Les Iraniennes peuvent désormais transmettre la nationalité à leur enfant
À la mi-novembre, environ 75 000 demandes ont été lancées, selon le Bureau de l’immigration.
C’est une nouvelle victoire pour les droits de la femme à travers le monde, qui plus est dans la région, après des années d’activisme et de combats juridiques en Iran. Des centaines de milliers d’enfants nés de mère iranienne et de père étranger ne devront plus batailler pour obtenir la nationalité leur garantissant les droits les plus basiques, après l’adoption en juin d’une loi allant dans ce sens. « Il s’agit d’une étape révolutionnaire vers la réduction de l’inégalité des genres en Iran », estime Farha Bhoyroo, chargée de communication en Iran pour le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), contactée par L’Orient-Le Jour.
Les autorités iraniennes ont dès le début du mois de décembre validé la demande de nationalité à plus de 10 000 enfants qui ont obtenu leur document d’identité iranien, la « Shenasnameh ». Auparavant, le code civil iranien accordait automatiquement la citoyenneté aux enfants et aux conjoints d’hommes iraniens, tandis que les enfants nés en Iran de femmes iraniennes et de pères étrangers devaient résider en Iran au moins jusqu’à leurs 19 ans avant de pouvoir présenter une demande de citoyenneté, que peu obtenaient. La dernière tentative de réforme de la loi a été inspirée par Maryam Mirzakhani, mathématicienne iranienne de renommée mondiale et récipiendaire de la médaille Fields décédée d’un cancer en 2017. Parce que son mari n’est pas iranien, sa fille, âgée de 9 ans aujourd’hui, ne pouvait prétendre à la nationalité iranienne. Une injustice désormais levée puisque, selon l’agence de presse officielle ISNA en Iran, la loi permet également aux personnes de plus de 18 ans, nées d’une mère iranienne et d’un père étranger, de demander la citoyenneté iranienne, même si leur mère est décédée ou si leur père est porté disparu.
Selon les statistiques officielles, plus de 150 000 Iraniennes sont mariées à des étrangers. Ces couples ont donné naissance à plus de 500 000 enfants qui n’ont pas la citoyenneté iranienne. Beaucoup d’enfants et d’adolescents n’ont même pas la citoyenneté du pays de leur père. Les statistiques fournies ne concernent que les femmes dont le mariage a été enregistré, cependant de nombreuses femmes sont légalement mariées mais n’ont pas été officiellement enregistrées. Avant que la loi n’entre en vigueur le 3 juin dernier, ces enfants ne pouvaient espérer être reconnus officiellement. À la mi-novembre, environ 75 000 demandes ont été lancées, selon le Bureau iranien de l’immigration.
Sûreté nationale
Le débat sur la légalisation de la citoyenneté pour les enfants nés de mère iranienne mariée à un étranger ne date pas d’hier puisqu’il a démarré en 2007. Une loi avait été approuvée par le Parlement en 2009, mais elle avait fait les frais d’un renvoi entre les différentes instances officielles, reportant ainsi le débat.
Les opposants à la loi ont fait valoir qu’en donnant la citoyenneté aux réfugiés, ces changements perturberaient la démographie du pays. Les défenseurs de la réforme ont quant à eux dénoncé la discrimination vis-à-vis des femmes, étant donné que les hommes mariés à des non-Iraniennes ne sont pas soumis au même traitement. En juin 2019, le Conseil des gardiens de la Constitution iranienne avait renvoyé la loi au Parlement en précisant qu’il souhaitait voir ajouter une clause permettant aux autorités de faire face à des questions de « sûreté » nationale qui pourraient se poser en raison des activités des pères de ces enfants. Tenu par les ultraconservateurs, ce conseil craignait en outre qu’un « permis de résidence » ne soit délivré aux pères des enfants en question.
Selon l’UNHCR, il y aurait environ 3 millions d’Afghans en Iran. 950 000 d’entre eux ont le statut de réfugiés, environ 1,5 à 2 millions d’Afghans sont sans papiers et seulement quelque 450 000 sont détenteurs de passeports afghans. L’Iran accueille en outre près de 30 000 réfugiés irakiens. « Au vu de cette situation, beaucoup d’enfants sont donc sans papiers », précise Farha Bhoyroo. « L’Iran fait preuve d’une hospitalité louable envers les Afghans depuis plus de 40 ans. Tous les enfants en Iran, y compris les réfugiés et les Afghans sans papiers, ont accès à l’éducation. Ils peuvent étudier côte à côte avec des enfants iraniens et suivre le même programme. Ils ont également accès aux soins de santé primaires, à égalité avec les ressortissants iraniens », rappelle l’humanitaire, qui précise que certaines personnes sans papiers passent certainement à travers les mailles du filet et ne reçoivent pas l’assistance et la protection dont elles ont besoin de la part du gouvernement iranien et du HCR.
Les apatrides
La République islamique, qui n’a pas signé les conventions des Nations unies sur l’apatridie, tente de prendre des mesures pour prévenir et lutter contre ce problème. Même si cette loi représente un progrès significatif, elle ne donne pas aux mères et aux pères des droits égaux pour transmettre la nationalité à leurs enfants. La loi laisse dans le flou certaines familles dont les enfants ont déjà obtenu la nationalité de leur père, étant donné que la Constitution iranienne ne reconnaît pas la double nationalité. « La nationalité iranienne ne sera pas automatiquement accordée aux enfants nés de mère iranienne et de père étranger, car ils doivent encore soumettre une demande et passer par une série de vérifications avant d’obtenir leur “shenasnameh” », poursuit Farha Bhoyroo. Les familles doivent se soumettre à des contrôles de sécurité de la part du ministère des Renseignements et des gardiens de la révolution, ce qui pourrait disqualifier arbitrairement les candidats à la citoyenneté dont les parents pourraient être jugés critiques à l’égard du gouvernement.
L’argument sécuritaire et démographique est le plus souvent brandi par les autorités des pays refusant la transmission de la nationalité à des enfants par leur mère. L’Iran étant désormais retiré de la liste, 24 pays restent jusqu’à ce jour fermement opposés à toute réforme permettant aux femmes de transmettre la citoyenneté à leurs enfants, à l’instar du Koweït ou du Qatar. La Jordanie et le Liban campent également sur leurs positions, ce qui affecte principalement des femmes mariées à des réfugiés syriens ou palestiniens.
Source: lorientlejour.com
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