Vous n'aimez plus votre travail ? Six conseils pour que ça change

Et si la question, derrière l'âge du départ à la retraite, était celle-là : les Français détestent-ils leur travail ? Stress, réunions interminables, notifications incessantes : nos journées, notre vie, peuvent-elles se résumer à cela ? Les clés pour renouer au quotidien avec un travail qui ait du sens, et rende plus heureux.

Peut-on vraiment aimer son travail ? À l’époque du burn-out, de la quête de sens et des jeunes diplômés effrayés par un CDI, cela n’a rien d’évident. La souffrance au travail s’impose dans le débat public et les salariés malheureux, quand ils ne sont pas carrément en danger, semblent de plus en plus visibles. Une étude de l’institut Gallup révèle que seulement 6% des employés français s’impliquent dans leur métier, soit moitié moins que la moyenne mondiale. «Le travail nous grille le cerveau», affirme Bruce Daisley. Ce Britannique, jusqu’à récemment vice-président de Twitter en charge de l’Europe, est l’auteur de Comment (re)tomber amoureux de son travail (1). «Le travail moderne est de plus en plus bureaucratique, encombré de communications électroniques et de réunions», déplore-t-il. Les salariés du XXIe siècle ont le sentiment de dépenser leur énergie dans des échanges inutiles avec leur hiérarchie. Résultat : ils n'ont plus assez de temps pour faire ce qu'ils ont à faire, et cela devient de plus en plus pénible. Le plaisir et la conviction de faire un métier qui a du sens s'érodent, au profit de la frustration et de la fatigue. «Si aujourd’hui, la vie en général nous semble plus anxiogène, c’est parce que le travail, qui constitue l’essentiel de cette vie, est lui-même plus stressant.» On ne s'en rend même plus compte : «Au bureau, le stress est devenu un état normal», souligne Bruce Daisley.

Et ce, sous l'effet conjugué de deux phénomènes, d'après lui : l’avènement de l’intelligence artificielle et l’hyperconnectivité. Depuis qu'ils reçoivent leurs mails sur leur portable, les salariés modernes sont priés d'être joignables en permanence... donc potentiellement stressés du matin au soir. «En même temps qu’elle nous épuise, la connectivité nous rend malheureux», résume Bruce Daisley. D’où l’importance de se reposer et de faire baisser la pression individuelle en misant sur l'intelligence collective et le travail de groupe, qui évite que chacun se sente responsable de tout, tout seul. «Je me suis tourné vers la psychologie et les neurosciences pour comprendre comment on réfléchit, comment on se motive, quand est-ce qu'on se sent inspiré ou épuisé, explique l'auteur, qui a aussi créé en 2017 le podcast Eat Sleep Work Repeat, numéro 1 des écoutes au Royaume-Uni. Beaucoup de données scientifiques nous éclairent sur les façons de trouver plus de satisfaction dans notre travail.»

Savoir s'isoler... pour mieux travailler ensemble

La priorité est d'apprendre à se protéger, à se ménager des respirations. Seule, dans l'idéal. Entre nos voisins d'open-space, nos emails et les notifications de nos téléphones, nous passons nos journées à être interrompus. À chaque interruption, il nous faut un certain temps pour retrouver notre niveau de concentration. Résultat : on commence plusieurs tâches, mais on peine à en finir une seule. «Les interruptions et distractions permanentes nous donnent le sentiment d'abattre moins de travail. Tout cela a un impact significatif sur l'appréhension que nous avons de notre valeur personnelle», explique Bruce Daisley. Au contraire, s'octroyer des moments de solitude permet d'avancer, d'éliminer les tâches une à une et évite donc d'accumuler le stress. Certaines entreprises mettent en place des créneaux de deep work, pendant lesquels les interactions sont limitées. Pourquoi ne pas s'isoler dans une pièce fermée ou négocier une ou deux demi-journées de télétravail par semaine ? Si c'est impossible, vous coiffer d'un casque de musique anti-bruit et dire gentiment - mais fermement - à vos collègues que vous avez besoin de vous concentrer peut déjà être d'un grand secours.

Écourter les réunions

Mal organisée, sans ordre du jour et avec trop de participants : voilà les ingrédients d'une réunion inefficace. Un bon moyen de faire perdre du temps à tout le monde et de saper le moral des collaborateurs, assis pendant plus d'une heure mais ne prenant la parole que cinq minutes. Au-delà de 45 minutes sans interruption, on n'est plus capable de se concentrer et on se fatigue à essayer. En sortant d'une réunion de deux heures, on n'est donc plus bon à grand-chose... «Raccourcir le temps de réunion permet d'avoir des discussions mieux ciblées et un sentiment d'implication», assure Bruce Daisley. Si chaque participant sait précisément pourquoi il est là, il est mis en valeur au sein de l'équipe et économise son énergie.

Marcher

L'idéal est aussi, quand c'est possible, de marcher. Pour aller au travail, rentrer chez soi ou revenir d'un rendez-vous. D'en profiter pour méditer, ce que proposent de nouvelles applications comme Headspace, qui lance « Marcher en ville », une série d’exercices de pleine conscience à pratiquer durant ses déplacements pour lutter contre l’anxiété. Autre option : organiser ses réunions à l'extérieur, en marchant. C'est le principe des walking meetings. En plus de limiter le nombre de participants elles adoucissent les rapports hiérarchiques et libèrent la créativité en stimulant les idées divergentes, celles qui donnent des idées neuves. Un format parfaitement adapté aux échanges créatifs ou aux bilans de compétences, par exemple. Sans compter que, quand on marche, on n'a pas son téléphone dans les mains : on évite donc le mode multitâches, si tentant quand on est confortablement assis autour d'une table.

Débrancher

Travailler à flux tendu du matin au soir est mauvais, martèle Bruce Daisley. Mais il n’est pas toujours facile de s’en empêcher. «Les exigences que notre travail fait peser sur nous sont si intenses, si déraisonnables, qu’on se sent submergé», déplore-t-il. D’où des astuces pour optimiser son temps, comme déjeuner devant son bureau tout en tapant un mail. À grands renforts d'études scientifiques, l'auteur rappelle qu'on est de toute façon moins efficace l'après-midi, et encore plus si on ne s'accorde pas de vraie pause. Résultat : on travaille moins bien et moins vite... et on s'en veut. «J'ai le sentiment que c'est en se protégeant de notre travail qu'on peut l'apprécier à nouveau», assure Bruce Daisley. À trop tirer sur la corde, on prive notre cerveau et notre corps du temps dont ils ont besoin pour se régénérer, rappelle Bruce Daisley. Et on enclenche le même cercle vicieux : on travaille trop, on se fatigue, on travaille mal, on met les bouchées doubles pour compenser...

«La première étape, et l'une des plus importantes, est d'éteindre les notifications de son téléphone, assure Bruce Daisley. Sans cela, on jette constamment un œil à nos messages, par réflexe. Mais un écran qui s'allume pour nous alerter sur des détails liés au travail a un impact mesurable sur notre niveau de cortisol». Cette hormone, qui envoie à notre cerveau un pic d'énergie pour faire face au stress, a des effets néfastes lorsqu'elle est sécrétée en trop grande quantité. En clair, lire ses mails le soir signifie dépenser son énergie pour penser au travail, passer en revue la journée écoulée et anticiper celle à venir. La meilleure façon de se fatiguer, mais aussi de saper sa créativité. Mettre son portable en veilleuse en rentrant à la maison est un premier pas pour éviter d'être submergée. «À l'avenir, le travail de l'Homme nécessitera plus que jamais de se concentrer sur l'inventivité, souligne Bruce Daisley. Mais, en s'y préparant, nous avons créé un mode de travail plus bureaucratique que jamais. Et il y de solides preuves que les gens qui vérifient leurs emails pendant 2 heures en dehors du bureau ont parmi les plus hauts niveau de stress. À l'inverse, des restrictions simples semblent nous rendre plus heureux.»

Faire baisser la pression

Évacuer la pression en arrêtant d'être sur le qui-vive : on peut aussi adopter cette posture en chassant son «contremaître intérieur», explique Bruce Daisley. «Le contremaître veut que l'on pointe à l'heure, que l'on travaille à son bureau au lieu de discuter de la dernière série», précise-t-il. C'est lui qui nous pousse à nous auto-surveiller, à nous demander si notre chef a remarqué nos deux pauses cigarette en à peine deux heures ou notre déjeuner un peu plus long que d'habitude. L'ancien vice-président de Twitter vante la méthode Results-Only Work Environnement (ROWE). «Elle consiste à définir des objectifs clairs à court terme pour les équipes, puis à les laisser travailler absolument comme elles l'entendent, en toute autonomie.» Un mode d'organisation impossible dans de nombreux métiers, et pour beaucoup de managers, mais qui a le mérite d'ouvrir la réflexion vers une plus grande flexibilité. Avec, en arrière-plan, un climat de confiance, toujours synonyme d'efficacité.

Fluidifier le travail en équipe

«Nous sommes obsédés par l'auto-protection», poursuit Bruce Daisley. Hocher la tête d'un air entendu en écoutant son collègue parler d'un dossier inconnu, anticiper les failles que pourrait pointer notre chef sur telle ou telle initiative... En plus d'être source de stress, ces réflexes nuisent à la qualité du travail collectif, et au bonheur, tout simplement. «Nous avons les preuves scientifiques que lorsque nous pouvons exprimer nos pensées honnêtement, sans peur des critiques, nous sommes davantage capables de faire notre travail correctement», assure l'ancien vice-président de Twitter.

Pour l'auteur, l'enjeu est de souder les équipes et de créer du «buzz», un sentiment d'engagement favorable à l'intelligence collective. D'où l'importance du rôle du manager. Reconnaître ses erreurs face à ses équipes, encourager les salariés de différents services à déjeuner ensemble ou encore déplacer les bureaux pour éviter d'isoler une équipe, tout compte. L'objectif est toujours le même : favoriser les échanges spontanés pour que les salariés confrontent et améliorent leurs idées. «L'innovation est un phénomène de groupe, assure Bruce Daisley, citant le chercheur au MIT Alex Pentland. Dans les bureaux, ce sont les petites interactions qui permettent de transformer les pensées brutes en grands concepts.» De la même manière, changer de petites habitudes pourrait bien transformer vos journées.