Mode africaine : ces femmes leaders qui veulent propulser les créateurs du continent sur la scène internationale
Dans un monde de plus en plus conscient du pouvoir de la diversité et alors que les industries créatives récoltent les fruits de la révolution digitale, pourquoi le potentiel créatif africain n'est-il pas exploité à grande échelle ? Et surtout, comment les grands acteurs du secteur financier contribuent-ils à la croissance des industries créatives du continent et de sa diaspora ?
Dirigée par une équipe de femmes depuis le mois d'avril, Birimian est la première société d'investissement opérationnelle dédiée à l'accompagnement financier, stratégique et opérationnel de marques de luxe et haut de gamme d'héritage africain.
Laureen Kouassi-Olsson
Professionnelle reconnue de l'industrie du capital investissement en Afrique et passionnée par le développement du continent, elle considère que si le talent créatif africain n'est plus à démontrer aujourd'hui, il est malheureusement en grande partie inconnu de la scène internationale.
"L'exception créative africaine que je traduis par une excellence créative reposant sur la tradition et l'héritage doit se faire connaitre au monde", dit-elle.
Laureen Kouassi-Olsson est une Franco-Ivoirienne qui a évolué dans le monde de la finance toute sa vie et vit aujourd'hui à Abidjan, en Côte d'Ivoire.
Elle a décidé d'adjoindre ses compétences et son expertise avec sa passion pour la mode et le luxe afin de créer Birimian, "une société d'investissement dédiée a l'accélération des marques et des entrepreneurs créatifs d'héritage africain, luxe et premium".
"Nous devons montrer notre créativité dans les particularités de nos 54 pays africains au monde", ajoute la chef d'entreprise".
Une passerelle entre les créateurs et la scène créative internationale
Laureen se définit comme "une femme afropolitaine" qui souhaite créer une passerelle entre "la jeune Afrique et la scène créative internationale européenne qui a besoin de se réinventer".
"J'ai évolué entre Abidjan, Paris, Londres, Dakar, Lagos, Nairobi… donc je parle le langage de mes marques, de mon continent et celui de l'univers dans lequel je veux faire briller mes marques".
C'est en s'intéressant aux parcours de créateurs tels que le styliste burkinabè Pathé'O ou le styliste nigérian Alphadi que Laureen a commencé à s'interroger sur les freins et les leviers à la croissance des marques provenant du continent.
"Certains d'entre eux [créateurs] ont raté la révolution digitale parce qu'ils n'ont pas eu les moyens de s'adapter à cette évolution. Alphadi - surnommé le Magicien du Désert - que je qualifierasi aussi de marque héritage, l'un des créateurs les plus talentueux du continent qui a habillé les plus grandes stars et Pathé'O - qui faisait des chemises pour Nelson Mandela, ou d'autres designers africains qui ont entre 25 et 30 années d'activités - n'ont aucune présence digitale et visibilité à l'international".
La vocation de Birimian est de "transformer les créateurs en entrepreneurs créatifs, en entreprises pérennes qui génèrent une valeur ajoutée à long terme pour le continent africain".
Pour Laureen, il est donc nécessaire d'accompagner ces marques pour leur permettre de se renforcer, se développer et briller à l'international.
Et la transformation digitale est un enjeu de taille.
Pour cela, Birimian s'appuie sur trois acteurs stratégiques : des investisseurs prêts à soutenir ces marques sur le long terme, des entrepreneurs créatifs et les acteurs clés de l'industrie créative internationale.
"Ensemble, en communauté, nous pouvons construire", remarque Laureen.
Birimian a déjà regroupé dans son portefeuille quatre marques évoluant dans les secteurs de la mode et accessoires en Côte d'Ivoire avec Loza Maléombho et Simone et Élise ; au Bénin et en Belgique avec Yeba et au Ghana avec Christie Brown.
A court terme, la société ambitionne d'accompagner d'ici la fin de l'année une dizaine de marques dans ses programmes de formation, de financement et d'accélération de compétences afin de créer des opportunités de distribution et de visibilité.
Les financements débloqués par Birimian, dépendant du niveau de développement de la société, pourront atteindre 3 millions de $ pour des marques en phase de croissance.
"Nous aurons réussi le jour où au Bon Marché, aux Galeries Lafayette, chez Harvey Nichols, nous aurons plusieurs créateurs accompagnés qui seront distribués avec leur identité, leur univers créatif, mais qui sera transcendé".
Et les discussions avec des salons et des acheteurs, précise la fondatrice, sont déjà en cours pour placer certaines marques dans des grands magasins.
L'enjeu ultime pour les marques africaines sera alors, dit-elle, de conserver leur identité, d'être fier de leur héritage et de transcender leur africanité pour raconter autre chose que le simple fait d'être une marque africaine.
'Œuvrer au leadership féminin'
L'atout majeur de Birimian, selon sa fondatrice, c'est son équipe qui regroupe "un panel de femmes extraordinaires dans leur domaines respectifs".
"Je mets la lumière sur mes semblables dans plusieurs domaines d'activités parce que pour moi c'est important d'œuvrer au leadership féminin, constate Laureen.
"L'idée est que nous brillons toutes à travers Birimian, l'équipe et les marques".
Son équipe dirigeante est composée de Michelle Kathryn Essomé, ancienne PDG de l'Association Africaine du Capital Investissement et du Capital Risque (AVCA) - Directrice Financière et Chef des Relations Investisseurs ; Céline Gainsburg-Rey, spécialisée dans l'accompagnement des marques de luxe - Directrice Stratégie & Marketing ; et Olufunke Faweya, spécialisée dans la stratégie et la direction des opérations marketing - Directrice des Opérations Marques.
Comment ces quatre femmes, vivant dans quatre pays différents, dans un contexte sanitaire des plus contraignants, s'organisent-elles et parviennent-elles à créer la cohésion d'équipe nécessaire pour soutenir la vision de Birimian ?
Michelle Kathryn Essomé
Américaine d'origine, Michelle Kathryn Essomé a dirigé certaines des plus grandes institutions financières au niveau international.
En 20 ans de carrière, elle a travaillé aux États-Unis, en France et au Royaume-Uni où elle réside aujourd'hui.
Enfant, elle a vécu à Niger et a voyagé dans de nombreux pays africains avec sa mère, qui a toujours entretenu un lien "très fort, riche et positif" avec le continent.
"Je me souviens d'une carte postale que mon père m'avait envoyée de Tanzanie où il avait écrit : 'Le Kilimandjaro est la plus haute montagne du monde'. Bien entendu, il voulait dire d'Afrique, mais cela pour dire que l'Afrique a toujours été une terre d'inspiration", se souvient Michelle, maman d'un petit garçon de 6 ans.
Ayant repris les rênes de l'African Private Equity and Venture Capital Association (AVCA) en 2011, l'Afrique est devenue une terre d'adoption pour celle qui avait toujours rêvé d'y travailler et d'y développer des activités pérennes.
En prenant la direction de la compagnie, l'objectif de Michelle était de faire avancer l'entreprise de sa position "quelque peu défunte", ajoutant "qu'après cinq PDG successifs, l'entreprise était en perte de vitesse".
Depuis 2011, AVCA est devenue une organisation d'envergure mondiale.
C'est un partenaire d'investissement Africain "hautement recommandé" qui explore les tendances et les développements qui façonnent le paysage de l'investissement en Afrique.
"Montrer au monde ce que l'Afrique peut produire"
Aujourd'hui, Michelle s'engage avec Birimian dans une nouvelle aventure.
"Je suis vraiment fière que nous soyons une équipe dirigée par des femmes et que nos investissements en phase pilote soient également avec des entreprises dirigées par des femmes. Je pense qu'il y a des compétences générales que les femmes apportent, non pas que je pense qu'elles ne peuvent être développées par les hommes. Mais quand je regarde l'équipe, j'ai été vraiment attirée par leurs compétences et leurs expériences internationales et enthousiasmée par ce que nous pourrions faire ensemble".
Michelle a désormais pour ambition d'accélérer l'éclosion des créateurs africains à l'international en engageant ses compétences au service des industries créatives africaines.
"Le continent est une source de talent et de beauté, mais souvent incomprise. Avec Birimian, je veux participer au développement de la création de valeur et du renforcement des capacités, tout en montrant au monde ce que l'Afrique peut produire".
Forte de son expérience, Michelle apparait comme un atout majeur pour présenter l'Afrique comme un marché d'investissement attrayant "comme tout autre marché émergeant au même titre que la Chine ou l'Asie du sud-est". Lire la suite sur bbc.comhttps://www.bbc.com/afrique/region-57330969
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