Laissez respirer votre couple !
Toi + moi = nous. Mais où est passé le “je” ? Pour ne pas se perdre dans son couple et le nourrir sans l’épuiser, une seule solution : cultiver la (bonne) distance et affirmer son identité.
« Le mariage, c’est quand un homme et une femme ne font plus qu’un. Le plus difficile, c’est de savoir lequel ! » Cette boutade de Woody Allen résume à merveille la problématique du couple. Tout ce qui paraît magique au début – partager le même lit, les mêmes goûts, les mêmes amis, les mêmes loisirs, les mêmes tics de langage – conduit trop souvent non seulement à l’appauvrissement du sentiment amoureux (sinon à sa mort), mais aussi, parfois, à la sensation de perdre son identité. Le « nous » remplaçant le « je », l’entité couple finit par absorber les individus. La relation transforme l’autre en une prolongation de soi, en un double à la fois prévisible et invisible. Le désir s’éteint, la lassitude gagne.
Les thérapeutes de couple le confirment : quand on étouffe dans son couple, on n’est plus en mesure d’y voir clair dans ses sentiments. Parce que l’on a perdu son désir, son énergie. Paradoxalement, c’est peut-être le bon moment pour se questionner, sur soi et sur la relation. Suis-je dans une relation cannibale, qui fait que je ne me nourris que de l’autre ? Suis-je suffisamment sécurisé(e) affectivement pour le laisser s’épanouir en dehors de notre couple ? Est-ce que je ne me suis pas dilué(e), perdu(e) de vue dans la relation à deux ? Autant de pistes qui peuvent ouvrir de nouvelles voies au couple et lui redonner l’oxygène qui lui manquait.
1 - Rester deux
« Au bout de quelques années, je ne savais plus qui j’étais, mon “je” était noyé dans le “nous”, raconte Nadine, 42 ans, mariée depuis douze ans. Plus rien de lui ne me surprenait, je prévoyais ses gestes, ses paroles. J’avais envie de tout plaquer, j’étouffais… » Nadine n’a pas tout plaqué. Elle a décidé de « faire rentrer de l’air dans sa vie » en se lançant dans une activité bénévole qui lui a permis d’exister en dehors de son couple, de se faire de nouvelles relations, mais aussi et surtout de retrouver une énergie et un enthousiasme contagieux. Au bout de quelques mois, elle s’est retrouvée « plus autonome, plus rayonnante et… plus amoureuse ! »
Etre deux, c’est aussi s’affirmer en sachant dire non. Cela paraît simple. Ça ne l’est pas tant que ça. L’idée que, lorsqu’on s’aime, on doit faire et avoir envie des mêmes choses est très enracinée dans nos esprits. « Si tu ne fais pas comme moi, c’est que tu ne m’aimes pas assez, traduit-on implicitement. Certaines personnes particulièrement “insécures” peuvent se sentir remises en cause et jugées si leur conjoint ne partage pas tous leurs goûts », constate Isabelle Filliozat, psychothérapeute. Alors qu’il faudrait au contraire cultiver, honorer nos différences, oser avoir des envies différentes et respecter celles de l’autre. Et ne pas oublier que lorsque nous l’avons rencontré(e), ce qui nous séduisait, c’était justement sa différence, une différence rabotée au fil des jours. Poli comme un galet, débarrassé de ses zones d’ombre, prévisible et familier, le lynx s’est transformé en gros chat domestique. Comment s’étonner de ne plus le désirer ?
2 - Eviter les sacrifices
Abandonner ses loisirs, ses amis sous prétexte d’accorder plus de temps à son couple ou, au contraire, se contraindre à adopter ceux de l’autre revient non seulement à renier sa singularité, mais aussi à nourrir inconsciemment une rancœur qui finira par resurgir à l’occasion d’une dispute. Le sacrifice est une forme de chantage qui finit toujours par empoisonner l’intimité du couple. Le sacrifié vit avec le fantasme d’être un jour récompensé pour ses sacrifices et la moindre tentative d’autonomie du partenaire est vécue comme une ingratitude insupportable.
De manière générale, faire systématiquement des concessions pour faire plaisir à l’autre aboutit au contraire de ce que l’on souhaite. On s’emprisonne dans une personnalité d’emprunt – à force de céder, de se couler dans le désir de son partenaire, sait-on encore qui on est et ce que l’on désire ? – et on finit par l’étouffer sous le poids de nos pseudo-sollicitudes.
3 - Créer un espace amoureux
C’est un cliché et une réalité : la vie de couple rend paresseux. Et la vie moderne fatigue. Résultat : on dort souvent côte à côte, épuisés et chastes. C’est ainsi que, de petite paresse en grande fatigue, le lien amoureux se transforme en lien fraternel. Le corps de l’autre, trop familier, finit par perdre toute charge érotique. S’il n’existe pas de recette magique, des actes symboliques peuvent prévenir les glissements vers une relation asexuée. Cela peut, entre autres, passer par la création d’un espace amoureux, temporel ou géographique, consacré aux rendez-vous sensuels du couple. Un coin de la chambre, aménagé en "alcôve amoureuse", un week-end consacré à la sensualité, où l’art, la nourriture ou la nature, suivant les affinités du couple, créent une intimité différente qui rompt avec le quotidien.
Maryse Wolinski, amoureuse de son célèbre mari depuis trente ans, raconte (In Chambre à part, Albin Michel) comment « une chambre à part » a pu redonner un souffle nouveau à son couple, une sensualité plus intense, plus ludique : « On a eu envie de créer de nouveaux codes de séduction. On a partagé l’appartement en deux. Chaque fois que je rejoignais mon mari dans sa chambre, tout redevenait inconnu, imprévu, décalé… »
4 - Accepter de s'éloigner
S’accorder des temps de séparation – de quelques heures ou de quelques jours – pour ensuite mieux se retrouver. Le conseil, frappé au coin du bon sens, et dispensé par les sexologues et les thérapeutes de couple, semble à la portée de tous. Erreur. Quand l’un des deux partenaires se nourrit ailleurs, les vieux démons de l’insécurité affective refont surface. Comment peut-il s’épanouir loin de moi ? Et si, loin de moi, il trouvait mieux que moi ? S’il prenait goût à l’air du large et n’avait plus envie de revenir ? Entre amour et possession, la frontière est très souvent ténue. Peur de l’abandon, fragilité narcissique sont les freins, souvent inconscients, qui nous empêchent de laisser l’autre s’éloigner. Or il faut rappeler que c’est la frustration qui fait fuir et non la liberté. Un partenaire épanoui a bien plus envie de donner qu’un partenaire frustré.
« Avant, je râlais toujours un peu quand mon compagnon partait en reportage, confie Lucie, 38 ans. Maintenant j’en suis contente, j’en profite pour faire de mon côté des choses nouvelles et j’ai pu constater que lorsqu’il revient, nos échanges sont plus toniques, plus joyeux, car nourris des expériences que chacun a vécues de son côté. »
Autre frein à l’autonomie, notre soumission à la norme sociale : « Un couple, ça doit être bien ensemble tout le temps. » Donc si j’éprouve le besoin de sortir seul(e), si je me sens bien dans mon couple mais pas tout le temps, je me dis : « Je ne l’aime pas assez, je me suis trompé(e) de partenaire », ou encore : « Je ne suis pas fait(e) pour la vie de couple. » Ce cliché a la peau dure et a la peau de bien des couples, qui, au lieu de se défaire de cette croyance, se défont de la relation.
5 - Cultiver le désir ailleurs
Le désir se nourrit aussi des éclats de désir glanés hors couple, rappellent les sexologues. Il ne s’agit pas de cultiver l’infidélité, mais de déployer ses antennes sensuelles hors de l’espace balisé de la relation à deux. Se laisser séduire juste ce qu’il faut pour savourer le goût des "possibles", sans forcément y succomber. « Paradoxalement, ce sont les couples qui s’accordent le plus de liberté qui restent le plus fidèles, note le psychiatre et psychothérapeute Serge Hefez. Dans les couples plus fermés, l’interdit, à l’inverse, agit souvent comme un aimant. » Peut-être parce qu’il est plus difficile de trahir quelqu’un qui vous fait confiance ?
Cultiver le désir hors de son couple ne signifie d’ailleurs pas que l’on joue uniquement sur le registre de la séduction sexuelle. Prendre le temps de s’occuper de soi avec plaisir, partager de l’intimité avec d’autres personnes, c’est aussi diversifier ses sources d’énergie vitale, c’est mettre de la vie dans sa vie, donc du désir.
6 - Trouver le bon tempo
Pour Serge Hefez, psychiatre et psychothérapeute, l’amour ne suffit pas à faire le bonheur. Dans La Danse du couple, il montre que, pour durer, la relation doit être régulièrement remise en question. Extrait.
« Pour construire sa relation et la faire tenir, le couple a besoin d’éléments extérieurs. Pour danser, il faut de la musique. Dans le couple, ce sont souvent les enfants qui permettent d’accorder les violons, mais d’autres peuvent aussi donner le tempo et le faire vibrer. Le rôle de la musique peut ainsi être tenu par des projets communs […] ou par une personne qui occupe une place importante dans le couple […]. Tous ces “tiers” peuvent peser sur le couple ou, au contraire, l’enrichir. Plus ils sont nombreux et diversifiés, mieux ils sont dosés, et moins le couple risque de perdre de vue qu’il est un couple conjugal avant tout. »
Source: psychologies.com
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