Soudan : les femmes exigent plus de droits
Elles avaient été à l'avant-garde de la contestation du régime du président Omar el-Béchir. Mais, onze mois après sa chute, des militantes soudanaises se disent déçues par le peu d'empressement des nouvelles autorités à améliorer leurs droits.
Et c'est pour crier haut et fort leur frustration que des dizaines de ces militantes ont manifesté dimanche, à l'occasion de la Journée internationale des droits de la femme, devant le siège du ministère de la Justice à Khartoum.
Elles ont remis à un représentant du ministère une lettre demandant l'abolition ou l'amendement de plusieurs lois jugées discriminatoires à l'égard des femmes, ont rapporté des journalistes de l'AFP.
"Rien de concret n'a été fait pour satisfaire aux revendications des femmes", constate samedi avec amertume Zeineb Badreddine, dans sa modeste maison d'Omdourman, ville jumelle de Khartoum, sur l'autre bord du Nil.
C'est à cette militante de la première heure, qui a réintégré l'enseignement 30 ans après avoir été licenciée pour ses "idées progressistes" par le régime islamiste d'Omar el-Béchir, qu'est revenu l'honneur de conduire la manifestation à Khartoum.
Le premier grief fait par cette militante aux nouvelles autorités est la faible représentation des femmes au sein du gouvernement.
Le Premier ministre Abdallah Hamdok, au pouvoir depuis six mois, a confié quatre des 17 postes ministériels à des femmes, dont celui régalien, des Affaires étrangères.
Une femme a été nommée à la tête du pouvoir judiciaire et le Conseil souverain, la plus haute instance du pouvoir, est formé de cinq militaires, et de six civils, dont deux femmes.
Faible représentation
"Notre représentation ne dépasse pas les 22% (...) et si les femmes avaient eu une meilleure représentation, elles auraient eu plus de voix pour défendre leur cause", regrette Mme Badreddine.
En novembre 2019, les nouvelles autorités ont abrogé une loi sur l'ordre public visant les Soudanaises jugées coupables d'"actes indécents et immoraux", mais le reste de l'arsenal discriminant les femmes est resté en place et aucune législation nouvelle les protégeant n'a été mise à l'oeuvre.
Sous le régime islamiste, de nombreuses femmes ont été flagellées en public ou emprisonnées pour avoir porté une tenue jugée "indécente" ou pour avoir consommé de l'alcool en application de cette loi.
Mme Badreddine déplore également l'absence d'une loi criminalisant le harcèlement sexuel, ainsi que la liberté laissée au juge de décider si une femme a été violée ou non, ce qui peut conduire parfois à des poursuites judiciaires pour adultère contre des victimes d'actes de viol.
Loi décriée
Avocate et militante de la cause de la femme, Inaam Atiq s'attarde elle sur la loi de statut personnel de 1991 pour en relever les nombreuses incohérences.
"Cette loi est à l'origine des souffrances de milliers de femmes à travers le Soudan", accuse-t-elle.
Le texte, inspiré de la charia (loi islamique) permet entre autres, dit-elle, de donner en mariage des filles de dix ans et ne prévoit pas le consentement de la femme dans les contrats de mariage.
"L'amendement de ce texte revêt un caractère urgent et cela peut se faire sans toucher aux principes de la charia", plaide-t-elle.
Une autre loi sur les passeports interdit aux femmes de voyager à l'étranger sans l'autorisation de leur tuteur mâle, une disposition qui a été abolie même par l'Arabie saoudite ultra-conservatrice.
Autre grief: de nombreux Soudanais ne reconnaissent pas leur progéniture, ajoutant aux difficultés des femmes, car les résultats des examens de l'ADN ne sont pas pris en compte par les tribunaux, souligne Inaam Atiq.
"On a besoin de mesures immédiates", appelle-t-elle. "Je reste optimiste quant à la possibilité de franchir des pas dans la bonne direction."
Manal Abdelhalim, autre militante, reste plus prudente.
Elle se dit étonnée des "voix, dont celles de certaines femmes, qui disent que la question (des droits de la femme) n'est pas prioritaire et peut attendre."
En formant son gouvernement, M. Hamdok s'est engagé à améliorer le sort des femmes, malgré les difficultés économiques et sociales que traverse le pays.
Source: afrique.tv5monde.com
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