Rachel Gogoua :" Lorsque le Président dit qu`il est pour le genre, c`est faux"
Elle est la présidente du Groupe des Organisations Féminines pour l'égalité Hommes-Femmes (GOFEHF). Lorsqu'il s'agit des questions d'égalité de genre, entre homme femme, Mme Rachel Gogoua ne peut rester indifférente. Avec son groupement de femmes, elles mènent un combat "farouche" pour que les droits de la femme soient aussi reconnu et que la place qui lui revient de droit lui soit attribué. Non par complaisance mais par mérite. Rencontrée par AFriquefemme.com, Mme Rachel Gogoua livre ses objectifs et celui du GOFEHF.
Quel bilan faites-vous de vos activités à travers le GOFEHF (Groupe des Organisations Féminines pour l'égalité Hommes-Femmes)
Le GOFEHF existe officiellement depuis janvier 2015. Mais avant cette date, cette faîtière qui regroupe 17 réseaux ONG de femmes a mené une série d'activité importante. Parmi ces activités on peut noter les plaidoyers qui ont été faits pour que la loi qui modifie la CEI, on puisse prendre en compte les questions de genre. Nous avons manifesté le jour du vote à l'Assemblée Nationale, malheureusement cette loi n'a pas été intégrée. Cela ne nous a pas découragées et nous avons continué de faire des plaidoyers. C'est ce qui a permis que sur les 17 membres de la CEI, 4 soient des femmes. C'est quand même une victoire parce que ce n'était pas sûr qu'il y ait une femme.
4 femmes seulement sur 17 membres. Satisfaisant pour vous?
Non, c'était au début. Lorsque cela a été fait, nous n'existions même pas. Et nous pensons que n'est déjà pas mal. Car notre combat c'était d'intégrer dans la loi la question d'égalité pour que les choix qui allaient être faits, soient faits sur la base de l'égalité entre homme et femme. On n'a pas réussi cela. Cependant, on a fait des plaidoyers auprès des autorités qui devaient nommer des représentants à la CEI pour qu'ils puissent choisir des femmes. Et sur ces autorités là 4 ont choisi des femmes, dont une de la société civile. C'est une victoire. Si nous comparons à la CEI d'avant qui comprenait plus de trente membres il n'y a fait pas autant de femmes comme ça.
Vous parlez constamment d'égalité du genre. Quelle est votre définition de ce thème?
Nous disons que l'être Humain avec grand H est composé d'homme et de femme. C'est-à-dire le masculin et le féminin. Ce n'est pas le sexe entant que tel. Mais le masculin et le féminin. Et dans ce masculin féminin, c'est l'homme et la femme. Ce sont des êtres humains à part entière qui ont les mêmes droits. nous ne parlons pas de similitude ni de ressemblance, mais nous parlons d'égalité en droit et dans les faits. en tant que être humain si la fille doit aller à l'école, le garçon aussi. C'est de cette égalité dont nous parlons. Lorsqu'il y a des personnes qui choisissent de scolariser les garçons et non les filles, c'est inégal.
En terme de droit à l'éducation c'est pour et les filles et pour les garçons. Les droits à la santé, c'est et pour les filles et pour les garçons. Le droit à une alimentation saine et équilibrée c'est et pour les hommes et pour les femmes. etc...
Ça, c'est d'une manière générale, mais parlons de spécificité...
J'allais en venir. Dans la domaine de l'emploi et de la fonction, si un garçon et une fille ont été à l'école, ont eu les mêmes diplômes, ont les mêmes expertises, si on nomme une femme, on doit nommer un homme et vice-versa. Mais on ne peut comprendre que dans un pays, où nous ne sommes plus au temps d'Houphouët, où il y avait plus d'hommes que de femmes intellectuels, où on pouvait dire qu'on cherche des femmes compétentes et qu'on ne sait où les trouver. Aujourd'hui les femmes compétentes et diplômées sont là. Si on les veut elles sont là. Donc s'il y a 10 postes de conseils d'administration, on peut nommer 5 femmes et 5 hommes. Pourquoi il y a plus de présidents du conseil d'administration homme et il y a à peine une femme? Pourquoi il y a plusieurs directeurs généraux et il n'y a que 2 ou 3 femmes? Pourquoi?
Certainement une question de motivation
Ce n'est pas une question de motivation. Les gens qui sont nommées, on n'a pas fait un appel à candidature de motivation pour les nommer. Non. C'est des gens qui décident. " envoie moi ton CV, je te nomme..."
Est-ce par affinité que cela se fait?
Cela se fait selon moi, d'abord par appartenance politique, régionale, ethnique et par parenté. Nous disons non. Par exemple, quand vous prenez ce gouvernement actuel, qui est composé de 43 membres, d'aucuns disent que c'est 36. Oui, mais et les 7 personnes qui sont nommées au cabinet du Président de la République qui ont rang de Ministre? Et c'est au cabinet du President qu'il y a plus de ministre d'état. Ils ont plus d'avantage que les ministres. Et ils sont 7. Si on les ajoutent aux 36, ça fait 43 ministres. Sur les 43, il y a 9 femmes, ça fait 20.9%. Mais c'est en dessous de 30%, le minimum souhaité par la communauté internationale. Nous sommes en deçà et ça nous fait mal.
Est ce qu'il ne faut pas changer votre stratégie?
Nous continuons de travailler sur notre stratégie. En ce moment, nous sommes en préparation d'un atelier parce que nous, nous avons fait le tour du monde; c'est-a-dire la revue documentaire, sur les bonnes pratiques dans le monde par rapport aux pays qui ont pris et qui sont en avance sur les autres pays du monde. Le pays en tête dans le monde, c'est le Rwanda, qui a fait des reformes très profondes. En plus des reformes très profondes, il y a aussi la volonté politique affichée. Quand on a fait le recensement général des populations, on a vu qu'il y a autant d'homme que de femme. Si nous sommes a égalité il faut qu'on tienne compte des femmes. Si on disait qu'on a 40% de femme et 60% d'homme, on peut comprendre mais c'est fifty fifty. Même si c’est 49 % pour les femmes et 51% pour les hommes. Là encore ça s'explique par le phénomène de migration parce qu’il y a des périodes où les gens du Niger ou du Burkina et autres, laissent leurs épouses pour venir travailler ici en tant que saisonniers. Si c'est pendant cette période qu'on fait le recensement, il y aura plus d'hommes que de femmes. C'est pour cela que le taux de masculinité est élevé. Voilà l'explication. Sinon il y a plus de femmes que d'hommes en Côte d'Ivoire.
Les postes ministériels dont vous parlez, pensez vous que les femmes que vous "défendez" ont la capacité de pourvoir à ces postes?
Moi je vais vous dire, lorsque je travaillais dans une société nationale de pétrole de la place, il y avait des femmes ingénieuses dans cette structure. Ces femmes sont là. Peut-être qu'il n'y en a pas autant qu'on aurait voulu. C'est pour cela qu'il y a un travail qui devait être fait l'année dernière, nous sommes entrain de nous y atteler pour envoyer notre requête pour avoir un financement c'est-à-dire faire une étude sur la représentativité des femmes dans tous les secteurs de la vie active tant à la fonction publique, dans le secteur para-public que dans le secteur privé. Ce qui va nous faire une photographie qui va nous permettre de savoir le nombre de femmes formées. C'est vrai qu'il y a le compendium, un répertoire de compétence féminine qui existe. Nous ce n'est pas un compendium. Nous faisons plutôt des statistiques pour voir les secteurs ou il y a moins de femmes. En ce moment, nous allons demander au gouvernement de prendre des mesures pour offrir des bourses à des femmes qui ont un BAC scientifique pour se former dans le domaine recommandé. Et ensuite les femmes qui sont nommées dans différents domaines pour voir. C'est une photographie de la situation des femmes qui va nous permettre d'élaborer nos plaidoyers et de faire des propositions qui tiennent compte de la réalité des choses. Cependant, les femmes formées, ça existe.
Quand le président de la république a nommé des hommes, rien que des hommes, concernant les gens qui ont rang de ministre à son cabinet, il y a une question que nous nous sommes posée : "est-ce que les femmes ne sont pas capables d'occuper les postes auxquels il a nommé des hommes à son cabinet?"
Avez-vous déjà fait des propositions de nomination au President de la république?
Notre rôle, ce n'est pas de proposer des nominations. Lorsque le président dit qu'il est pour le genre, c'est faux.
Que comptez-vous faire?
Nous voulons mener plusieurs activités tout azimut. L'année dernière nous avons organisé un atelier avec les chefs traditionnels et les religieux pour qu'à leur niveau ils fassent des plaidoyers à notre faveur. Et je pense qu'ils ont apprécié cet atelier-là. Ils disent que c'est une grande première en Côte d'Ivoire.
Nous sommes entrain de préparer un atelier parce que le président veut réviser la constitution. Et nous voulons le faire avec lui. Donc au lieu d'attendre que la révision passe sous nos yeux, nous allons faire notre proposition de révision que nous allons envoyer et demander au Président de nous intégrer dans la commission. S’il fait comme au Rwanda, si la constitution est égalitaire, l'essentiel est dedans et si cette constitution est votée tout le monde est obligé de l'appliquer.
L'autre élément, on avait travaillé avec la ministre Anne-Désirée Ouloto, le ministère avait mis en place un comité bi-partite qui travaillait sur les questions de l'accélération de l'égalité entre homme et femme en Côte d'Ivoire. Dans ce cadre, nous leur avons proposé un projet de loi et on a travaillé ensemble, on a fait l'argumentaire, l'exposé de motif et le corps de la loi. Elle devait présenter cela en conseil de gouvernement, ça n'a jamais été présenté. Nous sommes actuellement entrain d'approcher la nouvelle ministre qui vient de faire son entrée pour qu'elle reprenne cette loi et la présenter.
Si on réussit à faire voter cette loi, ce sera déjà un pas de gagner. Et je sais que cette loi verra le jour avant les élections municipales, législatives et régionales. Si telles est le cas, cela voudra dire qu'il y aura beaucoup de femmes députés, maires etc…
Je voudrais terminer en disant que les hommes pensent que nous voulons prendre leur place, non. Nous ne prenons la place de personne, chacun a sa place. Dans un pays ou il y a des hommes et des femmes, les hommes ont leur place et les femmes, la leur.
Nous sommes dans le domaine de droit, égalité en droit, égalité dans les faits, nous ne voulons pas ressembler aux hommes, nous ne voulons pas que les hommes nous ressemblent. Il n'y a pas de similitude entre deux hommes à plus forte raison entre un homme et une femme.
Yolande Jakin
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