Malgré les vaccins, la rougeole gagne du terrain dans le monde

En forte baisse depuis 2000, le nombre de victimes de la rougeole remonte depuis 2017. Après la nouvelle alerte de l'OMS, le point sur le retour d'un défi sanitaire.
La mise en garde paraît venir d'une époque révolue. Et pourtant, c'est bien ce jeudi que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) alerte sur une flambée de cas de rougeole en Europe et annonce rayer quatre pays de la liste des nations jugées sûres, dont le Royaume-Uni.

Pourquoi cette maladie extrêmement contagieuse, qui peut être neutralisée par la vaccination préventive, peut-elle revenir en force en cette fin de décennie ? Entre méfiance vaccinale et difficulté d'accès aux soins, L'Express fait le point sur un défi de santé publique.

Les symptômes d'une redoutable tueuse d'enfants

La rougeole est une maladie virale extrêmement contagieuse, touchant majoritairement des gens non ou mal vaccinés. Elle se caractérise par l'éruption de taches rouges sur la peau. Avant l'arrivée des vaccins dans les années 1970, elle était considérée comme une redoutable tueuse d'enfants (7 à 8 millions de morts estimés par an dans le monde).

Elle est causée par un virus qui se transmet très facilement par contact direct ou à travers l'air. Cette maladie virale, qui touche surtout les enfants mais pas seulement, est plus contagieuse qu'Ebola ou la grippe. Après une phase d'incubation, la maladie se caractérise par une forte fièvre, le nez qui coule, de la toux, des yeux larmoyants... Dans un deuxième temps, apparaissent les taches rouges. La maladie est contagieuse quatre jours avant et après cette éruption.

Souvent bénigne, la rougeole peut entraîner des complications graves, respiratoires (infections pulmonaires) et neurologiques (encéphalites), en particulier chez les personnes fragiles. Il n'existe pas de traitement antiviral spécifique et la prise en charge du malade s'attache à soigner les complications.

Les autorités sanitaires mondiales insistent sur l'importance du vaccin, au niveau individuel mais aussi collectif : une couverture vaccinale élevée (95% de la population) protège les personnes qui ne peuvent elles-mêmes être vaccinées, notamment car leur système immunitaire est affaibli (leucémie, traitement antirejet après une greffe...).

Le nombre de morts remonte depuis 2017

Dans le monde, le nombre des décès dus à la rougeole avait fortement diminué depuis le début des années 2000 jusqu'en 2016, grâce aux campagnes de vaccinations : le bilan OMS pour 2016 faisait état de 90 000 morts, contre 550 000 en 2000. Mais il est remonté à 110 000 morts en 2017.

Selon le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef), 98 pays ont signalé un plus grand nombre de cas en 2018 qu'en 2017. 10, dont l'Ukraine, le Brésil et la France, étaient responsables des trois quarts de l'augmentation totale.

Au premier semestre 2019, l'OMS fait état de 89 994 cas de rougeole dans 48 pays européens, plus du double par rapport à la même période de l'an dernier (44 175) et d'ores et déjà davantage que pour toute l'année 2018 (84 462). En se fondant sur des chiffres de 2018, l'OMS a déclassé Royaume-Uni, Grèce, République tchèque et Albanie, où la maladie n'est plus jugée "éliminée".

Dans le monde, plus de 360 000 cas ont été déclarés depuis janvier, soit les chiffres "les plus élevés" depuis 2006 et presque trois fois plus que pour la même période l'an dernier, toujours selon l'OMS. La République démocratique du Congo (RDC), Madagascar et l'Ukraine sont les pays les plus touchés.

La faute à la défiance envers les vaccins, mais pas seulement

Dans les pays riches, cette augmentation est largement attribuée à une défiance envers les vaccins en général et le ROR (rougeole/oreillons/rubéole) en particulier. Selon une enquête mondiale publiée en juin, la France arrive en tête de ce scepticisme, avec une personne interrogée sur trois qui ne croit pas que les vaccins soient sûrs. Dans cette attitude de méfiance, la patrie du pionnier de la vaccination Louis Pasteur est suivie par le Gabon, le Togo, la Russie et la Suisse.

Beaucoup d'"anti-vax" s'appuient sur une publication de 1998 liant le vaccin ROR et l'autisme. Pourtant, il a été établi que son auteur, le Britannique Andrew Wakefield, avait falsifié ses résultats, et plusieurs études ont montré depuis que le vaccin n'augmentait pas le risque d'autisme

La défiance peut aussi avoir des motifs religieux, notamment dans certaines communautés juives et protestantes conservatrices. Aux Etats-Unis, l'Etat de New York, confronté à une résurgence de la rougeole dans des zones à forte population juive orthodoxe, a voté en juin la suppression des exemptions religieuses que les parents pouvaient invoquer jusqu'ici pour contourner les obligations de vaccination dans les écoles.

Au niveau mondial, "la principale raison" de l'insuffisance de la vaccination des enfants reste la défaillance des systèmes de santé dans les pays pauvres, qui fait que ceux "qui en ont le plus besoin (n'y) ont pas accès", souligne l'OMS.