Managers, 5 conseils pour développer votre résilience au travail

Laisser de la place aux émotions dans le travail, apprendre à écouter et à se mettre à la place de l'autre, donner un objectif collectif et de l'autonomie individuelle : les recettes pour entraîner votre capacité à surmonter les épreuves et celle de votre équipe.

Proactif, performant, positif…N'en jetez plus ! La coupe du manager idéal est pleine de ces attributs, certes ronflants, mais un brin démodés. Aujourd'hui on leur préfère des qualificatifs moins clivants tels que "impliqué, compréhensif, empathique ou créatif". Des aptitudes qui engagent notamment à laisser s'exprimer les émotions dans le quotidien d'une équipe. Car non, celles-ci ne sont pas à bannir de la posture du manager, au contraire. Pour développer sa résilience, il faut justement apprendre à se connecter à son propre ressenti… et à celui de ses collaborateurs. Voici comment faire.

Soyez à l’écoute de vos émotions

"J'ai arrêté il y a déjà longtemps de vouloir à tout prix éviter la souffrance, de m'obliger à avoir des pensées positives ou de courir après la perfection", assure Anne Digard. A la suite d'une rupture conjugale qui a fortement impacté son estime d'elle-même, cette patronne d'une filiale d'expertise liée au groupe immobilier CBRE a changé son mode de fonctionnement. Après six mois de formation en sophrologie et des cours de théâtre pour travailler sa prise de parole en public, elle a fait sien le précepte prôné par le best-seller du philosophe Fabrice Midal, Foutez-vous la paix ! "J'ai appris à prendre du recul et surtout à être attentive aux autres", assure-t-elle. Comme l'explique le formateur Fabrice Lebreton,"il n'y a pas d'émotions négatives car chacune a son utilité». La peur sert à̀ se protéger, la tristesse à tourner la page, la colère à dire stop, la joie à aller de l'avant…
Ce qui compte c'est de savoir identifier son ressenti afin d'y adapter sa réaction. Pour vous entraîner, "listez les émotions que vous avez vécues dans la journée et les actions auxquelles elles sont associées", conseille Laurence Saunder, associée au cabinet Uside, spécialisé sur la qualité de vie au travail. De même, plutôt que de ressasser l'analyse de vos erreurs, au risque de paralyser l'action, travaillez vos réussites. Répertoriez les expériences positives et envisagez comment les maintenir dans la durée. Etudiez les actions collectives ou individuelles qui ont porté leurs fruits, les raisons de leur réussite et la manière dont vous pourriez transformer l'essai en créant de nouveaux process.

Prenez le temps de vous exprimer

Plus vous serez conscient de vos émotions, plus vous saurez y adapter votre communication. Francis, chef de service dans une maison d'édition, s'astreint à exprimer ce qu'il pense clairement. "J'utilise souvent le "je" pour dire ce que je ressens et qui, à mes yeux, a un impact sur le travail de l'équipe. Par exemple : "je suis irrité par les retards qui nous empêchent de commencer la réunion à l'heure. Cela passe bien mieux que le reproche ou, pire, la posture silencieuse et visiblement agacée. Plus facile à entendre pour l'autre, le ressenti est, de plus, indiscutable !" Pour rappel sémantique, le "je" exprime ce qui se passe en vous. "Pour mettre en valeur l'équipe, utilisez le "vous", et pour inclure le "nous". Bannissez le "on", diffus et peu clair", précise Géraldine Lemoine, sociologue, consultante et formatrice en communication collaborative. Evidemment, l'écoute est aussi indispensable que la parole : "Prendre le temps de s'exprimer de façon non violente se double d'un nécessaire effort d'écoute active", affirme l'experte. Basée sur la reformulation, celle-ci permet de vous assurer que vous avez bien compris ce qui vous est dit. L'essentiel est d'arriver à un consensus !

Donnez un objectif clair à votre équipe

Pour manager en mode résilience, ne cédez pas à la dictature de la perfection. Au contraire, "communiquez clairement sur les objectifs, les enjeux, les priorités mais surtout partagez ce que vous savez et ce que vous ignorez", rappelle Laurence Saunder. A la Caisse des dépôts, la direction table ainsi depuis un an sur le codéveloppement. "Nous avons mis en place une communauté rassemblant nos mille managers. Nous les avons réunis sur plusieurs sessions autour d'un projet stratégique de gouvernance en écoutant leurs propositions sur ce qu'il fallait arrêter ou poursuivre. Ce collectif existe également via une communauté en ligne sur le réseau social de l'entreprise. C'est devenu un lieu d'informations, de ressources, d'échanges et de partages de contenus", explique Sabine Parnigi-Delefosse, responsable Innovation sociale et qualité de vie au travail de la direction des ressources humaines qui anime ce réseau.

Un collectif sur lequel elle a pu compter pendant le confinement et dans les semaines qui ont suivi. "Cette période nous a fait sortir du cadre administratif et nous a forcé à déconcentrer la prise de décisions. Des managers ont ainsi proposé des process administratifs simplifiés pour gérer des documents officiels que nous avons depuis généralisés."

Développez votre empathie

Souvent mise en avant comme une condition de résilience, l'empathie n'est pas la prérogative des soignants. Aussi, pour mettre en place des indicateurs permettant aux employeurs de déceler cette qualité chez les candidats, Hogan Assessments a mené une enquête auprès de plus de 10.000 agents de santé. "Ceux-ci obtiennent de bons résultats sur des échelles de personnalité comme la sensibilité interpersonnelle, l'altruisme et l'adaptation", assure Ryne Sherman, responsable data de l'entreprise. Pour autant, le souci des autres peut-il s'acquérir ? Oui, répond sans hésiter le consultant, qui conseille deux attitudes : "La première consiste à imaginer le point de vue de votre interlocuteur. Interrogez-vous sur ce qu'il sait, appréciez ses compétences et son champ d'intervention et intéressez-vous à ce qu'il peut ressentir." La seconde attitude consiste à se mettre réellement dans la position de l'autre. Un "vis ma vie" loin d'être anecdotique et assez courant dans les entreprises anglo-saxonnes. Chez DHL, l'ex-patron Michel Akavi n'hésitait pas à effectuer des tournées de livraison avec ses chauffeurs. Quoi de mieux pour comprendre leurs contraintes de terrain?

Ménagez-vous des espaces de récupération

Un manager resilient-friendly sait enfin se mettre en pause. L'objectif est de "tenir le coup" sur la durée. "Or, l'hyperactivité nuit à l'efficacité", assure Anne-Charlotte Vuccino, dirigeante de la start-up Yogist. Ex-responsable stratégie d'un cabinet de conseil, elle a découvert les bienfaits du yoga thérapeutique à la suite d'un grave accident de la route. Diplômée d'HEC, elle utilise aujourd'hui sa maîtrise des codes de l'entreprise pour convaincre patrons et patronnes de soulager leur posture. Loin de la méditation et des approches de pleine conscience, très en vogue dans les entreprises, la jeune femme propose des quick wins concrets aux managers. "J'ai adapté une soixantaine de courts exercices physiques qui se font sur une chaise, sans nécessité de se changer, pour soulager les tensions et les douleurs." Positions, étirements, rotations de la tête, dynamique oculaire, renforcement du cou, des poignets…Les mouvements sont accessibles, intenses et surtout reproductibles à l'envi à différents moments de la journée. Des pauses corporelles, auxquelles on peut aussi ajouter des moments de détente personnalisés.

Pour Anne Digard, ce sont les quatre kilomètres qui séparent son domicile de son bureau qu'elle fait souvent à pied "pour se vider la tête et s'apaiser". Quant à Laurent, il planifie au quotidien sur son agenda "des plages horaires privées" durant lesquelles il n'est pas censé être dérangé. "Ce sont des temps que j'utilise pour méditer, lire et parfois dormir quelques minutes.»"