Burkina : Marie Danièle Sebgo, le beurre de karité autrement
Du cosmétique à base de beurre de karité « par elles et pour elles ». C’est l’idée d’entreprise de Marie Danièle Sebgo, promotrice du projet Bio Karil.
Avec un an existence et une production débutée en décembre 2017, l’ingénieure en eau et assainissement qui a rencontré pas mal de difficultés depuis le début, ne cache pas son désespoir face à « ce qui est écœurant » et qui devrait aller de soi : « Les gens ne valorisent pas du tout ce que l’on produit ici » au Burkina Faso. Bio Karil, explique la promotrice Marie Danièle Sebgo, est une start-up née avec l’idée de « promouvoir les produits locaux et aussi le fait-main » pour plus de « valeur ajoutée » par la confection de produits cosmétiques à base essentiellement de beurre de karité. Bio Karil, c’est du « bio fait pour elles et par elles ».
Présenter le beurre de karité sous un autre jour
Le déclic a eu lieu des années auparavant lorsque l’entrepreneuse retournait dans le Centre-Est du pays, une région où « on a beaucoup d’arbres de karité ». Observations faites par Marie Danièle Sebgo qui y allait pour les vacances : « au marché, il y a un contraste qui est là. Le beurre de karité qu’on trouve n’est pas bien présenté. Ça ne donne pas envie. On sait que c’est une denrée qui est vraiment demandée mais à voir la manière dont c’est présenté, ça ne donne pas du tout envie ». De même, poursuit-elle, « on sait que c’est le beurre de karité que l’on enduit le bébé en Afrique ici ». D’où sa décision plus tard de « valoriser et de présenter le beurre sous un autre jour » en créant Bio Karil.
« Valoriser et de présenter le beurre sous un autre jour »
De la redondance que de dire que la jeune femme a dû surmonter des obstacles à l’image de tous ces jeunes qui se lancent dans l’entreprenariat au Burkina Faso. La coordonnatrice de Bio Karil, qui voit que « dans nos sociétés, on a tendance à faire peu confiance aux dames », cache difficilement sa peine. Alors qu’ « elles ont de belles idées » dont la mise en forme peut apporter des réponses à des problèmes communs. « A condition qu’on leur donne la chance de pouvoir s’exprimer », observe Marie Danièle Sebgo.
« Combiné au beurre de karité donne de meilleurs résultats »
Bio Karil évolue dans le secteur de la cosmétique. Mais la start-up n’encourage que l’utilisation du naturel. L’équipe a tracé sa propre ligne rouge à ne pas franchir. Il s’agit de la non-utilisation de composants chimiques qui peuvent être sources d’ennuis de peau. « L’effet de nos produits ne doit pas avoir une conséquence négative sur la peau. J’entends par conséquence négative, ils ne devraient pas créer de dermatoses. Ça doit plutôt rendre plus soignée la peau, la rendre beaucoup plus jolie, plus lisse ». Bref, « ça doit nourrir la peau », résume la coordonnatrice. C’est dire que ceux et celles qui sont passés par la case dépigmentation ne trouveront « pas pour le moment » la solution miracle pour soigner leur peau avec les produits Bio Karil qui « ne fait pas de produit éclaircissant ».
De l’Aloe Verra produite dans la cour pour plus de maîtrise de tous les aspects de la production et de la transformation Bio Karil, c’est aussi et surtout les savons à base de l’huile extraite des graines de neem, qui a un effet bactérien permettant ainsi de traiter « pas mal de petites maladies de peau », les savons balanites, le henné beaucoup utilisé au Mali, au Sénégal, « parce que c’est bronzant » et qui, « combiné au beurre de karité, donne de meilleurs résultats », le savon miel et le savon au citron. L’une des difficultés rencontrées par l’équipe de la start-up, c’est la maitrise de la technique de la production de même que l’obtention et la fidélisation de la clientèle. Elle travaille à développer sa part de marché en essayant de se frayer un chemin sur le marché local (par l’ouverture d’une boutique prévue pour mai) et régional en jouant sur son réseau de contacts en envoyant les produits ailleurs comme au Sénégal et quelques échantillons au Niger voisin. « On a de bons retours, confie la promotrice. Mais c’est vraiment en petite quantité. Là il faut avoir d’autres collaborateurs ».
« Qu’on nous donne les moyens pour nous exprimer »
Certes, « en matière de cosmétiques, il faut être à jour, il faut innover, il faut trouver de nouvelles senteurs ». Ce qui nécessite des échanges dans un domaine où « les gens gardent très jalousement leurs trucs ». A cela s’ajoute, la difficulté à trouver un fournisseur d’emballages sur place. « Ici, on a de vrais problèmes d’emballages, se désole Marie Danièle Sebgo. Hier, j’ai vu des emballages, chez une dame, elle nous dit que ces emballages viennent de France. C’est pour dire que c’est exclu ». Une situation qui contribue à influer sur le prix de revient des produits. Mais à écouter la jeune entrepreneure, l’obstacle majeur se trouve à l’interne sur place au pays : « Ici au Burkina, on gagnerait à s’associer pour faire de belles choses et créer du made in Burkina, une vraie gamme au lieu que la plupart des produits quittent d’autres pays. C’est ce qui est un peu écœurant. Les gens ne valorisent pas du tout ce que l’on produit ici ». 
« Les gens ne valorisent pas du tout ce que l’on produit ici »
Ce n’est pas la seule pique (coup de gueule) lancée par la jeune entrepreneure. Elle s’interroge sur la difficulté pour les jeunes nouvellement diplômés à obtenir un emploi. En effet, Marie Danièle Sebgo n’en demande pas autant à ses collaborateurs, tous aussi jeunes qu’elles. « Ici, défend-t-elle, c’est déjà de faire confiance aux jeunes. On est majoritairement très jeunes. L’idée, c’est vraiment de faire confiance parce que les entreprises recherchent à tout moment des gens qui sont expérimentés. Tant qu’on ne donnera pas la chance aux jeunes, je ne sais pas à quel moment ils pourront se former. Je suis convaincue que nous les jeunes, on a de belles idées, on a des capacités à condition aussi qu’on nous donne les moyens pour nous exprimer». Il n’y a plus qu’à espérer que son cri de cœur amplement partagé par les jeunes qui sortent des universités publiques et privées soit entendu et qu’enfin la courbe soit inversée.
Source: burkina24.com
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