Maroc : un sit-in pour dénoncer les violences sexuelles à l`encontre des femmes

Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées dans la rue à Casablanca après la diffusion de la vidéo montrant l'agression d'une jeune femme dans un bus.

Une manifestation après l'indignation. Près de 300 personnes se sont rassemblées mercredi à Casablanca (Maroc) pour dénoncer l'agression sexuelle collective dont a été victime une jeune femme dans cette ville, une affaire qui a profondément choqué l'opinion publique. «L'habit ne fait pas le viol ! Nous n'avons pas peur ! Libérez l'espace public !», a scandé la foule réunie sur une place centrale et effervescente.

Diffusée dimanche sur les réseaux sociaux, une vidéo a montré un groupe d'adolescents hilares bousculant violemment une jeune femme en pleurs dans un bus en plein jour, essayant de la déshabiller et touchant ses parties intimes. Les six agresseurs, tous mineurs, ont été arrêtés. La victime, 26 ans et «atteinte de troubles mentaux», faisait l'objet d'un avis de recherche «sur la demande de sa famille après avoir quitté en mai dernier son foyer vers une destination inconnue», a indiqué mercredi soir la police marocaine, qui dit avoir retrouvé mardi «la victime de cet acte criminel».

«Personne ne peut rester indifférent (...) cela nous concerne tous», a lancé Fatym Layachi, chroniqueuse et metteur en scène présente parmi les manifestants. «Il se trouve que ce drame a été filmé, on en a entendu parler. Je n'ose même pas imaginer le nombre de drames similaires qui se passent tous les jours dans les bus ou ailleurs dans les lieux publics. Il faut que ça cesse», a-t-elle poursuivi. «Je me sens concernée parce que j'aurais pu être cette fille», a confié Oum, chanteuse marocaine populaire et engagée. «Je suis ici pour dire qu'on doit mieux éduquer nos enfants», a-t-elle lancé, coiffée d'un turban, lunettes de soleil sur le nez. «Les lois pour les hommes, le viol pour les femmes !», s'est encore époumonée la foule.

Pour Salah El Ouadie, poète et président du mouvement Damir (conscience), présent au sit-in, «il y a un grand danger aujourd'hui, c'est la banalisation de ces crimes, des viols contre des femmes dans l'espace public. Nous avons besoin que les pouvoirs publics prennent la chose au sérieux, au niveau sécuritaire mais également au niveau du rôle de l'école», a-t-il plaidé. A Rabat, la capitale, un rassemblement similaire a réuni près de 200 personnes.

Un projet de loi sur le harcèlement dans les lieux publics

Depuis la diffusion des images de l'agression de Casablanca, de nombreux médias marocains tirent la sonnette d'alarme sur le harcèlement des femmes dans la rue. En toile de fond, une «crise des valeurs» dans une société tiraillée entre modernité et conservatisme. Dans un pays qui se veut, selon les discours officiels, chantre d'un islam tolérant et où les femmes n'ont pas l'obligation de porter le voile, celles-ci subissent fréquemment insultes, remarques désobligeantes et autres agressions sexistes dans les espaces publics. Selon les chiffres officiels, près de deux Marocaines sur trois sont victimes de violences. Et les lieux publics sont les endroits où la violence physique à leur égard est la plus manifeste.

La loi marocaine «condamne le harcèlement des femmes au travail, mais pas dans les espaces publics», a reconnu Mustapha Ramid, ministre d'Etat chargé des droits de l'Homme, assurant qu'un projet de loi «complet» incluant pour la première fois le harcèlement dans les lieux publics, est en cours d'adoption.

 

 

Source : leparisien.fr