Au Maroc, une femme condamnée à deux ans de prison ferme pour adultère
Hind Achabi et son mari, considéré comme son amant par la justice marocaine, ont deux filles âgées de 18 mois et de 8 mois.
C’est une affaire qui fait scandale au Maroc. Celle d’un couple marié, parent de deux petites filles, accusé d’adultère et de falsification de documents et condamné pour cela.
En cause ?
Le divorce de la femme, que son ex-mari ne reconnaît pas. En novembre, Hind Achabi, 38 ans, a été condamnée à trois ans de prison ferme en première instance par le tribunal de Rabat. La peine a été ramenée à deux ans le 21 mars. La Marocaine était entrée en prison dix jours seulement après la naissance de leur deuxième fille, en août 2016. Elle est incarcérée à la prison de Salé, ville voisine de la capitale du royaume, Rabat. Son mari, Mohsine Karim-Bennani, a été acquitté du premier chef d’inculpation, l’adultère, mais a écopé de sept mois de prison pour faux et usage de faux, puis a été libéré le jour du rendu du jugement en appel.
Les faits
Femme d’affaires et propriétaire de la compagnie aérienne marocaine Dalia Air, Hind Achabi avait épousé en mars 2013 Sadiq Marafi, l’ambassadeur du Koweït en poste à Vienne, en Autriche, selon le rite chiite. En août 2014, elle lance une procédure de divorce par procuration. Quatre mois plus tard, le divorce est accepté par le mari, qui renvoie les papiers par coursier à New York, où ils avaient une résidence secondaire, relate son avocat, Mohamed Faziou. Hind Achabi aurait conservé les documents originaux dans le coffre-fort de sa résidence new-yorkaise. En janvier 2015, Hind Achabi épouse en seconde noce l’homme d’affaires marocain Mohsine Karim-Bennani, très connu dans les milieux d’affaires casablancais. En septembre 2015, le couple donne naissance à une petite fille puis, en juillet 2016, à un deuxième enfant.
Une plainte, plus d’un an et demi après
C’est en juin 2016, soit dix-neuf mois après que la jeune femme a refait sa vie, que l’engrenage infernal s’est enclenché. Quand le diplomate koweitien porte plainte à l’encontre de son ex-femme pour adultère. L’ambassadeur réfute la prononciation du divorce et met en question la filiation des enfants en ordonnant des tests de paternité. L’avocat de la Marocaine nie toute ambiguïté sur ce point : si l’ambassadeur et elle restaient en contact, c’était uniquement dans le cadre d’une relation de travail puisqu’ils partageaient plusieurs affaires depuis quinze ans. Mais, selon l’article 491 du code pénal marocain, «est puni d’emprisonnement d’un à deux ans toute personne mariée convaincue d’adultère. La poursuite n’est exercée que sur plainte du conjoint offensé».
Quand la principale accusée a souhaité se rendre à New York pour récupérer les papiers attestant du bien-fondé de son divorce avec l’ambassadeur, elle s’est vue interdire toute sortie du territoire marocain… à cause de cette plainte. Toujours selon son avocat, ses proches n’ont même pas pu s’y rendre à sa place, l’ambassadeur ayant pris soin d’empêcher tout accès à leur ancien domicile conjugal. Lui rendant impossible d'accéder aux documents du divorce.
En plus des soupçons d’adultère, des accusations de faux et d’usage de faux
Le couple marocain incriminé n’est pas parvenu à convaincre le tribunal de première instance de Rabat de la légalité de leur mariage, pourtant soumis à un acte légal musulman. Peut-être, se demande l’avocat, parce qu’il s’est déroulé au Mali. Pourtant, le tribunal a reconnu la légitimité de la première union célébrée au Koweït selon les codes chiites alors que les oulémas marocains le renient, le Maroc étant un pays musulman sunnite. Le mariage n’a pas été acté au Mali par hasard.
Mohsine Karim-Bennani avait déjà une femme : il s’agissait donc d’un mariage polygame, certes autorisé au royaume, mais rendu plus long en raison de la nouvelle Moudawana (le code régissant le droit de la famille, promulgué par le roi Mohammed VI en 2004).
Contrairement à d’autres pays musulmans, comme le Mali, où le processus est rapide. Si Mohsine Karim-Bennani n’est pas accusé d’adultère, c’est parce que sa première femme n’a pas porté plainte. Mais elle était forcément au courant de cette nouvelle union puisque, selon la Moudawana, un homme ne peut se remarier qu’avec le consentement écrit de sa première épouse. Ce document existe, insiste l’avocat. Il prouverait donc le remariage.
Mohamed Faziou ajoute que l’acte de naissance des deux petites filles, privées de la présence de leur mère, est parfaitement légal et certifie la filiation de leurs enfants avec leur père, Mohsine Karim-Bennani. L’affaire sera jugée en cassation.
(1) Ce que dit le code pénal marocain
Article 490 : Sont punies de l’emprisonnement d’un mois à un an toutes personnes de sexe différent qui, n’étant pas unies par les liens du mariage, ont entre elles des relations sexuelles.
Article 491 : Est puni de l’emprisonnement d’un à deux ans toute personne mariée convaincue d’adultère. La poursuite n’est exercée que sur plainte du conjoint offensé. Toutefois, lorsque l’un des époux est éloigné du territoire du royaume, l’autre époux qui, de notoriété publique, entretient des relations adultères, peut être poursuivi d’office à la diligence du ministère public.
Source: iberation.fr
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