Burkina Faso : Le mystère des filles aux têtes rasées
Elles sont de plus en plus nombreuses, les filles qui font peu de cas des mèches, tissages et autres artifices propres à la gent féminine dans la ville de Gaoua (Burkina Faso) . Choix délibéré ou contrainte quelconque pour ces filles qui se distinguent des autres par leur tête ? Bien malin qui pourra le dire. Ce ne sont pas les questions pourtant qui ont manqué à ce sujet, lorsque nous avons constaté le phénomène dans cette région au Sud Ouest connue pour ses collines dont le romantisme attire de nombreux touristes étrangers en vacances au Burkina.
A Gaoua, ces filles et femmes aux crânes rasés n’émeuvent pas beaucoup dans cette partie du Burkina où la pratique semble aller de soi. Les questions que tout novice est tenté de se poser en découvrant le milieu sont nombreuses. De quand remonte cette pratique ? Ses racines sont-elles cultuelles ? Culturelles ? Quelles en sont les raisons ? A Gaoua, les femmes se confondraient aux hommes s’il n’existait pas une différence au niveau du buste. La modernité aidant, pantalons et chemises sont venus niveler la spécificité vestimentaire qui permettait de distinguer hommes et femmes d’un simple coup d’oeil. L’élément capital qui contribue d’avantage à fondre les deux genres est le style de coiffure homme qu’elles adoptent. D’ailleurs la limite d’âge dans ce particularisme stylistique à Gaoua n’est pas restrictive car elles ont généralement un âge compris entre 1 an et 25 ans majoritairement et même au-delà, celles qui observent ce choix de ne pas laisser pousser les cheveux sur le crâne. Pour les enfants, cela peut se comprendre aisément, pour les personnes plus âgées, diverses explications sont données. Le rédacteur en chef de la radio Gaoua, Lougué Hamadou brandit l’hypothèse de la culture qui veut que la jeune fille lorsqu’elle n’est pas mariée soit considérée comme l’égale du garçon et en la matière les parents accordent peu d’importance aux soins des cheveux de cette dernière. Il semble même que la jeune fille a le droit de s’amuser avec les garçons tant qu’elle n’est pas promise parce qu’elle ne doit pas se distinguer d’eux. Par cette manière c’est aussi un signe pour autoriser les garçons à leur faire des avances sur la base d’une disponibilité de fait annoncée par leurs têtes rasées.
Certains penchent pour l’hypothèse de recherche de propreté qui, à leur avis, amènerait ces filles et femmes à se raser. Dans la région de Gaoua, le fossé souvent est grand entre les plus nantis et ceux qui le sont moins. Dans les familles dont le revenu est faible, les filles par peur de manquer de moyens pour entretenir leurs cheveux en se coiffant avec des mèches préfèrent les couper à ras pour mieux les entretenir. D’autres comme Hien Amélie, avancent la raison de la difficulté qu’elles éprouvent dans l’exercice de leurs activités. Elle est une commerçante au grand marché de Gaoua et n’ayant pas de moyen de déplacement pour acheminer les condiments de la maison au lieu de son commerce, elle préfère avoir la tête rasée pour faciliter le port du panier sur sa tête. Elle confie que plusieurs autres personnes sont dans son cas.
Que dit la tradition ?
La coutume expliquerait aussi en partie ce phénomène des têtes rasées. Un tour au musée de la civilisation Lobi à Gaoua le mardi 17 septembre dernier nous a édifiés sur la question. En effet, chez les Dagara, raser les cheveux est un signe de deuil. C’est lorsque l’on perd son mari, son enfant ou sa femme que l’on est tenu de se couper les cheveux. Paradoxalement il existe chez eux selon Benoît Hien des femmes aux cheveux toujours rasés. Certaines femmes également se font raser la tête lorsqu’elles rendent visite pour la première fois à la belle famille pour présenter leur premier enfant. C’est d’ailleurs la belle famille qui désigne un homme pour raser la tête de la femme.
Tout un mystère entoure le phénomène des têtes rasées à Gaoua et il faut vraiment être dans un contexte bien précis pour comprendre les messages. Il existe dans les couvents, des jeunes filles qui ne portent pas de cheveux pour répondre à leur désir de pureté et pour rendre le port du foulard facile. A chaque région donc sa spécificité. En fonction de la tradition, les habitudes changent. Chez les Lobi, par contre, le rasage de la tête est purement une préoccupation d’hygiène. Les femmes dans le passé se coiffent pour rester propres. Elles marquent donc cette différence avec les hommes qui ne se préoccupent pas de leurs cheveux, préférant les laisser pousser en désordre. La tradition dit d’ailleurs que lorsque la femme n’accompli pas tous les rites après la naissance de son garçon, elle ne peut pas raser la tête de ce dernier, donc forcément le garçon aura de longs cheveux. Le côté esthétique est aussi un des arguments qui justifie ce choix. Les femmes coupaient à ras leurs cheveux et faisaient dessiner sur leur crâne des figures qui se mariaient aisément avec les parures qu’elles portaient. Mais à chaque ethnie sa tradition. Les parures sont considérées comme réservées exclusivement aux femmes. Dans la région de l’Est, le chef de Fada, un homme pourtant a toujours les cheveux tressés en nattes et les oreilles ornées de bijoux. Et c’est cette différence des traditions qui donne à l’Afrique son surnom de « berceau des cultures et des traditions ».
Source : L’Evenement
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