Le projet ``À Voix Égales`` se penche sur la question de ``La survie des médias``
Le jeudi 30 mai 2024 à 9h30 à l’hôtel Tiama d’Abidjan s’est tenue la troisième session de concertation du programme À Voix Égales portant sur le thème : “La survie des médias (rémunération, nouveaux entrants, formation)”.
L’intervention de bienvenue à la session
Isabelle Zongo en qualité de point focal de CFI en Côte d’Ivoire a souhaité la bienvenue à tous les participants et pris le temps de présenter le cadre de l’activité. A sa suite, Esther Krawczyk, Responsable du projet À Voix Égales chez CFI, a pris la parole pour remercier l’ensemble des participants et rappelé les objectifs du programme À Voix Égales, c’est-à-dire de créer un espace de dialogue entre les différents acteurs du secteur médiatique pour promouvoir l’égalité femmes-hommes. Ces sessions qui se tiennent sur une période de 12 mois et constituent une plateforme essentielle pour la collaboration et l'échange d'idées entre les acteurs clés du secteur médiatique. Ainsi, différentes dimensions de l'égalité des sexes dans les médias seront approfondies. L’objectif final est l'élaboration d'un document stratégique pour accompagner les médias vers l'égalité entre les femmes et les hommes.
S’en est suivi, un tour de table de présentation des médias présents à savoir la NCI, Weblogy (Afrique Femme), LInfodrome, 7info, Radio Soleil San Pedro, Radio Daloa FM, Sion Médias et Les EchoMédias et des organismes nationaux, à savoir, l’Autorité de Régulation des Télécommunications de Côte d’Ivoire (ARTCI). Au titre des structures observatrices, le Ministère de la Communication de Côte d’Ivoire a été représenté par le Directeur du développement de l’audiovisuel et de la presse. L’Ambassade de France et ONU Femmes se sont excusés.
A l’issue des présentations, Kenza Rayess, Directrice Général de LInfodrome et Olympe Media a procédé au lancement de l’atelier portant sur “la survie des médias (rémunération, nouveaux entrants, formation)” en précisant qu’il s’agit d’un enjeu de taille pour la Côte d’Ivoire et pour les médias ivoiriens dans leur rôle de promotion de l’inclusivité.
Discussion ouverte et introductive sur le thème de la session
Kenza Rayess en qualité de Représentante des médias, par ailleurs, Directrice Générale de Olympe Média et de LInfodrome a planté le décor en indiquant qu’internet a été une chance pour la majorité des médias puisqu’il a offert une multitude d’opportunités, cependant les pays d’Afrique et particulièrement d’Afrique francophone, ne bénéficient pas des mêmes avantages que les médias occidentaux, notamment au niveau de la monétisation des contenus. En ce qui concerne la Côte d’Ivoire, le pays est blacklisté sur de nombreuses plateformes du fait des nombreuses attaques cybercriminelles enregistrées. Les premiers échanges ont donc été orientés sur les enjeux de cette situation et le cadre réglementaire pour lever ces freins avec l’appui des institutions gouvernementales. C’est ainsi que le rôle de l’ARTCI a été précisé en tant que structure gouvernementale de régulation des télécommunications et non de la presse. L’ARTCI s’assure notamment de la protection des données à caractère confidentielle et de la bonne utilisation de l’internet.
Le Directeur du développement et de l’audiovisuel et de la presse du Ministère de la Communication a souhaité préciser que la problématique de la survie des médias est une problématique importante pour le Ministère, et plus largement pour l’Etat, car elle est liée à la rentabilité même des médias. Il a rappelé que des initiatives privées sont présentes pour apporter des solutions et enrichir le débat au niveau du Ministère. Ces initiatives concernent notamment les questions de distribution de la presse traditionnelle, de la qualité des informations mais également celles liées à la création et au format de contenus.
A cet effet, il a présenté les pistes de réponses de l’Etat et les accompagnements disponibles à date tels que le centre de soutien du développement de la presse logé à l’Agence de Soutien et de Développement des Médias (ASDM) qui accompagne, d’une part, les entreprises de presse écrite dans leur transition vers le numérique et, d’autre part, celles évoluant déjà dans le numérique. Il a mis en avant le génie des chefs d’entreprises de presse écrite et numérique à apporter des solutions innovantes. Il a ainsi précisé que l’État n’a pas de solution miracle à la survie des entreprises de presse et qu’il valorise la co-construction. Le Directeur du développement et de l’audiovisuel et de la presse du Ministère de la Communication a donc invité les participants à proposer des pistes de solutions.
À ce titre, les participants ont énoncés une série de propositions, à savoir :
- Offrir des crédits d’impôt ou réductions fiscales pour les médias qui seraient des modèles dans l’intégration des enjeux de genre et de développement afin d’encourager le renforcement des capacités des acteurs des médias sur les thématiques de genre, d’inclusion et de diversité au sein de leurs médias;
- Mettre en place un outil ou une plateforme qui permettrait de rémunérer les médias sur les contenus qui sont mis en ligne;
- Envisager une collaboration entre l’État et les plateformes de monétisation existantes à l’échelle mondiale ou envisager la création de structures au plan local qui permettraient de monétiser les contenus ou d’accompagner les médias dans la monétisation de leurs contenus;
- Mettre en place un système de régulation pour réduire la cybercriminalités et améliorer l’image de marque de la Côte d’Ivoire auprès des plateformes internationales et ainsi permettre l’intégration des acteurs ivoiriens;
- Voir la possibilité de réguler la production de contenus en ligne afin de réduire le partage de contenus sans respect des droits d’auteur et de réduire la prolifération des fake news;
- Proposer une meilleure répartition des fonds étatiques à l’endroit des médias afin de permettre la survie de ceux-ci;
- Offrir des certifications aux structures pour prouver leur sérieux et assurer leur crédibilité à l’endroit des plateformes internationales de monétisation de contenus;
- Envisager un cadre d’actions des nouveaux entrants (influenceurs, chroniqueurs, blogueurs n’ayant aucune certification journalistique et qui prennent la parole sur des sujets médiatiques) pour réduire la prolifération des stéréotypes et encourager au respect des règles d’éthiques et de déontologies des médias.
Le Directeur du développement et de l’audiovisuel et de la presse a pris bonne note des différentes propositions et a invité les participants à approfondir les réflexions sur l’organisation de l’audiovisuel, de la presse, de la radio et de la presse numérique. Il a indiqué que l’État ne peut pas soutenir le secteur tant que des réflexions approfondies ne sont pas faites. De plus, la question de l’indépendance des médias se pose à l’État qui ne peut pas imposer une ligne de conduite aux médias au risque de réduire sa force en tant qu’outil de démocratie participative.
Recommandations :
Ainsi, au titre des recommandations de la discussion, il faut retenir la nécessité de produire un document stratégique qui apportera des pistes de solutions documentées sur :
- La qualité des subventions demandées en valorisant les impacts et effets pour la survie des médias et la création de contenus plus inclusifs;
- Les solutions innovantes permettant la création de valeur pour les structures médiatiques tant en terme de renforcement des capacités que de création de revenues complémentaires pour permettre leur survie;
- La mise en place d’une préférence pour l’usage des médias nationaux par les structures privées et étatiques au détriment des plateformes sociales qui couvrent le territoire;
- Le plaidoyer du Gouvernement à l’endroit des grandes plateformes internationales comme Meta pour faciliter l’accès à la monétisation des médias nationaux à travers par exemple une certification répondant à des critères précis;
- Les priorités de financement de l’Agence de Soutien et de Développement des Médias (ASDM) afin que les subventions octroyées participent à une modification structurelle et structurante du paysage médiatique ivoirien;
- L'accréditation de la presse nationale et étrangère et des nouveaux entrants en vue de crédibiliser la fonction de journaliste des médias;
- L’intégration des organismes de presse dans les réflexions de régulation des nouveaux entrants par la HACA afin de repositionner le rôle et le poids des médias en tant que structures fiables et crédibles de partage de l’information.
Le traitement du genre, de la diversité et des violences basées sur le genre (VBG) Il a été fait l’état de l’engouement pour les questions de genre et de développement par les bailleurs de fonds internationaux en précisant que des financements existent pour le renforcement des capacités, pour renforcement des soft skills et pour la création et la sécurisation des emplois. Les échanges ont portés sur la nécessité de faire un plaidoyer auprès du Gouvernement pour intégrer les problématiques de la survie des médias dans le plan national de développement et ainsi encourager les bailleurs de fonds à prévoir des lignes de financement à l’endroit des structures médiatiques. Par ailleurs, la question de l’audience et de la prise en compte de l’audimat féminin a été abordé en précisant que l’audimat féminin est peu et mal considéré en tant que source de revenus pour les médias. Ensuite le rôle des femmes dans les médias a été discuté, notamment vis-à-vis de la nécessité d’encourager ces dernières à mieux se positionner dans les médias, tant au niveau de la gouvernance que de la production de contenus. Enfin, le rôle des hommes a été perçu comme essentiel dans le soutien au développement de la masculinité positive dans les médias, dans les positions managériales mais aussi dans la production de contenus. Toutefois, les participants se sont accordés sur le fait que la sous-représentation des femmes dans les médias ivoiriens est surtout liées à des causes culturelles. De ce fait, la question de la sensibilisation des individus, des médias et du grand public a été débattue.
Recommandations :
Pour la définition des priorités de financement des médias par les bailleurs de fonds, les axes suivants devront être approfondis pour l’élaboration du plaidoyer :
- Définition des axes clés de la théorie du changement pour une changement global des mentalités dans les médias concernant les problématiques de genre;
- Définition des besoins en formation et renforcement des capacités sur les soft skills et la gouvernance pour réduire les contraintes physiologiques des femmes des médias;
- Définition des besoins en formation sur la structuration des médias et la monétisation des contenus vis-à-vis des contraintes du métier;
- Définition des besoins en accompagnement et renforcement des capacités des managers des médias sur l’évolution de carrière, le cadre de travail et les politiques de structuration en interne.
Recommandations :
Quelques pistes de projets et programmes, s’articulant principalement autour du cadre de travail et des politiques de structuration en interne des médias, qui pourraient être soutenues par les bailleurs de fonds:
- Renforcement des capacités des médias pour encourager les femmes à s’engager en politique comme vecteur de changement dans les médias;
- Sensibilisation de la nouvelle génération de journalistes au soft skills et aux problématiques de genre et développement (engagement des femmes, genre et développement, cadre légal, masculinité positive);
- Projet de sensibilisation de la jeune génération (le grand public) à la lecture des informations médiatiques pour encourager le changement global de mentalité;
- Formation des managers et des employés des médias sur l’usage des fonds de formations liés au FDFP;
- Formation à destination des managers des médias pour intégrer les notions de management et de leadership inclusifs;
- Formation sur l’usage de l’intelligence artificielle pour une production de contenus médiatiques respectant les règles de déontologie et d’éthique;
- Formation des médias à la monétisation des contenus médiatiques pour les accompagner à diversifier leurs sources de revenus;
- Sensibilisation des médias sur les problématiques de protection des données, des fakes news et de traitement des violences basées sur le genre.
Quelques pistes de critères de sélection des médias pour obtenir des subventions des bailleurs de fonds pour la mise en oeuvre de projets et programmes :
- Exister légalement et fiscalement;
- Déclarer ses agents à la CNPS;
- Offrir une assurance santé à ses collaborateurs;
- Disposer de manuels de procédures et autres chartes d'Éthique et de Genre;
- Avoir un quota de femmes à des postes de direction.
Quelques pistes de facilitations que l’État pourrait prendre en considération pour faciliter la survie des médias :
- Proposer des possibilités de crédit d’impôt et abattement fiscaux pour les médias qui intégreront les éléments de genre (dans la dualité homme-femme) de façon structurelle et structurante dans le développement de leurs médias et dans la production de contenus médiatiques;
- Mettre en place un système de certification des médias pour faciliter leur accès aux plateformes de monétisation, aux subventions des bailleurs de fonds et aux appels à manifestation d’intérêt des structures privées.
A l’issue des différents échanges, les participants se sont accordés sur la nécessité de créer un cadre de réflexions réunissant les spécialistes et experts en vue de sortir un document stratégique apportant (i) des solutions pertinentes aux questions de rémunération et de monétisation des contenus médiatiques, (ii) définissant les besoins en renforcement de capacités des acteurs des médias, (iii) montrant la pertinence de faire appel aux bailleurs de fonds pour soutenir la structuration des médias ivoiriens et (iv) proposant les dispositions légales, fiscales et administratives à prendre en compte.
Ce document stratégique permettra d’étayer un plaidoyer pour la survie des médias ivoiriens. Kenza Rayess, en sa qualité de Représentante des médias, par ailleurs, Directrice Générale de Olympe Média et de LInfodrome, a pris l’engagement de réunir les différents acteurs et de mobiliser les bonnes personnes pour créer les cadres d’échanges et de concertation avec les ministères et directions associées. L’ARTCI s’est engagé à faire le point sur la régulation et la protection des données.
Consolidation et conclusions
Isabelle Zongo a procédé au récapitulatif des recommandations et des grands axes de discussions énoncés et discutés lors de la présente session de concertation et a porté à la connaissance des participations qu’une enquête plus large leur sera partagée afin de recueillir leurs commentaires et observations sur les différentes thématiques abordées dans le cadre des sessions de concertation.
A sa suite, Kenza Rayess a manifesté sa joie de participer à cette session cruciale et essentielle pour la survie des médias en Côte d’Ivoire et à remercier CFI pour l’initiative et l’opportunité d’échanger avec les différents acteurs impliqués dans la résolution de cette problématique. Elle s’est par ailleurs réjouie des perspectives à venir et a indiqué la disponibilité des équipes de LInfodrome à partager leurs expériences en matière de monétisation de contenus en ligne.
Monsieur Béda s’est réjouit des échanges sur la problématique de la survie des médias tout en rappelant la nécessité des médias à s’adapter au monde actuel qui est en perpétuel mouvement. En effet, aujourd’hui la consommation de contenus est rapides et nécessite une adaptation continuelle des médias aux comportements des consommateurs. Ainsi, il a invité les participants à pousser les réflexions, à se former régulièrement et à intégrer les problématiques de genre. Les femmes étant un moteur important de nos sociétés, il faut noter que leur participation sera grandissante car elles font aujourd’hui des choses qu’elles ne faisaient pas il y a dix (10) ans. Il a ensuite invité les participants à bien poser les problématiques et à bien orienter les initiatives afin que le plaidoyer qui en sortira soit clair et lisible pour en faciliter la mise en oeuvre. Enfin, il a félicité l’initiative de CFI et encouragé à ce que les prochaines sessions soient toujours aussi constructives. A l’issue des différentes conclusions, Esther Krawczyk a remercié les différents participants au nom de CFI été porté à la connaissance des participants que la prochaine session portera sur “le rôle des organisations de la société civile dans la sensibilisation des médias au genre”.
Credit Photo, CFI Medias
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