Saray Khumalo : le cran, c’est ne rien lâcher

Saray Khumalo est la première femme noire africaine à avoir escaladé l’Everest. Son objectif n’a jamais été d’atteindre le sommet mais plutôt de transformer la vie des enfants d’Afrique du Sud.

On est aussi loin de la civilisation qu’il est possible de l’être en Afrique du Sud, au fin fond des montagnes sinistres et ruisselantes du Drakensberg et pourtant, Saray Khumalo est toujours à pied d’œuvre. Quand son téléphone portable capte un signal, elle l’utilise. Quand il pleut à verse, elle ouvre son parapluie et passe à travers les flaques d’eau. Le soir, je l’entends travailler dans sa tente. Khumalo, 49 ans, est une ancienne cadre du monde de la finance et de l’assurance, et vit à Johannesburg. Elle est également la première femme noire d’Afrique à avoir atteint le sommet de l’Everest.

Khumalo a gravi l’Everest par la voie traditionnelle de l’arête sud-est en 2019, après trois tentatives difficiles et échouées en 2014, 2015 et 2017. Étant donné que l’Afrique est un continent comptant 54 pays et 1,4 milliard de personnes, il est sidérant qu’il ait fallu autant de temps pour qu’une Africaine réalise cette ascension. Mais il est logique que Khumalo soit justement celle qui l’ait fait : sa détermination est aussi discrète qu’indéfectible. Bien qu’elle soit brillante, élégante, cosmopolite et un exemple de réussite, une fois en montagne, elle souffre comme tout bon alpiniste.

Saray Khumalo sait aussi se débrouiller dans une salle de réunion et connaît la valeur des relations publiques. Elle sait mieux que quiconque comment tirer parti de son succès en montagne pour atteindre un objectif plus large. Après tout, elle n’est pas là pour la gloire mais plutôt pour offrir des bibliothèques et des possibilités aux enfants noirs pauvres d’Afrique du Sud. Elle grimpe pour eux. Nos débuts dans le Drakensberg sont plutôt modestes. Au cours des cinq derniers mois, Saray (prononcez « Sarah », en roulant le « r ») a organisé des randonnées le week-end, dans l’espoir de préparer une équipe de débutants à un trek dans le Drakensberg. Tous les participants sont des Sud-Africains noirs ou des Indiens qui ont réussi – consultants en informatique, cadres d’entreprise, PDG. Ils ont un bon équipement et la possibilité de prendre une semaine de vacances. Les listes de colisage et les conseils ont été envoyés par courriel des semaines à l’avance. Le voyage est dirigé par Khumalo et Sibusiso Vilane, 51 ans, le premier Noir africain à avoir escaladé l’Everest et les autres montagnes des Sept sommets (les plus hautes de chacun des sept continents) : l’Aconcagua, le Denali, le Kilimandjaro, l’Elbrouz, le mont Vinson et le Puncak Jaya (aussi appelé la pyramide Carstensz). Un jeune guide local nommé Lungela et deux porteurs complètent l’équipe.

Le premier jour est un désastre. Notre objectif était de marcher jusqu’au bord de l’escarpement du Drakensberg, mais en fin d’après-midi, nous sommes loin du compte. Nous sommes pris au piège dans un ravin étroit et escarpé sous une pluie froide qui tombe latéralement et il fait de plus en plus noir. Nous aurions dû nous arrêter il y a des heures, mais il est maintenant trop tard.

Khumalo et moi décidons de partir immédiatement à la recherche d’un emplacement pour le campement, mais il n’y en a pas – les flancs de la montagne sont trop abrupts. Vilane répète que le sommet de l’escarpement n’est pas loin. « C’est juste là », crie-t-il en montrant une entaille dans la ligne d’horizon brumeuse. Mais c’est trop loin pour ces novices. J’apprendrai plus tard que nous sommes arrivés à la mauvaise saison dans le Drakensberg (les « montagnes du dragon » en afrikaans), la chaîne de montagnes la plus élevée d’Afrique du Sud, avec une muraille de montagnes de plus de 1 000 km de long semblables à des châteaux et avec des gorges profondes. Nous sommes en novembre, au début de l’été, à la période où il pleut sans discontinuer. Et quand on grimpe au-dessus de 3 000 m, le plus souvent, cela signifie de la neige.

À la tombée de la nuit, nous sommes dangereusement coincés dans le ravin abrupt. En regardant vers le bas, nos lampes frontales, semblables à des étoiles à peine visibles, révèlent que certains membres de notre équipe sont encore en train de trébucher sur les éboulis glissants, tandis que d’autres se sont simplement arrêtés comme des bêtes de somme épuisées, écrasés par le poids de leurs lourds sacs à dos. Lire la suite de l’article sur redbull.com