Linda-Carole GRAH: “la femme Africaine, plus puissante que la vapeur, l’électricité et l’énergie atomique”

Notre encyclopédie africaine léguée par nos ancêtres met souvent la femme au second plan. En effet, La femme ne naît pas soumise mais la femme africaine par son éducation devient soumise. Dans l’Afrique subsaharienne, précisément dans l’est de la Cote d’Ivoire d’où je viens, là où la famille reste un lieu d’inculcation de valeurs, les filles en général sont éduquées à ne pas soutenir le regard d’une personne âgée surtout un homme peu importe la situation, par signe de respect ce qui révèle déjà les signes de soumission.

Aussi, nous sommes éduquées par nos mères pour qui la vertu, l’entrepreneuriat, le travail, le respect, la propreté, et l’organisation sont des mots qui doivent être le leitmotiv d’une jeune fille africaine. Etant dans un système matriarcal, la femme, grâce à son insertion dominante dans l’entité familiale, garde toujours cette éducation sexiste mais autonome. Un contraste qui en dépit des tentatives de confinement dans des secteurs sociaux peu porteurs, leur a permis avec une ingéniosité extraordinaire, de transformer les «handicaps» en atouts. Nous remarquons que depuis le 21ème siècle, la femme moderne cadre s’organise autrement afin d’inculquer à ses enfants cette éducation qu’elle a reçu dans son enfance en y ajoutant sa touche personnelle et sa nouvelle vision de l’éducation.

En effet, aujourd’hui , de moins en moins de femmes africaines ont cet esprit de soumission cependant, elles ont gardé l’esprit de travail, la vertu, le respect et l’organisation. Mais en plus, elles se donnent plus de valeur par leur travail et leurs prises de positions et choix qu’elles assument pleinement devant des situations bien précises face aux hommes. Elles s’affirment de plus en plus, réussissent à développer un esprit plus compétitif, combatif et apprennent à mieux se connaitre et se respecter. Pour parler de moi comme exemple, dans l’éducation de mes enfants fille comme garçon, je mets un accent sur le respect de l’homme avec un grand H, la patience, la persévérance et la foi en Dieu. A mes enfants et non à ma fille seule, je leur ai simplement expliqué qu’il est bon de ne pas soutenir le regard d’une grande personne quand elle fait des reproches car cela reste pour moi un signe de respect. J’essaye de leur donner assez d’explications possibles face à certains événements qu’ils vivent afin d’éviter mes erreurs causées par le manque d’informations. J’instaure la discussion contrairement à mon éducation reçue mais je n’oublie pas de leur parler de notre culture et de l’importance de celle-ci dans certaines prises de décisions quotidiennes. La femme Africaine est dotée d’une force motrice plus puissante que la vapeur, l’électricité et l’énergie atomique qui n’est autre que sa volonté. C’est cette volonté qui lui donne la force d’inculquer dès le bas âge l’entrepreneuriat à sa fille et lui permet de gérer souvent les maigres finance de la famille.

En effet la femme africaine, très jeune lettrée ou non, apprend la gestion du portefeuille de la famille, de son fonds de commerce, de sa tontine qu’elle fait pour subvenir aux besoins tant scolaires que nutritionnels de ses enfants ou parents. Il a longtemps été démontré dans le monde de la finance que la capacité à manier les chiffres, le calcul, la rapidité d’exécution, la compétitivité, l’agressivité, l’ego, une grande confiance en soi paraissait être les compétences pré requises pour percer dans ce domaine. Elles sont socialement construites comme masculines mais aujourd’hui la femme est rentrée dans ce cercle fermé pour démontrer que ces idées sont réductrices. Nous avons plusieurs recherches académiques basées notamment sur la psychologie cognitive, publiées dans des revues comme le Quarterly Journal of Economics de Harvard qui ont prouvé que les femmes prennent moins de risques financiers. Elles sont connues pour leur gestion prudente, rigoureuse, et leur vision à long terme. Elles apportent ainsi de la stabilité. Je citerais des propos de Christine Lagarde, exemple féminin de la finance, qui nous dit que «la féminisation de la finance n’est pas une option, c’est une nécessité».

En effet, dans les banques, la féminisation des instances dirigeantes s’accompagne, d’ailleurs très souvent, d’une diminution des risques financiers. Il y a trop peu de femmes qui occupent des postes de responsabilité dans le monde économique et financier. La femme aujourd’hui a su démontrer que mettre de la passion dans tout ce qu’elle fait met en lumière une certaine efficacité et une assurance en elle.

Dans ma carrière, j’ai eu la chance d’être inspirée par une grande dame nommée Kadidiatou FADIKA- COULIBALY, ancienne présidente de l’association des SGI du Marché de l’UEMOA. Cette association comporte 29 SGI dont 4 gérées par les femmes. Durant ces 5 ans de gouvernance, elle a marqué sa présence par des actions précises et concrètes. Elle est également depuis plus de dix ans Administrateur Directeur Générale la SGI HUDSON & CIE, leader du marché boursier de l’UEMOA, qui en est dans ses 25 années d’existence. Cette dame m’inspire chaque jour car elle a réussi pour moi à relever le défi de la femme africaine, mère, épouse, entrepreneuse, dirigeante de société, discrète, humble et surtout épanouie. Je garde en tête une de ces déclarations «Je n’ai pas un secret mais un principe. Je refuse l’idée selon laquelle en tant que femme, je ne pourrais réussir qu’une chose à la fois. Nous pouvons tout avoir, la carrière, la famille, et l’épanouissement en recherchant toujours l’équilibre des éléments nécessaires à une vie épanouie » Tel est pour ma part, ma vision de la femme africaine. Pour arriver à ce stade, j’accepte mes échecs et je reste toujours dans la peau de celle qui ne cesse jamais d’apprendre, me permettant ainsi de grandir progressivement mais surement.

En tant que cadre d’entreprise, nous avons toujours plus d’objectifs à atteindre et lorsque tu es dans un monde d’hommes avec un parcours atypique, tu te différencies par le respect de ta parole et de tes engagements vis-à-vis de tes clients et de tes confrères. Dans le récent classement des 100 personnalités les plus influentes dans le monde de la finance africaine effectué par finacialafrik, nous n’avons vu que 8% de femmes, ce qui reconfirme l’étude du Fmi en septembre 2018 qui dit que de façon choquante, les femmes représentaient moins de 2% des directeurs généraux des institutions financières et moins de 20% des membres du conseil d’administration. Ces données renforcent les arguments en faveur de la réduction des disparités entre les sexes dans les postes de direction en finance. Je vais terminer mes propos en disant qu’il n’y a pas de secret pour gérer le double statut de femme africaine et cadre en finance, il faut juste savoir doser les différentes personnalités en chacune de nous, à savoir : la femme passionnée remplie de volonté et la femme ambitieuse, la femme africaine moderne et la mère puis l’épouse.