Coronavirus : les peurs et angoisses de Christelle Ndaya, une jeune Congolaise confinée à Pékin
Confinée depuis janvier à cause de l'épidémie de Covid-19 due au coronavirus en Chine, berceau de l'épidémie, Christelle Ndaya raconte son vécu, son quotidien, ses peurs, ses découvertes personnelles et insiste sur le respect des mesures imposées pour ne pas être contaminée par le virus. Pour elle "c'est une question d'adaptation". Le coronavirus a été détecté pour la première fois dans la ville de Wuhan, en Chine, fin 2019. Aujourd'hui, la vie reprend peu à peu son cours au pays du Soleil levant. D'origine congolaise, Christelle Ndaya vivait au Sénégal avant de s'installer il y a bientôt 5 ans a plus de 10 000 kilomètres de sa famille, à Pékin. Elle s'y est créé un vaste réseau d'amis et menait une vie très active, en plus de son travail de journaliste dans les médias locaux. Voici son témoignage.
L'état d'urgence : 'une question d'adaptation'
"Je vis l'état d'urgence ici à Pékin un peu plus calmement qu'au début parce que nous sommes en confinement depuis la fin du mois de janvier et cela se poursuit toujours. Bien que Wuhan, l'épicentre a rouvert ses frontières, dans certaines villes le confinement est toujours de rigueur. Au début du confinement lorsqu'on nous a dit qu'il ne fallait plus sortir, on était anxieux car on pensait qu'on n'arriverait jamais à tenir, à vivre seuls, isolés des amis, isolés de tout le monde. Mais au fur et à mesure on s'est rendu compte qu'il est possible de vivre en confinement. On a compris aujourd'hui que si nous respectons les mesures, si nous appliquons à la lettre ce qui nous a été demandé de faire, nous ne risquons pas d'être contaminés par ce virus. Au début ce virus était très méconnu. On ne savait rien. On se méfiait de tout et de rien. Après plusieurs mois, on a su s'adapter à cette situation qui n'est pas du tout facile. C'était une question d'adaptation.
Les mesures en place : 'on ne sait pas si on reviendra en bonne santé'
Les mesures mises en place pour faire face au coronavirus en Chine nous affectent personnellement. D'abord, on ne sort qu'en cas de besoin parce que la plupart des commerces ouverts sont des supermarchés, des lieux où les personnes peuvent se ravitailler et les pharmacies. Tout ce qui est lieu de divertissement, pubs, bars, restaurants, cinémas théâtres… sont fermés. Les parcs sont tous fermés. Ces mesures on les accepte mais nous avons quand même peur parce que quand on sort, on ne sait pas si on reviendra en bonne santé. Les masques sont obligatoires certes mais nous nous rendons dans les grandes surfaces où nous sommes en contact avec les vendeurs et peut-être avec d'autres clients. Et comme vous le savez tous, c'est un virus qui se propage très rapidement. Quand nous sortons, nous avons accès libre mais au retour, la température est prise automatiquement avant d'accéder à nos appartements.
Si tout est normal, si le masque est en placé, on nous laisse entrer. Ce moment-là est toujours un moment d'angoisse pour moi. Je me dis, OK je suis sortie saine mais je ne sais pas si je pourrais rentrer chez moi et dormir tranquillement. Je suis sortie pour faire des courses mais je ne sais pas si je suis revenue avec le virus. Cette anxiété et cette peur sont constantes. Même à la maison, on n'est pas toujours en sécurité car les voisins ont le droit d'appeler l'ambulance. On avait reçu des messages disant 'si vous entendez l'un de vos voisins tousser pendant 5 minutes, vous avez le droit d'appeler l'ambulance'. Vous vous rendez compte ?
Alors il faut bien contrôler ce qu'on fait et tous nos comportements. Il ne faut pas manger trop de poivre car si tu éternues, ton voisin va appeler l'ambulance et tu partiras à l'hôpital et même si tu n'as rien, tu seras peut-être contaminée. Autour de nous, il y a de gens qui ont fait des crises d'angoisse. Ma voisine Kenyane revenait de vacances. Malheureusement elle a trouvé que le système de quarantaine avait été imposé et elle ne s'était pas adaptée psychologiquement. La première nuit ça allait mais la deuxième nuit elle a commencé à avoir des vertiges, elle était claustrophobe, elle n'a pas tenu, elle se sentait mal donc on a appelé l'ambulance qui est venue et l'a emmenée au labo. A l'hôpital, on lui a fait pas mal de tests mais finalement c'était plus de peur que de mal. Donc ça nous affecte nous qui sommes sains et saufs, nous qui n'avons rien. On se dit peut-être que si je pense trop à cette chose, ça risque de m'arriver. Mais comment ne pas penser dans ce contexte ?
Tout ceci était très difficile au début parce qu'on se demandait comment on allait tenir entre quatre murs pendant toute une journée. Et au fur et à mesure que les jours et les semaines passaient, on s'est dit que c'était réellement possible en s'occupant.
S'occuper. Faire des choses pour ne pas penser à cette situation parce que c'est une psychose. Les gens ont peur de sortir, on a tous peur. Mais pour chasser cette angoisse je m'occupe avec mon travail ensuite je fais quelques tâches ménagères et après ça, pas vraiment grand-chose. En temps normal je me réveillais à 6h00 pour quitter la maison à 7h30 et arriver au boulot avant 8h00.
Maintenant, avec le confinement, je peux prolonger mon sommeil. On a perdu la notion du temps. Il faut dire que les horaires de travail sont aménagés et allégés, donc il n'y a pas de réelle pression puisqu'on est en télétravail. On est libre mais on peut quelque fois déborder ou arrêter plus tôt selon son état d'esprit. J'ai constaté que je déborde très souvent. Au lieu de m'arrêter à l'heure, souvent je dépasse de 2 à 3 heures.
Au quotidien : 'nos activités sont presque inexistantes'
De nature, je suis une personne très active, qui bouge beaucoup, qui aime découvrir et qui est presque tout le temps dans des programmes ou des expos. Ici, les étrangers ont l'habitude de se côtoyer entre eux donc il y a pas mal de rencontres organisées - un diner, une visite, un restaurant à découvrir, une montagne à escalader, un parc à voir, c'est une ville où il y a toujours quelque chose à faire.
Aujourd'hui, toutes nos activités sont réduites, elles sont presque inexistantes. Ça modifie notre rythme de vie. Après cela, il y a des tâches ménagères. Il y a pas mal de choses à faire, la lessive, passer la serpillière etc car parmi les recommandations on nous a dit de bien aérer les pièces, de bien nettoyer. Donc il y a pas mal de petites tâches ménagères que je fais ici à la maison.
Gérer la solitude : 'j'appelle ma famille au téléphone'
Je suis célibataire pour le moment. Je n'ai pas d'amoureux ici. Je vis seule mais en ce moment on ressent le besoin d'être en compagnie. On ressent ce besoin d'avoir quelqu'un près de soi car on se dit : 'je suis seule, si jamais il m'arrivait quelque chose la nuit ?' Ou si je ne me sens pas bien, au moins il y aurait une personne qui pourrait m'emmener à l'hôpital ou prendre soin de moi.
C'est dans ces moments qu'on ressent l'importance et l'utilité d'avoir quelqu'un a ses côtés. Le plus dur c'est de ne pas céder à la panique. Alors on essaie de chasser ces pensées et de garder le positif. Pour combler j'appelle mes sœurs, ma famille au Sénégal et je passe mon temps à causer avec mes neveux qui me racontent leur quotidien, on parle, on rigole… ça me change un peu les idées. Et ça me plonge dans leur univers. Je sens comme si j'étais avec eux et nous parlons vraiment de tout et de rien, du quotidien, de ce qu'on a mangé.
Pour s'occuper : 'la lecture pour oublier la situation actuelle'
Pour m'occuper j'ai opté pour la lecture. Il y a pas mal de livres que j'avais acheté qui était en stand-by donc j'en ai profité pour lire. Pour beaucoup lire. Des livres bien volumineux. Ça nous fait voyager, ça nous emmène dans un autre univers, ça nous fait un peu oublier la situation actuelle. Et aussi j'ai suivi beaucoup de films africains dont j'avais les titres que j'avais peut-être oubliés. Ou que je n'avais jamais vus. C'est vraiment une occasion pour moi de redécouvrir le cinéma africain. J'ai revu 'Madame Brouette', j'ai revu des films de Djibril Diop Mambéty, j'ai revu 'La vie est belle' de Papa Wemba. Ça m'a permis de réapprendre plus sur le cinéma africain puisque c'est ma passion.
Ce qu'on ne peut plus faire ? Il y a beaucoup de choses qu'on aurait aimé faire et qu'on ne peut plus faire.
La coiffure :
En tant qu'africaine, c'est pas du tout facile pour l'entretient de nos cheveux. La coiffeuse qui avait l'habitude de me faire des tresses a fermé boutique. Je lui avais même proposé de se voir ou de me rendre visite pour me tresser parce que c'est insupportable, je n'en peux plus. Mais bon, impossible de tricher. Chaque résident a sa carte et avant d'entrer dans l'immeuble, on vérifie le numéro et une personne de l'extérieur ne peut pas accéder à ton appartement. C'est clos, c'est fermé, c'est bouclé. On a vraiment l'impression d'être très isolées de la société. On a dû faire avec mais je ne me suis pas fait tresser depuis très longtemps. Je suis allée sur YouTube et j'ai vu quelques tutos pour entretenir mes cheveux afro et je me sers de ça, je suis un peu les instructions. Mais ça me manque.
Le shopping :
Personnellement j'adore du shopping et c'est vraiment quelque chose qui me manque énormément. On se contente parfois d'aller sur les sites regarder un peu pour savoir ce qu'il se passe. Il ne se passe pas grand-chose mais bon on fait semblant ! On se leurre, je l'avoue Alors je vais sur les sites internet, je regarde, je rêve et je reviens sur terre.
On refuse de flancher
Nous sommes toujours en confinement mais on refuse de flancher, on reste fortes, on reste dynamiques, très positives et on essaie de prendre des forces auprès de sa famille, auprès de mes proches avec qui je passe de longues heures au téléphone à parler, à communiquer. Mon plus grand stress, ma plus grande peur c'était de flancher dans une crise de panique. On espère que cette période très difficile passera, il y a tant de personnes qui attendent beaucoup de nous donc nous ne devons pas flancher pour que cette période ne puisse pas nous écraser. Mais ce n'est pas facile quand on vit dans un pays étranger, qu'on est seule et qu'on est une femme."
Source: bbc.com
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