Francine Muyumba : «Ma génération a une mission, changer le paradigme africain»
Pour désigner Francine Muyumba, ce ne sont pas les titres qui manquent. Avant de passer la main à Félix Tshisekedi, Joseph Kabila l'a élevée au rang d'ambassadeur. Mais la jeune femme de 32 ans est surtout connue pour avoir été pendant deux mandats, la présidente de l'Union panafricaine de la Jeunesse (UPJ), l'organe représentant la jeunesse à l'Union africaine. Élue dans le Haut-Katanga, elle est l'une des trois benjamines du Sénat en RDC. Dans une interview exclusive à La Tribune Afrique, elle revient, non sans prudence, sur son bilan à l'UPJ, ses nouvelles responsabilités de sénatrice, son avenir politique et d'autres questions encore.
Le 25 avril dernier vous avez annoncé votre démission de la présidence de l'Union panafricaine de la jeunesse (UPJ). Au-delà de l'incompatibilité de cette fonction avec celle toute récente de sénatrice, votre démission est-elle une sorte de transition vers une nouvelle carrière à un an de la fin de votre second et dernier mandat à l'UPJ ?
Plutôt qu'une transition, c'est une continuité de mon engagement. J'ai toujours conçu une vie utile comme celle qui fait une différence à son échelle. Il est vrai que, en raison des positions que j'ai eues à occuper depuis une décennie, certains peuvent penser que mon parcours répond à un plan de carrière mais il n'y a rien de moins vrai.
Je pense que ma génération a une mission qui est celle de changer le paradigme africain. Longtemps nous avons pensé que les plus grandes richesses africaines étaient dans son sous-sol, nous avons pensé que le leadership était forcément autocentré et partisan. Notre génération a le devoir de rappeler que les africains sont la plus grande richesse du Continent, qu'il n'y a de progrès que s'il est centré sur l'amélioration des conditions de vie et qu'il n'y a de leadership que s'il est serviteur. C'est la colonne vertébrale de mon engagement qu'il soit à l'échelle continentale, nationale ou locale.
Votre bilan à l'UPJ est globalement applaudi notamment au niveau de la visibilité et plusieurs initiatives panafricaines en faveur de la jeunesse. Quelle lecture en faites-vous ? Y a-t-il eu un mandat plus difficile que l'autre ?
Quand je disais que notre génération doit changer de paradigme, j'aurais pu également parler de la culture du résultat. Il est impératif que nous fassions la promotion de la reddition des comptes. A ce titre je suis très lucide. Vous l'avez dit, le bilan de ma présidence est reconnu comme étant globalement positif. Toutefois, certains moments ont été plus difficiles que d'autres et c'est normal. C'est le cas de l'élection du Comité actuel de l'UPJ qui a fait l'objet de nombreuses incompréhensions. Ce n'est jamais agréable de faire face à des attaques alors qu'on est dans son bon droit. Heureusement, les États membres de l'Union africaine eux ont toujours affirmé la confiance qu'ils avaient en nous en s'opposant à la position de la Commission de l'Union africaine.
Aussi, au lieu d'en faire une affaire personnelle, j'ai décidé de saisir l'occasion pour renforcer l'institution en la dotant d'un cadre statutaire plus précis. Je suis donc ravie de laisser une organisation plus solide et surtout je me réjouis qu'aucun autre Président ne passera par la même épreuve que celle que j'ai due vivre.
On pointe aussi des chantiers inachevés ou non exécutés sous votre présidence. Quelles initiatives auriez-vous aimé conduire à leur terme ?
Assurément, j'aurais aimé mener la grande réforme institutionnelle de l'UPJ à son terme. Nous avons entamé le processus et avons réglé les points les plus sensibles. Avant mon départ nous avons mené à bien la consultation des représentants de la jeunesse de la diaspora et des États africains. Après avoir examiné nos textes légaux et notre fonctionnement, ils ont fourni des propositions importantes pour inscrire l'organisation dans la modernité. A ce jour, nous avons déjà mis en œuvre 50% des reformes, il reste donc l'autre moitié du chemin à accomplir. J'ai toute confiance en la nouvelle équipe pour la réalisation de cette œuvre.
Une fondation en RDC porte votre nom. Avec votre mandat de sénatrice, vous estimez faire plus pour la jeunesse africaine en ayant désormais un mandat plus local?
Je suis très attachée à l'engagement au cœur des communautés. La fondation va mener des programmes dans les secteurs de l'éducation et de la santé à destination des jeunes, prioritairement les filles. Nous voulons faire en sorte qu'un maximum de jeunes filles puissent accomplir leurs rêves, qu'il soit celui de faire une scolarité brillante et devenir une professionnelle accomplie ou bien de lancer un commerce et s'occuper de son foyer.
Nous allons également beaucoup travailler sur le fait de briser les idées reçues. Les jeunes filles doivent avoir des modèles et savoir qu'il n'y a aucun secteur qui leur soit interdit. Au Congo par exemple nous devons inspirer les jeunes filles avec le parcours de femmes comme Mme Thérèse Kirongozi qui excelle dans la robotique, Mme Eliane Munkeni qui brille dans les affaires mais également et bien évidemment notre présidente de l'Assemblée nationale Mme Jeanine Mabunda. Ces parcours doivent devenir la norme et non plus une exception !
Dans l'actualité judiciaire, il y a ces accusations graves de séquestration présumée de militaires. Jusque-là, on n'aura entendu que vos avocats. Que répondez-vous à ces accusations ?
Je préfère ne pas commenter une affaire judiciaire en cours. Je serai ravie de réagir dès que la justice se sera prononcée.
Vous entamez un mandat politique de sénatrice. Francine Muyumba a-t-elle des ambitions à l'avenir sur l'échiquier politique de son pays ?
Mon ambition est tout d'abord celle d'avoir un mandat utile. D'une part, je veux contribuer à la vulgarisation du travail parlementaire, le rendre plus compréhensible et plus participatif pour les citoyens. D'autre part, je souhaite œuvrer pour une diplomatie parlementaire dynamique qui renforce les liens entre les Africains. Je pense qu'avec ça j'ai déjà assez de grain à moudre !
Source : Autre presse
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