Pour être enceinte, évitez le stress!

Une étude confirme le lien entre stress et infertilité, mais les mécanismes sous-jacents restent inconnus.

Un nombre important de couples sont confrontés à des difficultés pour concevoir sans qu'aucune cause fonctionnelle ne soit mise en évidence chez l'un ou l'autre des partenaires. Parmi les facteurs environnementaux qui peuvent perturber la fertilité, le stress psychosocial est souvent évoqué. Des chercheurs de la faculté de médecine de l'université de Columbus (Ohio) ont évalué l'état de stress de plus de 370 femmes, et ainsi que le temps mis avant d'être enceinte. Leurs conclusions, publiées dans la revue Human Reproduction, indiquent que le stress pourrait diminuer significativement la fertilité.

«Intuitivement, on peut effectivement penser qu'un état de stress chronique n'est pas favorable à la conception, relève Juliette Guibert, gynécologue-obstétricienne, spécialiste de médecine de la reproduction. Mais en fait il existe, encore aujourd'hui, très peu d'arguments scientifiques pour justifier cela.» Les effets de stress physiques (malnutrition, violences,…) sur la fertilité des femmes ont, eux, été démontrés. En perturbant le fonctionnement de l'axe hypothalamo-hypophysaire dans le cerveau, ceux-ci modifient les sécrétions de certaines hormones, dont celles de la fécondité.

Une idée spontanée des femmes

Le stress psychosocial pourrait ne pas agir de la même façon. «Le fait que les femmes continuent à être enceintes en temps de guerre, montre bien que, même intense, le stress n'est pas contraceptif», souligne Juliette Guibert. Il est pourtant souvent invoqué spontanément par les femmes qui consultent pour des difficultés à concevoir. «C'est le stress professionnel qui est mis en avant majoritairement, mais il y a aussi la pression parfois ressentie de la part de l'entourage et simplement le fait même de ne pas tomber enceinte», explique-t-elle.

Pour évaluer l'impact du stress sur les problèmes de fertilité, Courtney Denning Johnson Lynch et ses collègues ont suivi pendant un an 373 couples. Ils ont notamment dosé à plusieurs reprises deux marqueurs dont la concentration dans la salive est connue pour varier selon l'état de stress, le cortisol et l'alpha-amylase. Cette dernière, qui reflète l'activation du système nerveux autonome, serait particulièrement représentative de l'intensité du stress psychologique.

Une majorité des femmes suivies au cours de l'étude ont débuté une grossesse au cours des 12 mois de suivi de l'étude. Les dosages ont cependant montré que pour les femmes qui présentaient la plus haute concentration salivaire en alpha-amylase, la probabilité de concevoir était à chaque cycle diminuée de 29 % par rapport aux femmes avec un faible taux de ce marqueur. «Nous avons également constaté qu'un taux d'alpha-amylase élevé doublerait le risque d'infertilité», ajoute Courtney Denning Johnson Lynch.

«Ne pas culpabiliser»

La concentration salivaire de cortisol n'était, elle, pas liée avec la fertilité. «Plusieurs études ont déjà montré que cortisol et alpha-amylase n'évoluent pas toujours de manière synchrone, expliquent les auteurs. Et cela pourrait confirmer que stress physique (qui augmente la sécrétion de cortisol), et stress psychique n'ont justement pas les mêmes effets.»

«Cette étude est parmi les premières à tenter d'objectiver scientifiquement comment le stress psychologique peut influencer la fertilité, elle est donc très importante, commente Juliette Guibert. Elle n'apporte cependant pas d'explication sur les mécanismes qui lieraient stress et fécondité. Il s'agit donc pour l'instant de l'observation de deux phénomènes concomitants, pas de la mise en évidence d'un lien de cause à effet.»

Comme les auteurs de l'étude, la praticienne souligne que les femmes qui sont soumises à un stress ne doivent surtout pas culpabiliser si elles tardent à concevoir. «Même si ces effets étaient confirmés, un facteur ne fait pas tout à lui seul, et il y a bien d'autres éléments dans l'environnement qui peuvent contrarier la procréation.»