Tiken Jah : "C'est ma femme qui gouverne à la maison..."
En tant qu'artiste chanteur reggae, son rôle est d'éveillé les consciences. Mais L'artiste international, Tiken Jah ne s'arrête pas là. Il défend aussi la cause des femmes d'où son combat contre l'excision... et nous parle également de sa relation avec "Tata".
Sur votre dernier album intitulé "Dernier appel" vous avez repris l'une de vos anciennes chansons "Tata". Pourquoi? Est-ce pour rendre un hommage à la défunte Tata?
Oui. C'est effectivement ça. C'était un titre que j'avais sur l'album "Cour d'histoire". Un titre qui a été beaucoup apprécié. Malheureusement ce titre n'était pas trop connu en Occident. Donc avec les maisons de disque on a décidé de le reprendre. Mais comme vous l'avez bien dit, c'est pour rendre hommage à Tata, la mère de ma fille, qui m'a attendu pendant longtemps.
Qui vous a beaucoup marqué...
Au fait si vous voulez, on devait se marier et moi j'étais en pleine galère, dans une gare routière en pleine boue à Adjamé pour trouver des passagers et remplir des véhicules. En plus j'étais dans une position où je ne pouvais pas me marier avec Tata parce que j’étais encore sous le toit de mon papa. Et venir vivre là avec madame, je ne voulais pas vivre ainsi. Alors elle m'a attendu, d'ailleurs trop longtemps. Et finalement sous la pression de la famille elle a dû se marier à quelqu'un d'autre. Lorsque j'ai appris son décès en 1997, alors j'ai écrit cette chanson-là pour lui rendre hommage.
Etant un homme, vous vous intéressez à la lutte contre l'excision. Pourquoi?
A partir du moment où les femmes ont commencé à lutter contre cette pratique, qui est d'ailleurs ancestrale, ça veut dire que ce n'est pas bon. Donc ça devient une injustice contre les femmes. Moi, je fais du reggae, mon rôle c'est de combattre toute sorte d'injustice. C'est pourquoi j'ai fait cette chanson qui s'appelle " Non à l'excision" pour apporter mon soutien aux femmes par rapport à la lutte contre cette pratique.
Ce combat a-t-il eu du succès?
Je pense qu'il a eu du succès parce que je suis l'un des premiers hommes à chanter une chanson contre cette pratique. Très souvent on disait chez nous que c'était une affaire de femme; et qu'il n'y avait que les femmes qui doivent mener ce combat. Donc je pense que du fait que j'ai fait cette chanson, je suis allé à des cérémonies il y a des associations qui essaient de sensibiliser les populations. Donc je pense que cette chanson a eu sa place quand même.
Où en êtes vous avec votre projet " Un concert, une école"?
"Un concert, une école" continue. Nous avons construit aujourd'hui 5 écoles en Afrique; il y a deux (2) écoles primaires dans le nord de la Côte d'Ivoire, une (1) école primaire au Burkina Faso, une (1) école primaire au Niger, un (1) collège dans le nord du Mali. Nous avons aussi réhabilité l'école primaire du quartier Biafra à Treichville. Nous avons notre prochain projet de construction d'école en Guinée Conakry. Depuis deux (2) ans nous avons 20 000 euro, il faut 13 000 000 f cfa dans un compte à Paris... Mon rêve c'est de pouvoir construire une école dans tous les pays africains. Il y a 54 pays, j'en ai construit 5 et il m'en reste 49.
Est-ce qu’à travers ce projet nos parents ont compris le bien fondé de la scolarisation des enfants et surtout des jeunes filles?
Mais je l'espère, parce que le but c'est ça. Le but c'est de montrer l'importance de l'éducation dans nos pays en voie de développement. Moi, je suis convaincu mesdames, que c'est l'école qui va changer l'Afrique. Aujourd'hui tout le monde profite des africains parce que la majorité d'entre eux ne savent ni lire, ni écrire. Donc je pense que quand cette majorité saura lire et écrire ça va changer le continent, parce que les gens seront réveillés et il y a des choses qu'ils vont plus accepter. Il va avoir une lutte commune contre l'exploitation par le système occidental et même l'exploitation par nos hommes politiques.
Pensez-vous qu'aujourd'hui en Afrique il y a assez de femmes dans nos instances de décision?
Je pense que ça commence. A partir du moment où il y a eu déjà une Présidente de la République au Liberia, deux premiers ministres au Sénégal, et des ministres au sein des différents gouvernements, je pense qu'on est entrain d'avancer doucement, parce qu’il ne faut pas oublier, il y a 20 ans, les seuls postes, à part feu Thomas Sankara, qui a donné le ministère de l'économie et des finances à une femme, tous les autres gouvernements africains avaient donné les ministères de la condition féminine. C'était les seuls postes occupés par les femmes. Aujourd'hui vous avez les ministres de la santé, du coup je pense que la lutte des femmes continuent et les résultats sont entrain d'être observés. Donc je pense que le plus important c'est qu'il y ait de l'évolution. On ne peut pas dire qu'il y a égalité aujourd'hui mais on peut dire que les choses avancent doucement.
Quelle est cette femme africaine qui vous a le plus marqué de part ses actions en Afrique?
Ah, il y a une malienne qui s'appelle Aminata Dramane Traoré, aujourd'hui en conférence au Brésil, en France qui avait un discours par rapport à la défense de l'Afrique. Donc cette femme-là, son combat m'a plu.
Avez-vous été déjà dragué par une femme et comment avez vous décliné son offre?
Est-ce que j'ai été dragué par une femme, comment ai-je décliné son offre? Ca c'est une question! Je pense qu'avec la télé, parce qu'on est star, on est apprécié par les femmes. Et c'est une chance voilà. Donc c'est des choses qui arrivent mais je ne pense pas que cela dévalorise la femme, puisque c'est comme ça partout dans le monde entier. Ce sont des choses qui arrivent. C'est important de savoir que c'est une chance, un honneur mais il faut rester le plus calme possible, poli et résister. on n'a pas besoin de dire non mais on peut emprunter des chemins pour faire comprendre.
Quelle place tient la femme dans votre vie?
Je pense que dans la vie de tout homme, la femme a une place très importante. La femme c'est la base. Moi par exemple, je ne suis jamais à la maison. C'est ma femme qui gouverne à la maison. C'est elle qui s'occupe des enfants et de leur éducation. Et quand elle arrive à sa limite elle me le signale, par exemple lorsqu'un enfant déconne. Donc il faut que j'agisse. Les femmes, dans toutes les familles, dans tous les pays, dans toutes les sociétés, elles jouent un rôle très important. D'ailleurs on dit que les femmes sont à la base de tout développement. Dans la plupart de nos pays où les hommes sont au chômage, ce sont les femmes qui vont vendre les mangues, les oranges pour nourrir la famille.
Depuis le début de l'interview vous ne faites que les éloges des femmes. Mais que détestez vous le plus chez elles?
Autant on déteste des choses chez les femmes, autant on en déteste chez les hommes. Mais chacun a son caractère. Et je pense qu'en ce qui concerne les défauts, je ne juge pas. Surtout qu'on ne peut pas généraliser. Parce qu'on ne peut pas dire voila ce que je déteste chez les femmes; toutes les femmes ne sont pas ainsi. En ce qui concerne les défauts, tout le monde en a.
Quel est votre type de femme? grande, mince, grosse, claire, noire...
Ah non! Mon type de femme c'est ma femme. (Rire)
Pensez-vous que la femme soit capable d'apporter quelque chose d'important à l'homme? par exemple l'équilibre?
Bien sûr! Si vous n'avez pas une bonne femme, vous avez échoué dans la vie, parce que si vous revenez de la ville avec des soucis, que vous rentrez à la maison et qu'il y a des soucis, si la femme ne vous calme pas, ne vous apaise pas ça peut donner une courte vie à un homme. Un homme qui a une bonne femme a tout gagné. Un homme ne doit pas tout dire à sa femme mais en ce qui concerne la vie, c'est important d'en parler avec sa femme. Les femmes voient généralement ce que nous ne voyons pas. Et vice-versa. Un homme qui dit qu'il s'en fout de sa femme et qui va dans une seule direction, mais il se trompe. L'homme peut demander l'avis de sa femme, l'analyser et prendre une décision par la suite.
Yolande Jakin (stagiaire)
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