Hadja Oumou Kaba: “c`est possible qu`une femme dirige la Guinée”

Activiste engagée et convaincue, Hadja Curtis Oumou Kaba dirige l’ONG Femmes leaders pour la paix et le développement en Guinée. Une structure affiliée à la COFFIG qui œuvre  pour l’émancipation et l’autonomisation de la femme. Sur le terrain Madame Curtis est présente pour rapprocher les protagonistes politiques dans une Guinée secouée régulièrement par des crises.

Cette semaine, votre quotidien en ligne a reçu cette brave dame dans sa rubrique Interview. Sans langue de bois, Hadja Curtis Oumou Kaba explique sa récente participation au mois de mars dernier à la session des Nations-unies sur les conditions de femmes qui s’est tenue à New York. Son engagement en faveur de conciliation des acteurs politiques, l’excision ont été entre autres dans le menu de cet entretien. Lisez.

Parlez-nous de votre participation à la dernière session des Nations-unies sur les conditions de la femme dans le monde.

Je vous remercie beaucoup. Je suis partie en ma qualité de présidente d’ONG qui s’occupe de la paix, le développement et tout ce qui concerne  la femme; était également présente la délégation guinéenne qui était très nombreuse aussi. On a travaillé ensemble. Cette année, c’était la 62ème session des Nations-unies sur les conditions de la femme. Le thème central était accès sur l’autonomisation de la femme rurale, un thème majeur pour toutes les guinéennes.

Parlez-nous des travaux et des recommandations issues de cette session

Il y a eu beaucoup d’échanges entre différents pays dont la Guinée. Ces échanges nous ont beaucoup outillés pour ainsi nous permettre de faire la restitution détaillée à nos sœurs qui n’ont pas eu la chance de participer. Aussi nous qui étions à cette session, nous en chargerons.

Les recommandations que j’ai retenues, c’est d’organiser des échanges d’expérience entre les femmes des pays sud-sud et des pays nord-sud en matière d’accès des femmes en milieu rural et promouvoir l’agriculture intégrée, l’élevage et la pêche; initier et développer un programme d’accès aux terres collectives pour leur utilisation par les femmes; jouer un rôle de facilitateur dans le but de favoriser l’autonomisation de la femme rurale. Voici les quelques recommandations majeures que moi j’ai retenues durant cette session.

Hadja Oumou Curtis-Kaba dans l’enceinte des Nations-unies à New York

Nous avons appris qu’il y aurait aussi la  nomination de la première dame du Niger. Vous pouvez revenir là-dessus?

L’intronisation de la première dame du Niger m’a vraiment fait plaisir car c’est une femme qui se bat beaucoup. Elle est à féliciter. Elle s’est bien battue. Elle a été intronisée comme ambassadrice de bonne volonté de la CEDEAO dans la lutte contre les fistules obstétricale. Elle est à encourager. Les fistules obstétricales, c’est un fléau grave que l’on ne prend pas suffisamment au sérieux en Guinée. C’est une brimade. Ces femmes sont à soutenir pour être réintégrées dans la société. C’était une fierté pour toutes les africaines de voir la consécration de la 1ere Dame du Niger.

Ces dernières années, notre pays a connu régulièrement des vives tensions politiques et sociales. Vous êtes sur le terrain. Comment faites-vous pour concilier les acteurs en conflit?

Notre rôle c’est de sensibiliser les acteurs en leur disant que les violences n’arrangent rien. C’est le dialogue qui peut résoudre tout problème. On a copié la démocratie sur l’occident, mais les occidentaux ne se font pas la guerre. Ils ne se battent pas, ils discutent jusqu’à ce que ça marche. En occident, chacun engage ses idées et ses arguments. Quand on discute on finit toujours par trouver quelque chose de concret, un consensus. Donc, c’est ce qu’on doit essayer de faire. Malheureusement aujourd’hui dans notre pays une grande partie des acteurs politiques se regroupe par ethnie. La démocratie doit pouvoir permettre à deux groupes antagonistes de s’assoir autour d’une même table pour discuter et aboutir à des résultats consensuels ou simplement divergents, cela dans un respect et une considération mutuelle. La démocratie, c’est l’opposition des argumentations des uns et des autres dans la paix ; on se  regroupe, on reste uni autour d’un idéal et une philosophie. Malheureusement aujourd’hui dans notre pays c’est l’ethnocentrisme qui domine et c’est vraiment regrettable. Nous sommes une famille et on doit le rester. Nous les femmes aucun homme politique ne doit pouvoir nous manipuler ou acheter nos consciences. Mettons l’intérêt personnel de côté et voyons ensemble l’avenir de notre pays.

Hadja, depuis des décennies des milliards de dollars sont investis dans la lutte contre l’excision. Selon un rapport de l’UNICEF en 2013, en Guinée, malgré des gros efforts, près de 98% des filles sont excisées. Comment expliquez-vous ce paradoxe?

L’excision en Guinée, on en a beaucoup parlé et on va continuer à parler parce que c’est un phénomène grave et qui continu. Il y a des gens qui confondent la culture et la religion. Avant on disait que l’islam demandait à ce qu’on excise la jeune fille alors que ce n’est écrit nulle part. On essaie de sensibiliser les parents pour arrêter l’excision de la jeune fille parce que ç’a beaucoup de conséquences: la stérilité, et d’autre maladies gynécologiques… Donc, si toutes les femmes sont suffisamment informées alors l’excision diminuera forcement. Aussi nous continuons toujours notre lutte. Une lutte ce n’est pas en une journée qu’on la gagne. On continue la sensibilisation pour expliquer aux femmes pourquoi il ne faut pas exciser les jeunes filles.

Un autre paradoxe, vous les femmes, représentez un peu plus de 52% de la population. Il y a eu des femmes candidates aux présidentielles de 2010 et 2015. Il y a eu Hadja Saran Daraba et Marie Madeleine Dioubaté mais qui n’ont pas eu de scores honorables. On arrive à conclure que les femmes ne votent pas pour les femmes.

C’est une réalité d’une part et d’autre part ça ne l’est pas aussi. Les femmes peuvent voter pour les femmes si elles sont convaincantes. Hadja Saran Daraba est venue me semble-t-il en retard, ça a trouvé que beaucoup d’acteurs politiques étaient engagés ailleurs.  Marie Madeleine ça a été le même cas. Elle est venue en Guinée et personne ne la connaissait vraiment. Son programme de société était basé sur l’environnement si mes souvenirs sont exacts, c’est un sujet peu connu des Guinéens. Si une majorité des femmes ne serait-ce que moyennement formée elle aurait pu adhérer au programme de société des femmes candidates quel qu’elles soient.

Donc, vous pensez que c’est possible qu’une femme arrive à la tête de la Guinée?

Bien sûr. Ça arrivera un jour. Il y a des exemples à travers le monde le Liberia, la Grande Bretagne Argentine etc.… Cela sera de plus en plus possible dès lors qu’on respectera la parité dans le genre.

Un mot pour clore

Je lance un appel à mes sœurs guinéennes. Je suis une femme, je sais que nous avons beaucoup de valeurs. Il est rare de voir un homme en pleine réussite qui n’a pas bénéficié de l’appui prononcé d’une femme: la mère, l’épouse, la sœur, tante etc… Il faut qu’on se prenne au sérieux, qu’on s’organise et avancer en rang serré. Si les hommes peuvent nous les femmes, pouvons aussi.

 

Source : Autre presse