Mme Amy Fall, Médecin et leader dans l`industrie pharmaceutique se bat pour l`Afrique
Mme Fall Amy Ndao est directrice médicale et réglementaire pour Sanofi Afrique de l’Ouest, elle est aussi la Présidente de l’Association des femmes médecins: dans son domaine elle se bat discrètement pour la santé des sénégalais et des africains.
Pouvez-vous vous présenter à nos lectrices en nous résumant votre cursus scolaire et professionnel?
Mon parcours scolaire explique mon engagement pour les femmes. Après un rapide passage en classe de 6ième au lycée JFK j’ai été formée dans une école de filles, la maison d’éducation Mariama BA de Gorée. L’objectif de cette école est de former de futures femmes leaders. J’ai donc eu la chance d’avoir été formatée dans le culte de l’excellence et surtout en gardant tous mes atouts féminins. En effet dans mon école on nous inculquait le savoir-faire mais aussi le savoir être en nous apprenant tout ce qu’une bonne maitresse de maison devait savoir, les règles de bien séance et aussi une instruction religieuse. Puis j’ai rejoint la faculté de Médecine de l’UCAD ou j’ai pu obtenir un Doctorat d’état en Médecine.
Quelles difficultés majeures avez-vous rencontrées quand on sait qu’il y a beaucoup de déperdition dans le cursus scolaire des femmes qui veulent pousser jusqu’aux études supérieures?
J’avoue que n’ai pas eu de difficultés majeures dans la mesure où je suis issue d’une famille d’intellectuels ou il n’y avait pas d’autre choix que d’étudier. Mes parents n’ont jamais fait de différence entre l’éducation des garçons et des filles. Nous étions tous au même pied d’égalité et tout le monde devait réussir ses études. A la limite mon père poussait même les filles un peu plus, peut être pour nous protéger car je me rappelle qu’il nous disait que « le fait d’être autonome vous aidera à rester dans vos ménages car si vos époux ne vous prennent pas en charge vous ne serez pas frustrées car vous pourrez le faire vous-mêmes ». Aujourd’hui nous nous sommes rendus compte qu’il avait parfaitement raison, quand je pense aux parents qui ne veulent pas que leurs filles aillent à l’école ou aux maris qui ne veulent pas que leurs épouses travaillent.
Concernant ma vie professionnelle je me suis retrouvée dans l’industrie pharmaceutique par un concours de circonstances. J’étais médecin aux maladies infectieuses à une période difficile où le service, pour raison de travaux, était passé d’une capacité de 120 lits à 20 lits ce qui entrainait une pression monstre au niveau de la consultation externe où j’étais. Je recevais des pathologies graves (tétanos néonatale, neuro palu, staphylococcie maligne de la face, méningite, SIDA) des malades démunis qui n’arrivaient pas à payer leur ordonnance, un hôpital avec presque pas de moyens, un système de santé très difficile, loin de ce qu’il aurait dû être. Sur conseil du chef de service, mon mentor le Pr Awa Marie COLL SECK (actuelle ministre de la santé) qui me voyait passer mon temps à faire des quêtes pour nourrir mes malades, ou faire le tour des laboratoires pour trouver leur traitement, j’ai accepté la proposition de Rhône Poulenc. En effet ce n’étais pas dans ma nature de subir le système. J’ai ainsi rejoins l’industrie pharmaceutique où j’ai fait carrière. J’ai rapidement gravi les échelons en sachant m’adapter et mettre du contenu à tous les postes que j’ai occupés dans différents départements de l’entreprise. En 2008 j’ai rejoint le comité de direction, et, après avoir occupé le poste de directeur Business développement pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale pendant 4 ans, je suis depuis 2013 Directrice médicale et réglementaire pour Sanofi Afrique de l’Ouest.
Un cursus impressionnant en effet. Mais aviez-vous les mains libres dans ces multinationales ? Qu’avez-vous pu faire pour votre pays dans le cadre de votre travail?
Grâce au poste que j’occupe à Sanofi j’ai pu tout d’abord permettre à mon entreprise de comprendre et d’intégrer les besoins de l’Afrique dans sa stratégie pour ainsi adapter son offre. L’industrie pharmaceutique est un acteur à part entière de la santé et a pour rôle de proposer grâce à la recherche et développement des solutions thérapeutiques innovantes, avec un profil de sécurité et de qualité élevé pour la prise en charge des pathologies. Mais en plus de cela l’industrie pharmaceutique investit beaucoup dans la formation continue des professionnels de la santé en partenariat avec les sociétés savantes et la mise en place de programmes de santé en partenariat avec les autorités de santé. L’entreprise dans laquelle je travaille a été l’une des premières à comprendre que seul le médicament ne suffit pas, il faut s’investir dans l’éducation des populations et la formation des professionnels de la santé. Au Sénégal dans le cadre du partenariat public-privé Sanofi est partenaire du ministère de la santé à travers plusieurs programmes visant à améliorer la prise en charge des maladies transmissibles comme le paludisme et aussi les maladies non transmissibles comme le diabète. Sanofi accompagne aussi des associations comme la ligue Sénégalaise contre l’épilepsie et aussi des sociétés savantes et groupe d’experts pour la mise en place de recommandations médicales facilitant la prise en charge des pathologies.  Grâce à mon travail je suis à une position de décideur ou j’ai pu impulser et mettre en place des actions permettant le développement de la santé pas seulement au Sénégal mais aussi en Afrique de l’Ouest et Afrique Centrale.
L’association des femmes médecins est très active dans le conseil et la prise en charge des endémies et pathologies qui touchent particulièrement les femmes. Vous avez récemment été reçues en audience par le chef de l’état, que vous a-t-il promis et comment appréhendez-vous les futurs challenges ?
L’Association des Femmes Médecins (AFEMS) est une association nationale apolitique, laïque regroupant toutes les femmes médecins résidents au Sénégal. Elle a comme ambition de promouvoir et d’encourager les activités tendant à résoudre les problèmes de santé et particulièrement des couches sociales les plus vulnérables à savoir les femmes et les enfants permettant ainsi de lutter contre les inégalités en santé. L’AFEMS a aussi comme objectif de promouvoir le leadership féminin et de lutter contre les violences faites aux femmes en partenariat avec les autres associations féminines. L’AFEMS est constituée de femmes engagées qui ont décidé de sortir des hôpitaux et de leurs bureaux pour battre le macadam et se lancer dans la prévention.
Sensibilisation, éducation des populations et plaidoyer sont notre crédo. Nous comptons ainsi participer pleinement au développement sanitaire, social et économique de notre pays. C’est dans ce cadre que nous avons été reçues par le Président de la République à qui nous avons demandé de nous aider à mieux l’aider. Nous faisons du bénévolat et comme toute association les moyens manquent. Nous l’avons sollicité pour la construction d’un centre d’accueil et d’orientation pour les femmes malades démunies ou en détresse, centre de dépistage et de sensibilisation qui abritera aussi notre siège. Nous avons aussi discuté avec lui des problèmes de la santé dans notre pays en général et de celui de la mère et de l’enfant plus spécifiquement. Nous n’avons pas manqué de souligner les problèmes que notre corporation rencontre à savoir problèmes de ressources humaines, condition de travail et autres. Nous lui avons aussi proposé de jouer un rôle de conseil pour lui dans le domaine de la santé ce qui permettrait de le rencontrer une ou 2 fois l’année et de débattre sans détours de sujets concernant la santé des populations.  Les futurs challenges sont nombreux il reste encore beaucoup à faire dans le domaine de la santé même si d’énormes efforts ont été faits et qu’il existe une volonté politique avérée. Notre feuille de route restera le PNDS (Plan de Développement Sanitaire du Sénégal) 2009-2018 et l’atteinte des ODD (Objectifs de Développement Durable) d’ici à 2030.
Vous êtes devenue une femme leader dans votre domaine et à la tête de votre association, quels conseils pourrez-vous donner à nos lectrices du Sénégal et d’Afrique pour réussir ?
Ce que je dis à toutes les femmes c’est que nous avons un potentiel énorme et il faut savoir être à son écoute pour le laisser éclore. Nous femmes Africaines nous ne pouvons pas nous permettre de dormir sur nos lauriers. L’avenir nous appartient. L’Afrique sera ce que nous aurons décidé d’en faire. Les femmes leaders doivent œuvrer pour les femmes qui n’ont pas la chance d’être dans leur situation et être la voix des sans voix. Le secret de la réussite c’est le travail bien fait, en toute intégrité, dans le respect de l’éthique, et avec tout de même un brin de passion.
Source: debbosenegal.com
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