Mme Fatoumata Boukounta Sangaré, artiste peintre : ``Le patchwork, cette technique, je l’ai créée pour valoriser nos produits locaux africains``

Boukounta Armand est un pseudonyme qu’il faudra désormais retenir dans l’univers de la peinture en Afrique en général, en Côte d’Ivoire et au Mali en particulier. Fatoumata Boukounta Sangaré, artiste peintre ivoiro-malienne, est forte d’une expérience de 29 ans dans le domaine de l’art, de la décoration, la conception et la réalisation. Évoluant dans l’art plastique, Boukounta Armand est spécialisée dans le patchwork. Arrivée du Mali pour prendre une part active à Yelenba-Market, elle a accordé un entretien à Afriquefemme.com.

C’est quoi le patchwork?

Le patchwork est une technique qui consiste à assembler à la main plusieurs morceaux de tissus de tailles, de formes et de couleurs différentes. Ces assemblages de tissus sont collés ou cousus à la main les uns aux autres sur fond de peinture. C’est cela le patchwork.

Que voulez-vous exprimer à travers cette technique d’art?

Cette technique, qui est mon identité artistique, je l’ai créée pour valoriser nos produits locaux africains, spécifiquement nos tissus tissés artisanalement. Je citerai le coton ivoirien, le coton malien et de l’Afrique de l’ouest en généralité. Un élément essentiel qui a orienté ma création, c’est-à-dire cette technique, c’est bien la promotion de ces tissus pour ne pas que le tissu africain reste dans l’oubli.

Qu’est-ce qui vous a emmenée particulièrement vers la peinture?

Je puis vous dire que à la base l’art est dans la famille. J’ai une soeur peintre, deux autres qui sont écrivains. Voyez-vous, c’est donc à juste titre que j’ai affirmé que l’art est dans la famille.

A entendre votre pseudo, Boukounta Armand, on penserait à un homme. Alors pourquoi avoir choisi un prénom qui fait masculin?

Moi je suis Bokounta et Armand c’est le prénom de mon père. Donc j’ai décidé de choisir son prénom.

En vous ‘’cachant’’ derrière ce prénom masculin, pensez-vous que cela peut vous mettre en valeur?

Oui, bien entendu. Et c’est d’abord parce que mon père était un homme bien connu. Ensuite il était un grand diplomate malien. Enfin, lorsque je dis Armand, ça sonne bien à l’oreille. Voilà, pour toutes ces raisons que j’ai choisi ce prénom Armand. Par dessus tout, il s’agit pour moi de lui rendre hommage pour tout ce qu’il a fait pour nous.

Vous êtes née en Tanzanie. Vous êtes ivoiro-malienne et vous avez grandi aux USA. Comment mettez-vous à profit toutes ces cultures dans la réalisation de vos oeuvres?

Je souhaite déjà précisé que j’ai passé plus de temps en Côte d’Ivoire que dans les autres pays. J’y ai plus grandi. Et comme on le sait, ici en Côte d’Ivoire on travaille beaucoup. J’ai donc saisi la perche et j’en ai vraiment profité. À côté de cela, j’ai pris plaisir à profiter de la culture malienne à travers les produits locaux, les tissus du nord, les masques dogons et les accessoires de Mopti. Une culture assez riche qui m’aide énormément.

Comment faites vous pour vous procurer les anciennes oeuvres d’art que vous utilisez pour la réalisation de toiles?

Lorsque vous prenez l’engagement de vous investir dans un domaine qui vous passionne, vous vous donnez à fond et trouvez les moyens adéquats pour faire face à vos besoins. J’ai ainsi pris attache auprès des collectionneurs venus du nord pour avoir ces oeuvres d’art.

Nous savons que vous avez une galerie au Mali. Que trouve-t-on dans cet espace?

Comme je l’ai dit tantôt, ma collaboration avec les collectionneurs est d’un apport capital. Ce qui fait que dans ma galerie d’art, en plus de mes créations, autrement dit mes oeuvres, il y a des anciens objets, des produits textiles comme les nappes de tables, les sacs que nous avons tissés artisanalement. Ce sont des sacs bio 100% coton que vous trouverez dans ma galerie. Cette entrevue est opportunité dont je voudrais aussi profiter pour inviter tout le monde a visiter la Galerie Rama Design située à Bamako précisément à Quinzambougou.

Vous êtes également décoratrice. Alors quel est le lien entre peinture et décoration?

Je m’en vais vous dire, qu’entre la peinture et la décoration, il n’y a qu’un seul pas. Vous conviendrez avec moi que lorsque vous vous offrez par exemple un tableau ou une nappe, l’objectif premier est d’embellir votre espace vital. Ça s'appelle aussi décorer.

Je profite donc de la décoration pour vendre mes oeuvres. Et bien souvent, j’ai des espaces à décorer et j’utilise aussi bien mes tableaux que mes accessoires en textile pour ces occasions.

À 20 ans d’expériences dans le domaine, comment trouvez-vous le travail des jeunes artisans? Pensez-vous qu’ils ont besoin de formation pour se parfaire?

C’est avant tout des félicitations que je leur adresse parce que les choses changent.

Il y a de l’innovation, et je pense que tout ce qu’ils font est bien. Je tiens quand même à lever un coin de voile sur un aspect me concernant. Je n’ai pas été dans une école d’art pour faire la peinture. J’ai appris de moi-même. Je suis autodidacte.

Quelles sont vos relations avec les artistes ivoiriens?

Les artistes peintres ivoiriens, j’en connais peu et c’est d’ailleurs l’une des raisons de ma présence en Côte d’Ivoire. J’aimerais bien en rencontrer.. Je suis ici pour rencontrer des artistes peintres ivoiriens et j’ai eu des rendez-vous avec quelques uns d’entre eux.

Nous sommes dans le mois de mars, un mois consacré à la reconnaissance des droits de la femme. Quels mots pour toutes les femmes?

Je salue toutes les femmes. Aujourd’hui, nous savons que les femmes sont des battantes, elles ont dépassé les hommes. Tout ce que les hommes font, elles le font également.

Pour vous, en quoi doit se résumer l’autonomisation de la femme ?

La femme doit avoir son indépendance et ça permet aussi à la femme d’aider son mari dans le foyer. Il est important pour l’homme de laisser la femme travailler.

Dans l’univers de l’art demeurent la peinture et autres. On y rencontre moins de femmes. Alors quels mots à l’endroit de ces dernières pour s’intéresser davantage à ce métier?

J’encourage beaucoup les femmes parce que ce n’est pas un métier facile. C’est un métier à la fois salissant et de patience aussi. Et vous savez, autant que moi, que les femmes pour la plupart ont horreur de la saleté.

En termes de cout, vos oeuvres sont-elles accessibles à toutes les bourses?

Oui, mes oeuvres sont accessibles. Comme je le dis, je suis à la fois entrain de faire la promotion du textile. Je voudrais que chacun ait une toile chez lui. Donc mes produits sont accessibles. Ce n’est pas du tout cher.

Envisagez-vous implanter une succursale de votre galerie ici en Côte d’Ivoire?

Pourquoi pas… C’est pour cela que je suis entrain de faire des rencontres. D’abord, je vais commencer à travailler avec des galeries ici qui pourront exposer mes produits. On va commencer à faire ça. Et si ça marche, pourquoi pas ouvrir une galerie ici, à Abidjan.

Vous avez participé à Yelenba Market…vos impressions

Je remercie Yelenba, cette ONG qui m’a permis de participer à ‘’yelenba market’’. Il y a eu, si je me trompe pas, 21 femmes qui ont exposé et je les remercie beaucoup. Ca a été une grande opportunité et une grande visibilité pour moi. J’espère qu’il y aura une autre exposition avec yelenba market qui sera plus grande que celle-là.