Pour mieux séduire, il faut des rondeurs à tout prix!
Nécessairement, il faut qu’elles soient rondes. Tantôt sur les hanches, tantôt sur la chute des reins, on donne aussi du galbe aux fesses. La femme africaine, celle-là sénégalaise surtout, résiste difficilement à cette obsession. Le désir de séduire, d’envoûter son homme, d’exhiber sa commode et enviable situation dans son ménage et quelquefois pour son estime propre exacerbent cette manie. C’est presque devenu une imperfection de ne pas en avoir. Tout est alors bon pour avoir des rondeurs « aguichantes ». On enserre les hanches, prend des médicaments et applique des crèmes. Immersion dans les sphères où ces produits se vendent comme des petits pains.
Tous les artifices sont bons pour avoir des fesses rondes. A chaque silhouette, ses dessous. Petites fesses ou hanches fines. Le « guide » morphologique est là pour cacher ses petits « défauts ». Des imperfections de dame nature qui disparaissent avec l’aube naissante. Ces formes « disgracieuses », on les refait avec l’aide de gaines. Selon le professeur Cheikh Ibrahima Niang, socio-anthropologue, s’il y a une insistance sur une certaine partie du corps, c’est parce qu’elle est valorisée par la société. En effet, en Afrique, certains hommes privilégient les rondeurs car ce sont des signes de beauté.
« Le regard de l’homme sur les fesses va servir d’indicateurs sur le sexe, l’âge de la femme, sa capacité à donner du plaisir, sa beauté. Si ce sont ces traits que l’on cherche, la femme va les développer car ils deviennent une arme de séduction. Et, cette dernière est en fonction de ce qui est recherché. On va inventer un tas de choses pour mettre en valeur cette partie », explique ce chercheur qui en déduit que les critères de beauté sont souvent des points de cristallisation de ce que la société valorise le plus. « Si on utilise une chose pour séduire, c’est parce que cette chose mobilise toutes les attentions », ajoute-t-il.
Le business des fesses
A la gare de Dakar, une autre « Bamako » (la capitale du Mali) au cœur du centre-ville, le quotidien des vendeurs et des rabatteurs déroule sa pellicule sans discontinuité. Dans ce bouillonnant marché aux importuns accostages, le business des fesses fait recette. Il constitue une rente pour les faiseurs de miracles de toutes sortes qui apostrophent de potentiels clients pour leur demander le motif de leurs visites. Ils promettent de belles fesses, des seins qui aiguisent les appétits sexuels.
Dans cette « officine », bat le pouls d’une gent féminine qui remet en question les lois de la nature. Des fesses, des hanches ou des seins à tout prix. Des crèmes, aux comprimés en passant par les sirops, rien n’est négligé. Dans ce magma de mariées et de célibataires, la métaphore « les petites fesses n’ont rien à envier aux grandes si la porteuse sait bien les rouler » ne tient pas la route. Comme dans tout temple de l’informel, l’inquisiteur n’est pas le bienvenu.
Assis devant sa boutique où les étagères sont bien fournies en savons et crèmes de dépigmentation, autres astuces de femmes, ce Malien feint de ne rien connaître des méthodes ou des produits utilisés par les femmes pour développer leurs derrières. « D’habitude, ce sont les femmes qui les vendent. Demande à Awa, une vendeuse, elle pourra te renseigner », dit ce monsieur sous-estimant la faculté de l’œil de se promener partout. Sur une table installée devant son magasin, des boîtes sur lesquelles figurent des photos de femmes nues avec des fesses bien grosses. « Bobaraba » (grosses fesses en bambara), tel est le nom du produit. Un médicament à trois prises selon docteur « Miracles ».
Les rondeurs, un patrimoine ancestral
A quelques encablures de la rue Vincent, avenue Lamine Guèye, un autre marché malien tout aussi agité et prisé. Dans cette confusion d’individus, d’automobilistes, de pousse-pousse et d’étals, ces produits sont exposés à l’air libre sous les assauts de la poussière et des rayons solaires. Il est rare de trouver un étal sans ces produits. « Bobabara » en sirop ou en crème, « Pomme Ba », « denywell » en crème, entre autres. Des articles qui, selon une vendeuse, sont écoulés comme des petits pains. « Pour la plupart, ce sont de jeunes filles qui les achètent. La clientèle n’est pas seulement constituée de femmes mariées », renseigne-t-elle.
Les femmes sénégalaises perpétuent un héritage, s’identifient à leur patrimoine ancestral. Selon le Professeur Niang, l’histoire des fesses rondes ou des rondeurs est universelle et a changé suivant les époques. « Il y a environ 200.000 ans, l’homme a pris une position debout. En observant la nature, son intelligence s’est développée. Des gènes qu’ils transposent au fœtus ou l’enfant à devenir. En effet, l’accouchement chez les femmes était devenu plus difficile car cette femme debout avait un canal étroit pour sortir la grande tête de sa progéniture. Ce qui fait que l’espèce humaine, en un moment, a failli disparaître car les bébés comme les mamans mouraient lors de la gestation.
Ainsi, elles ont développé leurs fesses pour faciliter l’accouchement. Ce qui faisait que les hommes qui voulaient avoir une lignée, choisissaient les femmes qui avaient des rondeurs ou de grosses fesses. Et à partir de ce moment, la belle femme est celle qui avait de grosses fesses », en a-t-il déduit dans sa thèse d’Etat soutenue en 2012 et intitulée : « L’anthropologie de la sexualité ». D’un ton ironique, il laisse entendre : « Quand on taquine un enfant, de nos jours, on lui dit, c’est son « thioukel » (sa tête) qui a failli emporter ta mère ».
De l’adaptation à la séduction
Par ailleurs, il constate qu’en comparant certaines statues en Europe avec les femmes africaines, on observe quelques traits de ressemblance (comme pour soutenir la thèse de Cheikh Anta Diop sur l’origine noire qui fait des premières populations européennes des Africains). Ainsi, il soutient que les fesses sont tellement associées à l’histoire de l’Afrique que quand ses populations sont sorties de ce continent pour en coloniser d’autres, notamment l’Europe, il y a 200.000 ans, elles sont parties avec ses traits. « D’ailleurs, c’était des signes de reconnaissance », renseigne-t-il. D’où est née, selon lui, la pratique de certaines femmes européennes qui mettaient des robes ou jupes bouffantes pour simuler leurs rondeurs. « Cet être, qui avait pris naissance dans le Rift vallée du Nil et qui était parti coloniser une partie de l’Europe, va être coincé par la glace. Cette boîte crânienne qui s’était développée également pour se défendre contre certaines maladies tropicales comme le paludisme, va se rétrécir. Le risque de mourir en couche diminue. Donc, ces femmes ne voyaient plus la nécessité de développer leurs fesses », conclut le chercheur. Une thèse qui explique la forme plate des Européennes qui mettent plus l’accent sur les seins. Des explications qui ont évolué dans le temps et dans l’espace pour épouser des contours économiques et sociologiques.
Mais, la constance, pour lui, est la survie de la mère et du bébé à l’accouchement. « La position verticale va correspondre avec l’idée que l’enfant va tomber. Toute la pression est exercée sur les fesses. Les groupes humains vont se dire que les fesses jouent un rôle pour la survie de l’enfant et la femme. Quand une femme accouche, on dit "mouthie na" (elle a survécu). Ce n’est pas gratuit ». En effet, illustre M. Niang, dès que vous avez une fille, vous commencez à la préparer.
« La manière dont on pratique le massage au garçon est différente de celle faite à la fille. Pour cette dernière, on insiste sur les fesses. On fabrique cette partie du corps depuis sa naissance car sa survie en dépendra. C’est toute l’obsession des rondeurs », souligne-t-il. Ici, le corps se fabrique. Par ailleurs, dans nos sociétés, une femme mariée doit être d’une corpulence forte, signe d’opulence et de bien-être dans son ménage. C’est cette tranquillité d’esprit et ce confort qui se projettent sur son corps.
Source : lesoleil.sn
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