourra évoluer au fil des mois, mais il faut que tu le comprennes. »
Famille recomposée : il faut du temps pour s'apprivoiser
S’il faut du temps à une belle-mère pour apprivoiser ses beaux-enfants, la réciproque est vraie. Mathilde en a fait l’expérience avec Maxence et Dorothée, deux petits diablotins de 5 et 7 ans : « Leur père m’avait dit, “tu verras, ma fille et mon fils vont t’adorer”. En fait, ils m’ont traitée comme une intruse, ils ne m’écoutaient pas. Maxence refusait de manger ce que je préparais et parlait tout le temps de sa mère et de sa formidable cuisine. Mathilde venait systématiquement s’asseoir entre son père et moi, et piquait une crise dès qu’il me prenait la main ou m’embrassait ! » Même si c’est dur à supporter, il faut bien comprendre que l’agressivité d’un enfant voyant débarquer dans sa vie une nouvelle femme est naturelle, car il réagit à la situation qui le stresse et non pas à vous en tant que personne.
Christophe Fauré conseille de dépersonnaliser pour arranger les choses : « C’est la place singulière que vous occupez, votre statut de belle-mère, indépendamment de qui vous êtes, qui motive l’hostilité de l’enfant. Toute nouvelle compagne se confronterait aux mêmes difficultés relationnelles que celles que vous rencontrez aujourd’hui. Le comprendre aide à dépersonnaliser les attaques et agressions dont vous êtes la cible. » L’agressivité est liée également au vécu d’insécurité, l’enfant craint de perdre l’amour de son parent, il pense qu’il va l’aimer moins. Voilà pourquoi il est essentiel de le rassurer et de le sécuriser en lui réaffirmant à quel point il compte, en lui disant avec des mots simples que l’amour parental existe pour toujours, quoi qu’il arrive, même si son papa et sa maman se sont séparés, même s’ils vivent avec une nouvelle compagne. Il faut laisser du temps, ne pas bousculer les beaux-enfants et ils finissent par s’adapter. S’ils constatent que leur belle-mère/père est un facteur de stabilité pour leur père/mère et pour eux-mêmes, si elle est là, si elle tient bon contre vents et marées, si elle apporte un équilibre, de la joie de vivre, de la sécurité dans la maison, leur regard deviendra positif.
En cas d’hostilité très marquée, une belle-mère peut choisir de déléguer la discipline au papa pour ne pas s’imposer de façon trop autoritaire. C’est ce qu’a fait Noémie, belle-maman de Théo, 4 ans : « Je me suis positionnée sur l’agréable, je l’emmenais faire de la balançoire, au zoo, pour gagner progressivement sa confiance. Petit à petit, j’ai pu imposer mon autorité en douceur. »
Candice, elle, a choisi de s’investir a minima dans la relation avec sa belle-fille Zoé, 6 ans : « Comme j’ai vu que le courant passait mal entre Zoé et moi, et que je ne me voyais pas faire “la gendarmette qui crie tout le temps”, j’ai laissé son père gérer un maximum de choses pendant le week-end. J’en profitais pour voir des amies, faire du shopping, aller au musée, chez le coiffeur, m’occuper de moi. J’étais contente, Zoé et mon mec aussi, car il avait besoin de voir sa fille en tête-à-tête, sans la méchante belle-doche ! » La coparentalité est un choix et un beau-parent n’est pas obligé de se positionner en porteur de la loi s’il n’en a pas envie. A chaque famille recomposée de trouver le modus vivendi qui lui convient, à condition de ne pas laisser les beaux-enfants faire la loi, car ce n’est bon ni pour eux ni pour les parents.
Quand les beaux enfants refusent l’autorité de leur belle-mère, il est impératif que leur père pratique la politique du fait accompli et fasse front uni avec la nouvelle venue dans la famille : « Cette dame est ma nouvelle amoureuse. Comme c’est une adulte, qu’elle est ma compagne et qu’elle va vivre avec nous, elle a le droit de te dire ce que tu dois faire dans cette maison. Tu n’es pas d’accord, mais c’est comme ça. Je t’aime, mais je serai toujours d’accord avec elle car nous en avons discuté ensemble. » Face aux attaques classiques du type : « T’es pas ma mère ! », préparez vos répliques – Non, je ne suis pas ta mère, mais c’est moi l’adulte dans cette maison. Il y a des règles, et elles sont valables pour toi aussi ! – Une mise au point s’impose également face à un enfant qui fait référence continuellement à sa mère quand il passe le week-end chez son père : « Quand tu parles tout le temps de ta maman, ça me blesse. Je la respecte, elle est sûrement une maman formidable, mais quand tu es à la maison, ça serait gentil de ta part de ne pas en parler. »
La plus ou moins grande difficulté à imposer son autorité est en partie liée à l’âge des enfants dont la belle-mère va avoir à s’occuper. A priori, c’est plus facile avec les tout-petits car ils ont vécu le divorce comme un violent traumatisme et ils ont un grand besoin de sécurité affective. La nouvelle compagne, la nouvelle maison, le nouveau foyer, leur permettent d’avoir des repères, de savoir où ils sont dans le monde. Comme l’explique Christophe André : « Les enfants de moins de 10 ans opposent généralement moins de résistance à l’autorité d’un beau-parent. Ils s’adaptent plus vite, ils sont plus complaisants, on leur impose plus facilement des règles. Surtout si la jeune belle-mère prend la peine de se renseigner auprès du papa sur les petits rituels, les habitudes de l’enfant pour renforcer son sentiment de sécurité retrouvée. » Il dort avec son doudou comme ci, elle aime qu’on lui raconte telle histoire avant de s’endormir, il adore les tomates et le riz cantonais, au petit-déjeuner elle mange du fromage, sa couleur préférée c’est le rouge, etc.Lire la suite sur parents.fr
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